Mgr Claude Rault à
Briançon pour le départ du père Bertrand Gournay :
« Merci à Dieu, à vous, au diocèse de Gap et
d’Embrun, et à votre évêque »
9 JUILLET 2014
De passage dans les Hautes-Alpes, Mgr Claude Rault a
rencontré Mgr Jean-Michel di Falco Léandri à Gap, puis il
s’est rendu à Briançon où il a présidé l’eucharistie en
l’église Sainte-Catherine le mercredi 25 juin. Ci-dessous
son homélie pour le départ du père Bertrand Gournay comme
prêtre fidei donum dans le Sahara algérien à Tamanrasset,
et un article paru sur le site internet des paroisses en
Briançonnais.
Homélie
Ce n’est pas ici ni maintenant que je vais vous présenter
et vous définir la mission confiée au père Bertrand
Gournay ; je le ferai tout à l’heure[1]. Mais je voudrais
dire merci à Dieu, à vous, au diocèse de Gap et d’Embrun,
et à votre évêque, pour avoir bien voulu l’envoyer et le
confier à cette autre Église diocésaine du Sahara
algérien. Mon lien avec ce diocèse de Gap et d’Embrun est
une longue histoire ininterrompue depuis 1962, année où
j’ai fait mon noviciat chez les Pères Blancs, dans le
grand séminaire de Gap. Je vois dans cette longue histoire
un beau signe de la fidélité de Dieu. Ce n’est donc pas
par hasard que je me trouve ici ; ce n’est pas par hasard
que j’ai rencontré le père Bertrand. Ce n’est pas par
hasard que je l’ai invité à venir rejoindre notre petite
Église saharienne. Ce n’est pas par hasard que votre
évêque l’envoie. Si c’est par hasard, alors je dirais ce
que m’a confié une petite sœur de Tamanrasset : « Tu sais
Claude, le hasard, c’est Dieu incognito ». Alors, si c’est
le hasard, je le définis de cette façon.
Mais revenons à cette Parole de Dieu que nous venons
d’entendre : la lecture de l’Ancien Testament nous trace
un récit d’exil ; exil d’un peuple qui a connu ses heures
de gloire et le succès de ses conquêtes. Un peuple qui,
dans les aléas de l’histoire, connaît la décadence,
l’échec puis l’exil. Le conquérant ne laisse sur place «
que la population la plus pauvre ». J’aime toujours
essayer de relier la Parole de Dieu avec ce que nous
vivons. Et c’est bien pour cela que nous lisons cette
Parole. Cet exil du Peuple de Dieu, du peuple choisi, du
peuple d’Israël, peut nous sembler lointain. Et pourtant…
regardons autour de nous. Notre Église de France – comme
beaucoup d’autres – n’est-elle pas en train de vivre elle
aussi un véritable exil. Je ne parle pas qu’un exil
qualitatif… mais d’un exil numérique, qui nous saute aux
yeux. Il faudrait être aveugle ou se mettre la tête dans
le sable (il n’y en a pas beaucoup ici !) pour ne pas le
percevoir.
Rien ne sert de gémir sur le passé, sur le temps des
églises pleines, des cours de caté nombreux, des
statistiques, des registres de catholicité bien remplis.
Simplement, vivons le temps qui nous est donné à la
lumière de l’évangile, à la lumière de la Parole de Dieu.
« On ne laisse sur place que la population la plus pauvre
» : la fragilité, la nôtre, celle que nous connaissons
aujourd’hui, peut être une grâce, un don de Dieu, un
moment favorable à saisir. La faiblesse dans laquelle nous
vivons comme communauté chrétienne peut être un appel à
nous mettre à l’écoute de la volonté de Dieu pour
aujourd’hui.
Jésus nous le rappelle dans l’évangile d’aujourd’hui :
l’important n’est pas de crier le nom du Seigneur à gorge
déployée, ni de multiplier nos agitations, si pieuses ou
humanitaires soient-elles. Mais il s’agit, nous dit Jésus,
« de faire la volonté de mon Père qui est dans les cieux
». Est-ce la volonté de Dieu que nous cherchons ? Le
départ du père Bertrand est-il dans la ligne de cette
volonté de Dieu ? Question tout à fait d’actualité,
n’est-ce pas, pour cet aujourd’hui qui est le nôtre ! Je
ne risquerais pas un « oui » absolu, inconditionnel, mais
un « oui » qui jaillit de ma foi fragile.
J’ai senti chez quelques-uns d’entre vous comme un regret…
mais jamais une déception. Regret normal de la part de
votre évêque qui l’envoie. Regret aussi de ma part de vous
« le voler » ! Ce regret n’est-il pas le signe d’un
attachement tout légitime ? Mais il y a plus grand que ce
regret : c’est la certitude et la joie de savoir que nous
sommes dans la main de Dieu et sous le signe de sa
volonté. Et c’est cette douce et pacifiante certitude qui
nous amène ici pour un grand merci, une action de grâce,
l’expression d’une grande gratitude envers ce Père qui est
dans les Cieux.
Laissons derrière nous les regrets dont je parlais tout à
l’heure, et entrons dans ce grand merci à Dieu. Pour moi,
ce merci à Dieu est un merci à vous ! Peuple de Dieu
fragile de Briançon, vous venez ainsi en aide à cet autre
peuple fragile de Tamanrasset. Nous scellons ensemble une
alliance, non pas celle de nos forces, mais celle de nos
fragilités et de nos précarités. « On ne laissa sur place
que la population la plus pauvre », avons-nous lu tout à
l’heure dans le livre des Rois. Notre pauvreté est bien le
lieu où s’inscrit la volonté de Dieu. Je crois humblement
que l’envoi du père Bertrand à Tamanrasset est bien dans
la ligne de cette volonté de Dieu. Je le dis du fond du
cœur et je sais qu’en le disant je rejoins aussi cette
humble certitude qui vous habite.
Merci à vous, peuple de Dieu de
Briançon, du diocèse de Gap et d’Embrun.
Merci à votre pasteur et évêque.
Merci à Bertrand d’avoir dit oui.
Merci à notre Père des Cieux de continuer à nous
accompagner aujourd’hui et demain. Amen !
Mgr Claude Rault
Évêque de Laghouat-Ghardaïa
[1] Après la messe et le partage d’un repas, Mgr Claude
Rault a offert une conférence-débat sur la vie pastorale
dans son diocèse saharien.
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Rencontre avec Mgr Claude
Rault, évêque de Laghouat-Ghardaïa
à l’occasion du départ vers Tamanrasset du père
Bertrand Gournay
Qu’est-ce que l’Église, et qu’est-ce que l’Église du
Sahel aujourd’hui?
L’Église est au service de l’avènement du Royaume de Dieu,
qui est beaucoup plus grand que nous. Ce au service de
quoi nous sommes mis est plus large que nous-mêmes, et
plus large que l’Église. Tous les hommes de bonne volonté
sont témoins, à leur manière, de cet horizon plus large.
Nous collaborons avec tout le peuple des Béatitudes à
faire une humanité meilleure.
Notre Église n’est pas une Église de catéchèse. Mais une
Église de partage, de vivre avec. Nous vivons dans un
islam de convivialité. Notre présence à ce territoire, et
à cet islam, est le partage quotidien, des joies, des
peines. Dans l’organisation territoriale, l’Église
d’Algérie est constituée de quatre diocèses : Oran, Alger,
Constantine au nord, Laghouat au sud (avec sa cathédrale
dans la ville de Ghardaïa).
Quelles données nouvelles pour l’Algérie
d’aujourd’hui ?
Les communautés du nord de l’Afrique sont de plus en plus
marquées par la présence d’Africains venus de la zone
subsaharienne. L’Union Européenne multiplie les barrages
pour bloquer ces flux venus d’Afrique subsaharienne.
L’Algérie aujourd’hui devient ainsi un pays d’immigration.
Environ 300 000 migrants se sont stabilisés dans le pays,
d’autres sont de passage. Oran est tellement marquée par
cette réalité qu’on la surnomme la paroisse des
sans-papiers
Une difficulté, ou une chance ?
Pauvre, peu importante numériquement, au contact avec ces
situations difficiles, l’Église peut vivre tout cela comme
un défi et une chance. L’Église est appelée à devenir le
lieu d’accueil pour ceux-là qui souffrent de misère, de
faim, de maladie, qui risquent leur vie, au Sahara, ou
plus au nord, en mer Méditerranée. L’Église doit être la
première terre d’accueil de tous.
Que faisons-nous là-bas ? Un évêque père blanc à qui l’on
posait cette question répondait : « Je ne sais pas. Ce que
je sais, c’est que si nous n’étions pas là, ce ne serait
pas pareil. »
Quelle vie chrétienne dans le diocèse de
Laghouat ?
D’une superficie de deux millions de km², le diocèse
couvre l’équivalent de quatre fois la France. Pour un
total de 3,8 millions d’habitants, et environ 100
chrétiens permanents, chiffre qui inclut 25 prêtres et
religieux, 40 religieuses, 4 laïcs permanents du diocèse,
et 12 communautés (regroupant entre 3 et 80 personnes). Le
projet évangélique du diocèse tient dans les « trois C » :
contemplation, Caritas, culture, le tout formant le « c »
de communion. Depuis 2008, les deux-tiers des chrétiens du
diocèse ont été renouvelés [NdR : Mgr Rault est arrivé en
2004]. Caritas : beaucoup de religieuses (par exemple des
Rwandaises) sont impliquées dans la promotion féminine,
par le biais de l’apprentissage de métiers pour que les
femmes se procurent des moyens de subsistance à partir de
revenus locaux ; mais également dans le soutien aux
familles avec personnes handicapés, peu prises en charge à
ce jour par des structures publiques. Culture : il s’agit
surtout de soutien scolaire (par exemple en français,
parce que celui-ci est nécessaire pour faire des études
universitaires dans le domaine scientifique, et qu’il est
surtout l’apanage des classes plus riches, dans le nord du
pays) ; il y a également le suivi de deux bibliothèques
(dont un Centre Culturel de Documentation Saharienne, fort
d’un fonds de plus de 10 000 ouvrages).
Le cœur de ce projet est de maintenir la communion entre
ces douze communautés, réparties sur un très vaste
territoire. Une assemblée diocésaine annuelle, temps de
prière, d’échange, de convivialité, rassemble une
soixantaine de personnes sur trois jours.
Qu’est-ce qui attend Bertrand à Tamanrasset ?
Tamanrasset est une ville en pleine expansion
démographique : des quelques deux cents foyers présents au
début du siècle, à l’époque de Charles de Foucauld, vivant
dans un « nomadisme sédentarisé », on est passé
aujourd’hui à une population de 110 000 habitants.
Population mélangée, Algériens du sud, Touaregs, Maliens
ou Nigériens stabilisés à Tamanrasset (très présents dans
les BTP). Il y a beaucoup à faire, à simplement rencontrer
toutes ces réalités humaines, si diverses, si riches. À
apprendre la langue des habitants aussi : pas de rencontre
sans passer par la langue de l’autre.
Dans cette ville de passage, il s’agit d’abord d’assurer
l’accueil de tous ; de s’assurer que des hommes et des
femmes sont présents, et pas seulement la rue ou le ghetto
de la misère ; il s’agit d’offrir des lieux
d’humanisation. Prier, danser, chanter : des gestes
simples, hérités de toutes les traditions.
La deuxième tâche est d’assurer une « pastorale du
samaritain » : relativement démunis nous-mêmes, nous
n’avons pas d’argent à offrir, mais nous devons soigner
les malades, accueillir les blessés.
De façon marginale, pour ceux qui le souhaitent, nous
pouvons également les mettre en contact avec une
association locale, Rencontre et développement. Cette
association vise à aider matériellement ceux qui
souhaitent rentrer au pays. Mais dans les faits, il est
très difficile, voire impossible, de revenir chez soi «
les mains vides », après qu’une famille ou un village a
payé des sommes, souvent importantes, pour le passage vers
le nord.
La troisième tâche, qui a été largement mise en sommeil
dans les années passées, du fait des interventions
militaires au Mali notamment, est l’accueil des pèlerins
qui viennent se recueillir au désert, sur les traces de
Charles de Foucauld. Si tout se passe bien, Bertrand
pourra reprendre ce service d’accueil et d’accompagnement.
|
de
la rédaction du site ADS
Edition du 25 juin 2014
|
En présence
de Mgr Claude Rault, évêque du Sahara,
messe et fête à Briançon pour le départ du père
Bertrand Gournay,
nommé curé de Tamanrasset (diocèse du Sahara
algérien)
WEBMASTER 25 JUIN 2014
Mgr Claude Rault, évêque de Laghouat-Ghardaïa (Sahara
algérien), est actuellement dans les Hautes-Alpes. Dans le
cadre des échanges et du soutien entre Églises locales
(diocèses), Mgr Jean-Michel di Falco Léandri, évêque de
Gap et d’Embrun, a répondu positivement à la demande de
Mgr Claude Rault d’accueillir pour trois ans le père
Bertrand Gournay, actuellement curé pour le Briançonnais,
afin de lui confier la paroisse de Tamanrasset, connue
pour être le lieu où a vécu et où est mort le bienheureux
Charles de Foucauld.
Mgr Claude Rault est un haut-alpin de cœur pour avoir été
novice puis économe au noviciat des Pères Blancs à Gap,
alors qu’il occupait l’ancien grand séminaire (l’actuel
Centre médical de l’Adret).
Mgr Claude Rault préside la messe à 18h30 en ce mercredi
25 juin 2014 en l’église Sainte-Catherine à Briançon. À
20h30, rencontre et fête pour le départ du père Bertrand
Gournay.
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Mot du Père Bertrand Gournay
à l’issue de la Messe chrismale à Briançon
le mardi 15 avril 2014
pour annoncer son départ
" Pour ceux qui ne seraient pas encore informés,
avec l’accord de Mgr Jean-Michel di Falco Léandri que
je remercie, j’ai répondu à la demande de l’évêque du
Sahara, Mgr Claude Rault, pour me mettre au service de
son immense diocèse du sud algérien. Le lieu de
destination est Tamanrasset. Cette ville connue,
située au cœur du peuple Touareg est celle où Charles
de Foucauld a séjourné entre 1905 et 1916. Depuis
1988, je suis moi-même membre des fraternités
sacerdotales de Charles de Foucauld, engagement
fraternel entre prêtres diocésains, destiné à aider
leur vie de prière et leur ministère.
Le désir de renouveler ma foi et ma vocation
sacerdotale, de me mettre au service de l’écoute de
plus pauvres par l’afflux des migrants sub-saharien
m’a incité à répondre favorablement à cet appel. Je
pensais terminer mon mandat de six années à Briançon
avant de demander à prendre un autre chemin vers un
lieu de prière et d’accueil, suivant ce que je perçois
en cours de cette recherche que nous menons pour une
vie pastorale diocésaine à l’écoute des évolutions des
modes de vie de notre société. Cette proposition était
l’une de celles qui se profilaient.
Je perçois avec lucidité que ce départ me conduit à
quitter des liens avec mes amis, des confrères diacres
et prêtres et à augmenter beaucoup la distance
géographique avec ma famille ; des liens auxquels je
reste très attaché.
Les temps ont changé. Les moyens actuels de
communication n’ont plus rien à voir avec l’isolement
que vivait de Foucauld ou ceux qui s’expatriaient
ainsi quelques décennies auparavant. Mais le lien le
plus spirituel qui traverse les époques et les
transformations techniques, demeure la prière.
Tamanrasset, le site montagneux et minéral de
l’Assykrem, sont des lieux où celle-ci ne peut être
évitée. Une autre forme de communion, plus intense,
s’installera entre nous. "
Les quatre diocèses en
Algérie, dont celui de Laghouat en jaune clair.
Tamanrasset est tout au sud.
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de la Rédaction du
Site,
Samedi 25 janvier, Mgr Jean-Michel di Falco Léandri a
présidé la messe
en l’église entièrement rénovée de Sainte-Catherine à
Briançon, avec à sa gauche le Père Gournay
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Echos, dans la presse
régionale
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