interview du Père
Anselme Tarpaga
11 Août 2009
99,99% de musulmans peuplent
l'Algérie. Il y a donc moins de 1% de catholiques dans ce pays.
Pourtant, il y a des prêtres qui y sont affectés.
Sont de ceux-là deux prêtres burkinabé :
Abbé Jean-Paul Kaboré , à 50km d'Alger, à
Blida ,au nord de l'Algérie et le jeune Père
Anselme Tarpaga , en plein désert , à 800 km de la
capitale. Avec ce dernier, nous avons voulu comprendre comment
le travail de prêtre-catholique s'exerce dans un tel milieu
où la loi interdit l'évangélisation. Originaire de
Koupéla, le Père Anselme Tarpaga se sent plus Bobolais
pour avoir émigré très tôt dans cette
capitale économique du Burkina. Il a été
ordonné prêtre il y a un peu plus d'un an.
L'Algérie est son premier poste. Responsable dans le
diocèse de Sahara (diocèse de Laghouat-Ghardaïa, le
diocèse le plus grand du monde (géographiquement)
après celui qui vient d'être érigé en
Sibérie. Grand diocèse qui accueille seulement 12
catholiques actifs sur une population de plus de 250 000 âmes.
Entretien,
à la faveur du Festival panafricain d'Alger, avec un jeune
prêtre en milieu musulman.
"Le Pays" :
Comment un
prêtre, de surcroît Burkinabé, se retrouve-t-il dans
un pays très islamisé. Comment se passe
concrètement l'évangélisation ?
Père
Anselme Tarpaga (prêtre burkinabé en Algérie)
: Ici, on est dans une situation où on ne peut pas
évangéliser. L'évangélisation n'est pas
notre premier objectif. D'ailleurs, la loi l'interdit carrément.
Nos activités sont beaucoup plus orientées vers le
social. On soupçonne souvent que derrière cette «
gentillesse » on veuille faire du prosélytisme.
Interdiction d'évangéliser. Alors, pourquoi cette
présence ici en Algérie ? L'évangélisation,
ce n'est pas seulement faire des chrétiens, mais aussi faire
connaître qui sont ces derniers. Quand l'Algérien me voit,
il sait que je suis chrétien et prêtre. A travers moi,
certains chercheront par exemple à savoir qui est Jésus.
Déjà, être la face du Christ parmi ce monde, c'est
déjà quelque chose. Le chrétien est appelé
à aimer tout le monde. On n'est pas là seulement pour les
chrétiens, mais pour toute l'humanité. Nous devons
montrer chaque jour l'Amour universel de Dieu pour tous.
Un jeune
prêtre dans ce monde où l'évangélisation est
interdite, n'est-ce pas du gâchis ? Surtout que c'est votre
premier poste juste après votre ordination...
Le jeune musulman algérien ne le dirait pas. Il arrive que des
Algériens viennent nous dire « merci ». Merci, parce
que, me disent-ils, « tu m'as aidé à trouver
solution à mon problème, tu m'as écouté,
etc. ». Ce n'est donc pas du gâchis. L'Eglise ne doit pas
monopoliser les prêtres pour les seuls chrétiens. Le
prêtre, c'est celui-là qui doit être au service de
tout le monde. C'est ce que nous essayons de faire. Nous aidons par
exemple des élèves à avoir des facilités
d'études, à faire des recherches à travers une
bibliothèque que nous essayons de développer. On donne
des cours également à des jeunes, on aide des gens
à trouver l'eau, à aller à l'hôpital, bref,
on est à l'écoute de tous.
Avez-vous
déjà rencontré des Algériens
chrétiens dans votre secteur ?
J'ai rencontré des Algériens
chrétiens-catholiques. Il faut savoir que c'est une situation
très difficile à vivre tant pour eux que pour nous. Ces
derniers ne peuvent clairement se manifester au risque d'être
rejetés .La réalité est là et il ne faut
pas pousser les gens aux martyr-volontaristes.
Avez-vous
été vite et bien intégré dans ce monde
musulman ?
Les Algériens m'ont bien accueilli. Personne ne m'a
demandé pourquoi je suis ici, même si certains, sans
ouvrir la bouche, ont soupçonné ma bonté et ma
gentillesse. Pour eux, je suis là pour les convertir. On ne m'a
jamais rejeté. Ils nous témoignent de leur reconnaissance
pour telle ou telle action que nous menons.
Y a-t-il des
chrétiens burkinabè dans votre secteur ?
Je n'ai rencontré aucun Burkinabé dans mon secteur. Je
suis le seul. Sinon que nous sommes deux prêtres burkinabé
ici en Algérie, à savoir l'abbé Jean-Paul
Kaboré qui est à Blida, au nord et moi. Il est plus
chanceux que moi, car il a tous ces jeunes étudiants catholiques
autour de lui. Moi, je suis en plein désert, à 800 km
d'Alger.
Vous est-il
arrivé au début de votre mission de vous interroger sur
l'opportunité de votre présence dans ce milieu et vous
laisser emporter par cette envie de retrouver votre pays ?
En tant que jeune Père, il y a toujours cette nostalgie de
retourner chez soi. J'ai prêché à la grande
cathédrale de Nairobi au Kenya devant des milliers de
fidèles. Quand il y autant de fidèles devant soi, on a la
satisfaction. Ici, tu es appelé à dire la messe dans une
petite chapelle, souvent à deux ou trois personnes. Ce n'est pas
la même chose. Mais cette situation t'aide à mûrir
et à approfondir ta vocation, à réfléchir.
C'est un avantage malgré cette absence de chorales si dynamiques
du Burkina et d'ailleurs.
Le
Père parle-t-il arabe ?
Je ne parle pas arabe comme un arabe, mais j'arrive à
communiquer dans cette langue. J'étais heureux de pouvoir dire
ma première messe en arabe. La langue est très importante
*****
PERE JOSE
"Le Burkina, le meilleur souvenir de ma vie"
En séjournant à Alger, nous avons eu la chance de revoir
un Père Blanc qui a longtemps servi au Burkina,
précisément à Téma Bokin dans le
diocèse de Kaya. C'est l'Espagnol Père José Cantal
Rivas Marie. Ouvert et humoristique à souhait, ce
"Burkinabè de Bokin" garde un très bon souvenir de ses 12
années passés au pays des Hommes intègres avant de
rejoindre l'Algérie.
Depuis peu, il est le supérieur provincial des Pères
Blancs en Algérie et en Tunisie.
Entre le mooré (langue burkinabé), l'arabe et le
français, ce prêtre affirme tout de go qu'"au Burkina il a
rencontré des hommes et des femmes qui l'ont aidé
à être plus humain et bon chrétien". Il a
aimé et il aime l'Afrique, mais il a beaucoup aimé le
Burkina : "C'est le meilleur souvenir de ma vie",confesse-t-il.
En Algérie, il reconnaît que sa mission est exaltante
parce que, dit-il, "on rend des gens heureux au nom de notre foi". Pour
lui, cela va amener certains Algériens à "connaître
la source de notre joie, Jésus" et amener d'autres
Algériens à approfondir leur propre foi au nom de cette
amitié qui naît entre chrétiens et musulmans. Il a
tenu à lancer un appel aux parents catholiques dont les enfants
vont étudier en Algérie. Certains déconseillent
leurs enfants de ne pas aller en Algérie avec Bible et chapelet.
Pour le Père José, ces jeunes doivent garder leur foi
vivante. Ils vivent librement leur foi en Algérie.
Pour le Père José, il n'y a pas de rivalité. Homme
de Dieu, il appelle toute l'humanité à se tolérer
et à s'aimer pour un monde meilleur. Et de conclure : "La vraie
unité africaine se fait ici en Algérie. Il y a plus de 10
000 étudiants boursiers de l'Afrique qui se forment ici en
Algérie. Certains sont chrétiens, d'autres ne le sont
pas, mais tous seront l'élite de demain. Pour avoir vécu
ensemble dans une cité universitaire, ces milliers
d'étudiants ont découvert beaucoup de choses. Ce sont des
jeunes qui apprennent à se frotter, à se respecter et
avoir des ambitions pour leur continent. C'est ça l'unité
africaine." Pour conclure, l'ancien aumônier de la JEC de
Téma Bokin clame : "Je suis bien placé ici en
Algérie pour dire qu'on peut être différents sans
être ennemis, qu'on peut vivre au milieu des musulmans sans
être frustré, sans avoir de la haine dans son cÃ
"ur. Je me sens très heureux ici, parce que beaucoup
d'Algériens m'aiment et cela m'aide beaucoup".
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