L’éternité est divine – pour nous les créatures, dans chaque étape de notre existence, il y a un début et une fin. Cela est vrai pour l’ensemble de notre vie, de la conception jusqu’à la mort, ainsi que pour les petites instances de chaque jour, chaque souffle, chaque clin d’œil. 

Parmi ces débuts-fins il y a des arrivées et les départs, le reflet de notre état dynamique d’humanité. Et entre les deux il y a le ‘rester sur place’, là où nous sommes.

Jésus, au début de son ministère public, appelle ses disciples à quitter ce qu’ils faisaient, leur vie de pêcheur ou de collecteur d’impôts, pour l’accompagner : « Suis–moi« , dit-il si souvent. D’étape en étape de sa vie, il passe de l’arrivée au départ, de Nazareth à Bethléem et le retour à Nazareth en passant par l’Égypte, de Cana à Jérusalem, de Béthanie en Galilée, de Gethsémani au Golgotha, … toujours en marche, toujours en mission. Et quand il ne peut plus être avec eux, il nous envoie : « Allez dans le monde entier… ».

Nous sommes habitués, nous les membres de l’Église en Algérie, à nous trouver fréquemment en déplacement. Il y a des sorties locales pour le travail, les études, les visites ou les soins. Comme toute l’Église, nous essayons de nous réunir en personne ou en esprit pour la messe dominicale, unis avec Jésus pour rendre louange à Dieu et action de grâce au Père. Nous avons nos assemblées de paroisse ou de diocèse, nos groupes d’échange, nos retraites et nos pèlerinages. Et pour chaque activité il y a un point de départ et il y a un moment de rentrer. 

Et puis nous avons les arrivées et les départs à plus long terme. Nous venons en Algérie, pour la plupart d’entre nous, pour deux ans de travail, pour trois ans d’études, pour cinq ans de mission, pour toute une vie en famille ou bien nous sommes nés ici, ‘chez nous’. Pour la majorité d’entre nous, cela ne représente que quelques années ensemble dans la grande diversité de nos origines, de nos cultures, de nos langues et des traditions de nos Églises de baptême. C’est une particularité de l’Église en Afrique du Nord – notre noyau stable de fidèles permanents est beaucoup plus petit que ce qu’on trouve habituellement parmi le Peuple de Dieu en chaque Église locale du monde. Nous sommes une petite Église largement composée de ‘nomades’, venant, restant et partant. Mais nous sommes toujours Église, et surtout toujours Eglise universelle. 

Est-ce que cette mobilité des membres de notre Église est une richesse ou une pauvreté ? La réponse se trouve dans notre manière de la vivre et notre esprit de temporaire-permanent. Si, en arrivant, nous ne pensons qu’à notre départ, nous risquons de ne pas vivre ici notre foi avec Jésus qui nous accueille à tout instant. Nous passerions de l’Annonciation à l’Ascension sans jamais rencontrer le Seigneur qui est là à côté de nous.

La découverte, en arrivant en Algérie, qu’il y a des petites communautés de fidèles, parfois avec une église, parfois avec une chapelle, parfois avec juste une pièce pour prier ensemble, est souvent une joie pour ceux qui ne savaient pas. « Comment ? Il y a une église ? Il y a un prêtre, des sœurs, d’autres chrétiens ici dans ce pays musulman ? Je ne savais pas ». Oui, nous ne faisons pas beaucoup de publicité, mais par la bouche à oreille nous découvrons la présence de Jésus dans ce pays, cachée mais vivante. Et nous portons cette bonne nouvelle aux autres ici et partout dans le monde.

Si nous nous trouvons confinés, pour les raisons de la pandémie, de la sécurité ou de la difficulté de voyager, cela ne nous empêche pas de nous lancer en voyage de mission par d’autres moyens. Nos assemblés se font par Zoom, nous nous saluons par téléphone, nous prions au même moment pour la même intention sans être dans la même salle. Nous sommes arrivés – nous sommes ensemble. Entre nous et avec Jésus. Toujours avec Lui.

+ John MacWilliam

Evêque de Laghouat-Ghardaïa