Remise de la
médaille de la Légion d’honneur
Allocution de Soeur Solange Rault, marraine
1er Août 2010
Monsieur le Maire,
nous vous remercions de votre accueil ainsi que les
membres du conseil municipal ,
Merci de nous recevoir dans notre commune natale qui nous est
très chère .
Mgr Tessier
ancien archevêque
d’Alger devait être
parmi nous aujourd’hui, pour remettre à Claude la
médaille de la Légion d’honneur. Mgr Tessier vient
d’avoir une embolie pulmonaire, il est
hospitalisé, nous lui souhaitons un prompt rétablissement.
Alors cette
cérémonie se passera en famille et dans la
simplicité.
Claude, je n’ai pas de mal
à parler de ton
itinéraire puisque tu es mon petit frère.
Tu as pris racine dans ce
village de Poilley. Nos parents
étaient d’origine modeste, travaillant sur une
petite
ferme dans ce bourg, tout juste suffisant pour faire vivre
la grande famille de 13 enfants. Papa et Maman nous ont
inculqué les valeurs du travail, du
respect de l’autre différent, de la justice, avec eux nous avons
appris l’importance de l’amour et de la tendresse .
Tu as fait tes
études primaires dans l’école publique de
Poilley et encore aujourd’hui, tu parles avec beaucoup
d’émotion et de respect de ton instituteur Mr
Lesauvage . Il t’a fait découvrir des valeurs humaines de
droiture, d’honnêteté et de partage .
Tu as
grandi dans ce village, sur cette ferme et là
aussi, tu as été à l’école de la vie;
le rythme des saisons, la solidarité entre agriculteurs,
le temps de la patience des semailles et de la récolte.
Tu es le
10ème de la fratrie , très jeune, tu as
exprimé ton désir d’être prêtre :Papa ,
Maman et toute la famille t’ont aidé et
soutenu dans ta vocation, veillant à ce que ta
démarche se fasse dans une grande liberté.
En 1952 tu
quittes la famille avec un serrement au cœur pour le
collège à l’institut Notre Dame d’Avranches.
Une grande aventure commence pour toi, collège, Lycée,
Fac, tu passes brillamment tes examens.
En 1959 tu
es admis au grand séminaire du Diocèse
de Coutances , tu y restes 2 ans; puis tu choisis d’entrer chez les
Pères Blancs, tu pars faire ton noviciat à Gap. Tu as
toujours eu un cœur de nomade et le désir des grands
espaces.
En 1968 tu
reçois ta première nomination en
Algérie et l’amour de cette terre et de ces
habitants ne t’a plus quitté.
Tu es devenu un
grand voyageur, tu as foulé la
terre de plusieurs pays (Canada , Burkina Faso, Mali ,Congo et
j‘en passe ) .Tu y as aissé des amis et je sais
combien tu
es fidèle dans tes amitiés.
En
Algérie, tu as travaillé sur plusieurs
fronts, d ‘abord dans formation professionnelle, puis dans l
‘enseignement public algérien .
En 1983 tu
fais ton apprentissage d’artisanat comme
dinandier fabrication de plateau de cuivre ciselé.
Tu as
été nommé vicaire
général en 1987, puis au service de la formation
des jeunes Pères Blancs .
En 1999,
tu quittes le Burkina Faso pour devenir
responsables des Pères Blancs d’Algérie et Tunisie .
Depuis
décembre 2OO4, tu es nommé
évêque du diocèse de Laghouat Ghardaïa.
Tu es un oiseau
voyageur, toujours sur les routes, avec comme horizon
l’immensité du désert, et la volonté
de rencontrer des hommes et des femmes de culture
différente. Elle enrichit la tienne, recevant la chaleur
de leur hospitalité, et de leur amitié à la
dimension de leur soleil
Pourquoi
cette nomination toi l’homme du désert, dans un si
grand diocèse et si peu de chrétiens?
Ce n’est pas un honneur mais une reconnaissance pour toi et
ton église d ‘Algérie pour ton engagement en faveur
du dialogue inter religieux et tes actions de soutien aux
réfugiés du Sahara Occidental .
A travers
ce geste qui t’est fait c’est tout le diocèse de
Laghouat et ses amis que nous voulons honorer pour l’avenir
d’une terre plus humaine et plus fraternelle.
Au nom du Président de la
République et en vertu
des pouvoirs qui nous sont conférés,
nous vous faisons
Chevalier de la Légion d’ Honneur

* * *
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Allocution
de
Mgr Rault
évêque
du Sahara
nouveau
Chevalier de la Légion d'Honneur
***
POILLEY.
1er AOUT 2010. REMISE
DE LA LEGION D’HONNEUR.
Bien chers frères, sœurs et Amis.
C’est avec beaucoup de
surprise que j’ai reçu
l’annonce de cette décoration de la Légion d’Honneur le
1er janvier. J’ai tout de suite pensé qu’elle ne pouvait
être reçue qu’en lien avec toutes les personnes qui ont
croisé ma vie. Qu’elle ne pouvait être reçue qu’en
lien avec les personnes qui sont engagées dans le
diocèse de Laghouat-Ghardaia, chrétiens et musulmans
confondus.
Ce que je voudrais dire ici
et maintenant, c’est un merci dans lequel
je ne voudrais oublier personne… tant il est vrai qu’une
énumération comporte le risque de l’oubli. D’avance, je
demande pardon à ceux qui se sentiraient
oubliés.
Ma sœur Solange a su vous parler de ceux et celles que je voudrais
nommer en premier lieu : mon père et ma mère, mais aussi
mes frères et sœurs. Bénoni, Bernadette, Odette, Marie,
Jean, Michel, Solange, Marie-France et Jacqueline (sans oublier
beaux-frères et belles sœurs !). J’y ajoute celui que nous
appelions « Petit Pierre », Thérèse et
Christian qui nous ont quittés.
A toute ma famille
proche ou lointaine, à tous mes amis, je dis
merci de m’avoir aidé et de me soutenir dans ma vocation
d’homme, de citoyen et de chrétien jusqu’à ce jour que
nous vivons.
Mais ce merci va aussi à cette terre natale de Poilley, et
j’évoquerai ici le soutien de mon curé le Père
Audoire, de mon instituteur Mr Lesauvage. Je dois ce merci à
l’un comme à l’autre. J’y joins tous ceux et celles qui m’ont
aidé dans ma formation au cours de mes études.
J’aurais aimé que Mgr Henri Teissier, ancien archevêque
d’Alger, puisse présider cet événement. Il
m’a beaucoup aidé dans mes premiers pas en Algérie et est
demeuré un fidèle ami.
Mais je vous avoue ne pas avoir perdu à ce changement de dernier
moment, puisque Solange, ma sœur, décorée elle-même
pour son action auprès des gens de la rue, a accepté de
le remplacer. Le désert des rues parisiennes rejoint le
désert des étendues sahariennes, à cette
différence qu’au Sahara, nous sommes sans doute moins seuls…
D’un désert à l’autre, nous nous retrouvons donc pour
cette occasion.
J’en viens vite maintenant
à ces hommes et femmes
d’Algérie, chrétiens et musulmans, que j’ai
côtoyés ou avec lesquels j’ai eu et j’ai encore la joie de
travailler. Mon humanité et ma foi de croyant seraient autres si
ces personnes n’avaient pas croisé mon chemin.
Je suis heureux de saluer
ici l’un de mes anciens élèves
d’Alger venu avec son épouse et sa fille. Son père a
été victime de la violence qui a secoué
l’Algérie au moment de son indépendance. Sa mère
m’a appris le sens du pardon puisque quelques années plus tard,
elle me recevait chez elle pour un repas avec des amis de France venus
me visiter. Quel signe émouvant de réconciliation !
Je suis heureux aussi de saluer
ici un ami Touareg qui a tenu à
ne pas manquer cet événement familial. Il était
présent à Rome lors de la béatification de Charles
de Foucauld.
J’y ajoute un autre ami de date
plus
récente, qui consacre le temps
de sa retraite, après une carrière de juriste en France,
comme Imâm au service des prisonniers musulmans de Rennes et de
la région.
Si je suis si heureux de les avoir parmi nous,
c’est
que je veux aussi témoigner que le rapprochement des religions
et des cultures se fait plus sur le terrain de notre commune
humanité que sur celui des idées.
Puisque ma nomination a
été décidée sur un
engagement en faveur du dialogue interreligieux, je ne puis
qu’apprécier la reconnaissance faite par notre République
que ce dialogue de la vie quotidienne peut être l’occasion de
réduire nos ignorances de l’autre, et donc nous amener les uns
les autres à plus de « Fraternité », puisque
ce beau mot figure avec celui de Liberté et d’Egalité sur
le fronton de nos mairies et de nos édifices publics.
Je me permets de donner lecture de
ma réponse à Mr
Bernard Kouchner, Ministre des Affaires Etrangères,
m’annonçant les raisons de cette distinction :
« Evêque d’un
Diocèse quatre fois grand comme la
France, qui compte quelques dizaines de chrétiens,
prêtres, religieuses et laïques nous travaillons et vivons
dans un contact quotidien avec les Algériens, dont nous
apprécions le sens de l’hospitalité. Nous collaborons,
même, avec beaucoup de satisfaction, à la promotion de ce
qu’il y a de plus précieux sur notre Planète : la
personne humaine.
C’est sur le
terrain très humble de notre
quotidien que nous œuvrons pour un dialogue religieux de plus en plus
respectueux les uns des autres, et nos activités humanitaires,
sociales et culturelles sont des lieux de « croisement de
cultures » fructueux pour les uns comme pour les autres.
Ce que nous
entreprenons en faveur des
réfugiés du Sahara Occidental n’est rien au regard de la
détresse de cette population qui attend que justice lui soit
faite par la voix des instances internationales. Si nos engagements
sont insignifiants, cette population n’est pas indifférente
à l’intérêt que nous lui portons. Nous essayons
d’être cette « voix des sans voix » de par notre
présence et nos engagements. Cette présence et ces
engagements humanitaires, comme celle de beaucoup d’autres est une
assurance que ces citoyens en exil ne font pas partie des «
oubliés de la Terre ». Aussi je me permets, Monsieur le
Ministre, d’attirer votre attention sur le sort des dizaines de
milliers d’hommes, de femmes et d’enfants qui ne vivent que grâce
à une « perfusion alimentaire » du Programme
Alimentaire Mondial (PAM) qui suffit tout juste à satisfaire
leur besoin alimentaire minimum. Pour ce qui est de leur avenir, il ne
pourra trouver d’issue que dans ce que les résolutions
onusiennes ont déjà arrêté sur ce point.
» (Fin de citation)
Mais avant de clore ces
réflexions, je dois
vous redire que cette médaille, je la dois à tous ceux et
celles qui collaborent dans le Diocèse du Sud de
l’Algérie. Je salue tout particulièrement le P. Felix,
notre vicaire Général, Mr Emmanuel, notre Econome, et Sr
Marie Christine, chargée des projets sociaux. Nous travaillons
souvent en partenariat avec des Algériens et des
Algériennes, à l’avènement de cette
Fraternité qui se voudrait toujours plus universelle. Cette
Fraternité n’est pas seulement possible, elle est réelle,
je puis vous le dire !
Merci, Monsieur le Maire de Poilley, de nous avoir
si chaleureusement accueillis dans les locaux de la commune. Je trouve
dans votre geste et celui de votre Conseil une vertu si souvent
rencontrée dans le pays d’où je viens et où je
vais repartir : la vertu de l’hospitalité !
Merci à vous. Merci à vous tous et
à vous toutes d’être venus célébrer cet
événement.
Je voudrais qu’il soit un pas en avant pour plus de
connaissance mutuelle, de collaboration et de Fraternité entre
nos deux pays : l’Algérie et la France.
Claude Rault.
Evêque de
Laghouat-Ghardaia (Sahara Algérien)
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