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Amis du Diocèse du Sahara (ADS)

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Editions spéciales Synode de la famille
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Messages & interviews de Jean-Paul Vesco, évêque d'Oran,
délégué pour le Maghreb
au synode sur la famille.

le 3 novembre 2015
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Du 3 novembre 2015
Bonjour à tous et toutes !
Mgr Claude Rault, en visite épiscopale à Tamanrasset, demande de vous transmettre le message suivant, avec une note de conclusion, envoyé à ses collègues du CERNA par le Père Jean-Paul Vesco, évêque d'Oran, et délégué par la CERNA au synode de la famille. Bonne lecture à vous !
Fraternellement,
Marie Feillée

Du 3 novembre 2015

Chers frères,

 
Je vous envoie ce dernier message de retour du synode. C'est ce que je retire, provisoirement, de cette expérience vraiment riche même si elle n'a pas été toujours facile.
Je vous remercie du fond du cœur de m'avoir permis de la vivre et de donner ce que j'avais à donner. Même si la question des personnes divorcées-remariées est assez loin des préoccupations de nos Églises, cette question était l'arbitre de deux conceptions du rapport de l’Église au monde. Et là, notre situation particulière d’Église en pays musulmans permettait de prendre part à ce débat de façon utile.
Très fraternellement à vous.
 
+ fr. Jean-Paul

Retour de synode…

De retour à Oran après ces trois semaines d’un synode vécu de l’intérieur, je partage le sentiment général qu’il s’est vraiment passé quelque chose d’inespéré que le document final ne rend pas immédiatement perceptible. Ayant été envoyé au synode par mes frères évêques de la CERNA, et vous ayant fait porter le poids de cette longue absence, je me dois de vous donner ma propre lecture de ce synode. Elle est forcément personnelle et subjective, c’est sa limite et aussi son principal intérêt.

D’abord, tout avait bien mal commencé et au moins trois facteurs laissaient supposer que rien de neuf ne sortirait de ce synode qui puisse parler au plus grand nombre des chrétiens et au monde.

D’abord, les premières prises de paroles, y compris de la part du pape François lui-même, insistaient sur le fait que ce synode était pastoral et non pas doctrinal et que donc rien de la « doctrine » de l’Eglise ne serait remis en cause. Dès lors, il fallait s’entendre sur ce qui relève de la doctrine et de la pastorale Si tout le monde est d’accord pour considérer que l’indissolubilité du mariage fait partie du dépôt de la foi, en est-il de même de toutes les dispositions disciplinaires de l’exhortation apostolique Familiaris Consortio ?  Sur ce point des positions divergeaient absolument.

Ensuite, la méthode posait questions aux uns et aux autres. Il nous était demandé de travailler à 270 évêques (plus les auditeurs et les invités) répartis en treize groupes linguistiques sur l’Instrumentum Laboris,  un texte de soixante dix pages composé à partir du texte final du synode d’octobre 2014 et une synthèse des contributions remontées des diocèses du monde entier. Il y avait peu de chance que du neuf sorte de ce travail fastidieux d’amendement d’un texte de départ qui n’était ni un texte de travail qui ouvre des pistes de réflexion ni un texte réellement abouti et satisfaisant. D’autres étaient inquiets de sentir que dans ce texte initial, déjà, avaient été insérés des éléments qui annonçaient des ouvertures possibles.

Enfin, la très grande majorité des pères synodaux, pour des raisons diverses et non pas homogènes, étaient manifestement hostiles à toute évolution de la position de l’Eglise sur toutes les grandes questions autour du thème de la famille. Pour eux, le synode était l’occasion de bien réaffirmer la « doctrine » immuable de l’Eglise afin de soutenir la famille dans un monde en crise. Pour d’autres, dont j’étais, ce synode était l’occasion pour l’Eglise de porter un regard réaliste mais bienveillant sur la monde d’aujourd’hui tel qu’il est et non pas tel que nous rêverions qu’il soit. Un monde en mutation plutôt qu’en crise dans lequel l’Eglise ne peut plus être entendue sur le mode de l’interdit mais est attendue autant qu’elle est sel de la terre. Là se tenait en fait la véritable différence de vision, et la question de l’accès aux sacrements des divorcés-remariés avait valeur d’arbitre.

Le « miracle » s’est produit lorsqu’à l’issue des trois semaines de travaux un projet de texte final nous est présenté. Ce texte, entièrement neuf, reprend bien le fruit de notre travail, mais il a davantage de souffle que nos débats. Personne n’y retrouve complètement sa position mais d’une certaine manière chacun peut le signer. Il nous emmène plus loin que nos différences, il ouvre des voies nouvelles et n’en ferme aucune. Il nous permet de sortir grandis de nos débats. Ce texte présente finalement au Saint Père le point le plus loin où nous avons pu aller ensemble dans l’attente d’une parole magistérielle de sa part sans pour autant sombrer dans l’aveu d’impuissance.

Certains pourraient trouver que c’est bien peu, d’autres que c’est beaucoup trop. Pour moi, c’est énorme et je vois la trace de l’Esprit Saint dans le fait qu’il ait été adopté en tous ses articles avec la majorité des deux tiers. Il a fallu pour cela que beaucoup de pères synodaux dont je ne partage pas forcément toutes les positions fassent un grand bout du chemin, et cela n’allait pas de soi. Ce vote a permis de sentir à quel point un synode n’est pas seulement une affaire humaine à l’instar d’un congrès politique qui aurait établi un texte de compromis. C’est tout autre chose que nous avons vécu.

Finalement, je reviens de ce synode avec la conviction que le pape François veut quelque chose pour notre Eglise. Il veut qu’elle rejoigne davantage les hommes et les femmes de notre temps, qu’elle soit fidèle à l’esprit du dépôt de notre foi davantage qu’à sa lettre. Son discours de clôture ne laisse subsister aucun doute sur sa volonté. Ce synode était destiné à permettre aux pasteurs d’entendre la voix des baptisés en d’avancer aussi loin que possible ensemble sur ce chemin en direction du monde tel qu’il est. Depuis deux mille ans, l’Eglise est faite d’une tension entre institution et prophètes. Le pape François porte une dimension prophétique tout en étant à la tête d’une institution qu’il n’entend pas brader. Il nous faut répondre à son appel et monter résolument dans la barque du successeur de Pierre. C’est cette chance que nous offre ce synode. Et cette chance est aussi une responsabilité.

+ fr. Jean-Paul Vesco op

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Du 27 octobre :
 
Bonjour à tous,
 
Je quitte Rome avec au cœur une joie profonde de ce qui a été vécu durant ce synode. J'espère y revenir dans un prochain message envoyé depuis Oran.
Avant de fermer mon ordinateur, je vous adresse le petit billet écrit pour le site du Pèlerin. il dit l'essentiel du regard que je porte sur ce synode. Il ne dit pas à quel point l'expérience spirituelle éprouvée durant la messe de clôture me renouvelle intérieurement dans ma mission de pasteur. Un synode est une expérience spirituelle. Surtout peut-être quand il est voulu par le pape François.
Je vous embrasse tous très fraternellement et me réjouis d'être de retour demain.

+ fr. Jean-Paul

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La grâce du synode…(billet Pélerin N°6)

Nous sommes tous arrivés au synode avec des espérances et il est bien vite apparu que certaines de ces espérances entraient en contradiction déterminée les unes avec les autres. Pour certains, la volonté de renforcer le statut de la famille dans un monde en « crise » par la réaffirmation de la doctrine actuelle de l’Eglise. Pour d’autres, la volonté de voir l’Eglise entendre et répondre de façon plus appropriée, plus proche « aux joies et aux peines des personnes de ce temps ». Au milieu, la question de l’accueil sacramentel des personnes divorcées-remariées avait valeur d’arbitre. Le match a bien eu lieu pendant trois semaines, tant en grande assemblée qu’en groupe linguistiques de travail, mais dans un climat fraternel et avec la volonté d’avancer.

Au final, est présenté un grand texte minutieusement rédigé dans lequel nous retrouvons ce qui pourrait être accepté dans une forme d’unanimité. Ce texte dit au mieux le point où nous sommes arrivés ensemble, sans pouvoir avancer davantage. Il n’est pleinement satisfaisant ni pour les uns ni pour les autres, et c’est bien ainsi. Je l’ai sans difficulté fait mien parce qu’il est un texte d’unité, pas seulement de compromis. Il nous emmène chacun un peu plus loin que là où nous pensions aller.

Bien sûr, toutes les personnes qui attendaient légitimement des réponses précises à des situations précises pourraient être déçues. Mais ce serait oublier que ce synode avait vocation à éclairer le pape sur la position des pasteurs de son Eglise à propos des questions liées à la famille. Le pape est le destinataire premier de ce texte qu’il a décidé de rendre public. Il lui revient à présent de le recevoir et d’en dire quelque chose. C’est cette parole-là qui engagera l’Eglise sur un chemin renouvelé.

En arrivant au synode, je savais que le signe infaillible de la réussite de ce synode serait la joie qui habiterait notre cœur à chacun en quittant Rome. Je quitte Rome avec cette joie profonde qui m’a submergé et bouleversé au moment de la messe de clôture. Un synode est une expérience spirituelle, C’est évident et c'est ce qui le distingue de toute autre réalité plus humaine. A la fin, les divergences sur lesquelles nous nous sommes parfois un peu crispés pendant ces trois semaines sont balayées par la conviction que nous sommes tous des pasteurs qui cherchons "à tâtons" la vérité.

Je pars surtout avec le sentiment que nous avons un pape incroyable. L'Église est faite depuis 2000 ans d'un mélange d'institution et de prophètes. Le pape François a vraiment quelque chose de prophétique à la tête d'une institution qu'il ne brade pourtant pas. Il veut quelque chose pour l’Eglise au cœur du monde. Son discours de clôture du synode est sans ambigüité. Il nous faut l’entendre et monter résolument dans la barque du successeur de Pierre.


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Du 22 octobre :
Bonjour à tous,
 
Le synode est entré dans ces tous derniers jours. Mardi, chacun des treize groupes linguistiques a remis ses modi (amendements)relatifs à la troisième partie de l'Instrumentum Laboris et qui concernait les propositions pastorales concrètes.
L'atmosphère dans les groupes a été moins consensuelle, comme si on "passait aux choses sérieuses"!
Les compte-rendus des travaux montrent qu'il n'y a eu que relativement peu d'accord sur des changements significatifs de la pratiques et de la discipline de l'Eglise sur les questions les plus débattues.
Nous avons ensuite eu un jour et demi-de "vacances" afin de permettre à la commission composée de dix  cardinaux, évêques et théologiens de rédiger un projet de relatio sinodi. Cette dernière devrait prendre le plus possible en compte tous les amendements (plusieurs centaines) à l'Instrumentum Laboris qui ont été proposés par les groupes linguistiques.
Cette après-midi lecture va nous en être faite du projet de relatio synodi. La journée de vendredi sera consacrée aux débats sur ce texte et celle de samedi au vote article par article. Dimanche, ce sera la messe de clôture et ensuite... retour à Oran! Non sans avoir fait un crochet par Lyon pour une soirée-conférence, lundi soir. A mardi!
Je vous embrasse très fraternellement.

+ fr. Jean-Paul
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Une Eglise synodale…(billet Pélerin N°5)

Une question était posée au début du synode : pourquoi le pape François a-t-il lancé une démarche synodale d’une telle ampleur sur le thème de la famille ? Le Saint Père a apporté un élément essentiel de la réponse lors de son discours donné à l’occasion du 50eme anniversaire du synode des évêques : plus encore que le thème du synode, c’est la démarche synodale en elle-même qui était en jeu. Dans cette allocution, le pape François appelle en fait à une véritable " révolution culturelle " dans l’Eglise. Un renversement de la structure pyramidale où le pape ne serait plus le sommet mais, au cœur de l’Eglise, le garant d’une unité dans la diversité et non pas dans l’uniformité.

C’est bien d’une révolution ecclésiologique dont il est question dans ce discours du pape François. En effet, la synodalité n’est pas simplement une belle idée, c’est une culture faite d’écoute et de débat dans un cadre de régulation qui s’impose à tous. Une culture qui ne peut être vécue qu’à tous les niveaux de l’Eglise, du plus proche de la vie quotidienne jusqu’aux instances les plus décisionnelles. Une culture qui n’est pas immédiatement compatible avec l’image pastorale traditionnelle de l’Eglise, avec des pasteurs et un « troupeau ».

En ouvrant la dynamique de la synodalité à tous les baptisés par l’envoi, à deux reprises, d’un questionnaire, le pape François nous a lancés dans ce mouvement que saint Jean-Paul II avait déjà esquissé, dans une perspective œcuménique, comme un horizon vers lequel cheminer.

L’expérience de cette assemblée synodale met néanmoins en lumière qu’il y a encore loin entre l’objectif et sa réalisation. Comment pourrait-il en être autrement ? Notre Eglise est fondamentalement hiérarchique et cela ne facilite pas une culture de la synodalité. Elle est aussi doctrinale et la doctrine, qui évolue nécessairement au fil du temps, émane du souverain pontife et non pas du synode. D’où la limite de l’exercice dans lequel nous avons tenté de donner le meilleur de nous-mêmes.

Dans son allocution, le pape François a en quelque sorte donné aux « pères synodaux » une catéchèse mystagogique sur la synodalité, c’est-à-dire la catéchèse que l’on fait aux nouveaux baptisés afin de leur expliquer le sens de ce qu’ils ont vécu au moment de leur baptême. Nous découvrons tout en marchant le chemin sur lequel le pape François veut engager l’Eglise. De ce fait ce synode est peut-être un commencement. Et de commencements en commencements…

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le 18 octobre 2015

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Bonjour à tous,
 
Nous voici au milieu de le deuxième semaine du synode. Après deux jours passés à travailler en groupes linguistiques, nous sommes à présent en audience générale depuis hier matin et jusqu'à samedi pour écouter les interventions personnelles des "padri sinodi" et des invités. Au rythme de 3 mn par intervention, nous allons écouter au moins 60 communications aujourd'hui! C'est un voyage dans le monde entier et dans la diversité de l’Église. Dans ce concert des prises de parole il est possible de faire entendre sa voix si elle sonne juste. C'est ce que je vais essayer de faire aujourd'hui.
 
Je joins un petit billet qui parait sur le site internet du Pèlerin. Il est plein de l'optimisme des deux bonnes journées de travail en groupes linguistiques. Ainsi va la vie dans l'aventure d'un synode, entre ombres et lumière!
 
Mais que l'absence est longue, quel investissement en temps pour les 300 participants... pour quel résultat?
 
Je vous embrasse très fraternellement.

+ fr. Jean-Paul
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Le synode c'est parti...

Les journées de lundi et de mardi ont été consacrées aux travaux en groupes linguistiques portant sur la deuxième partie de l'Instrumentum Laboris. Les comptes-rendus des travaux de chacun des treize groupes ont confirmé l'expérience que nous avons vécue dans le nôtre : la grâce du synode a été à l'œuvre.

Un premier tour de table a montré que pour chacun, le travail en synode ne pouvait pas se réduire à amender l'Instrumentum Laboris qui est un texte de travail composé (et donc aussi "composite") de la "relatio sinodis" du synode d'octobre dernier et de la synthèse des réponses de conférences épiscopales du monde entier. Il est apparu clairement que ce texte était un prétexte destiné à nous permettre de réfléchir ensemble. Et c'est ce qui s'est passé. La première semaine a permis de mieux nous connaître, de nous faire confiance et de ne pas chercher d'abord ou l'autre se situe dans les questions qui font débat. Même si le "sel" de ce synode est qu'il est un enjeu pour chaque père synodal.

Au fil du travail, des déplacements sont opérés par chacun, on ne craint pas de chercher la part de vérité qui est dans la position de l'autre même si on ne la partage pas totalement. Au final, nous avons beaucoup travaillé, nous étions fiers et heureux du fruit commun de ce travail même s'il n'en restera bien sûr que des traces dans le texte final.

Mais nous avons avancé les un vers les autres et non pas les uns contre les autres. La recherche de la vérité est à ce prix. Et c'est bien l'esprit d'un synode que de se mettre ensemble à la recherche de la vérité. Chacun a une idée précise de ce que serait la réussite à ses yeux de ce synode. A coup sûr ce synode sera réussi s'il en sort de l'inattendu qui échappe à tous les participants, le Saint Père y compris, main dans lequel chacun puisse y reconnaître la marque de l'Esprit.

Pendant ce temps, les réseaux sociaux bruissaient d'une lettre adressée par des cardinaux au Pape François. Ces bruits étaient absents des groupes de travail du synode. Nous étions occupés à autre chose.

+ fr. Jean-Paul Vesco op

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De la Rédaction du site ADS, le 16 octobre
in "Urbi & Orbi",
Mgr Vesco: " priver des sacrements de réconciliation et de l'eucharistie est un acte grave"
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Mgr Vesco :
« Priver des sacrements de réconciliation et de l’eucharistie est un acte grave » s’ils n’acceptent pas de se séparer.

Dans son intervention au Synode sur la famille, Mgr Jean-Paul Vesco, évêque d’Oran, est revenu sur le refus opposé par l’Église aux couples divorcés et remariés d’accéder aux sacrements,

Urbi&Orbi 16/10/15 - 14 H 38

Mgr Jean Paul Vesco, évêque d’Oran


« Priver des sacrements de réconciliation et de l’eucharistie est un acte grave. Qui peut affirmer que cette privation est toujours justifiée ? » Dans son intervention devant la deuxième assemblée du synode sur la famille, jeudi 15 octobre, Mgr Jean-Paul Vesco, évêque d’Oran, a choisi d’aborder à nouveau la question de l’accès aux sacrements des personnes divorcées remariées.

Pour ce faire, il a partagé, avec les 350 participants au synode, une histoire vraie, celle de son « cousin Bertrand ». Marié jeune, père d’un petit garçon, ce cousin a vu sa femme partir alors qu’il avait à peine trente ans. Remarié civilement quelques années plus tard, il a – avec sa seconde épouse – quatre enfants, trois filles et un garçon.

En raison d’une erreur d’anesthésie lors d’une opération bénigne, ce dernier a perdu sa mémoire immédiate et sollicite une attention constante. « Combien de couples auraient été broyés par une telle épreuve ? Que d’amour et de fidélité faut-il pour porter à deux la charge d’un enfant handicapé ! Comment ne pas voir la Grâce de Dieu à l’œuvre dans cette famille », a lancé l’évêque d’Oran.

VIVRE EN FRÈRE ET SŒUR

« Chers frères, pouvons-nous vraiment affirmer, au nom du Christ, que ces deux-là sont adultères, après plus de trente ans de fidélité et le poids de l’épreuve ? Pouvons-nous vraiment leur dire qu’ils devraient se séparer afin de pouvoir recevoir le sacrement de réconciliation et communier ? Pouvons-nous vraiment leur demander de vivre en frère et sœur quand la tendresse des époux a été pendant toutes ces années le lieu de leur repos ? », interroge-t-il encore.

À lire aussi : Synode sur la famille : « On doit sortir d’ici en ayant des réponses »


Mgr Vesco n’a pas hésité à qualifier de « contre-témoignage » l’exigence posée par l’Église, pour l’accès au sacrement de réconciliation, « d’une séparation devenue impossible ». « Elle apparaît aussi en contradiction avec la théologie de l’indissolubilité », argue cet ancien avocat, devenu dominicain, pour qui cette deuxième union « crée une situation tout aussi irréversible que le mariage naturel ».

RECONNAÎTRE LA DIGNITÉ DE LA SECONDE UNION

Cette question de « L’intégration des divorcés remariés civilement dans la communauté chrétienne » est traitée par le paragraphe n° 120 de l’Instrumentum laboris.

Alors que le synode s’interroge sur la pertinence d’ouvrir des « chemins d’intégration pastorale des divorcés remariés civilement (...) précédés d’un discernement opportun de la part des pasteurs », Mgr Vesco suggère que « l’exigence de vérité et de conversion porte sur la décision de s’engager dans une nouvelle union ainsi que sur les circonstances de l’échec du mariage sacramentel ».

« Elle serait la base d’une démarche pénitentielle progressive à l’issue de laquelle, si le pardon sacramentel était accordé, on pourrait reconnaître à la seconde union la dignité que nous reconnaissons au mariage naturel », conclut-il.

A-B.H.
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sur-lignage et italique de la rédaction
Messages de Jean-Paul Vesco, évêque d'Oran,
délégué pour le Maghreb
au synode sur la famille.

le 13 octobre 2015

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Edition  du 13 octobre 2015
Bonjour !
Voici, transmises par Mgr Claude Rault, qui est encore pour quelques jours en Italie, à Rome maintenant (interviews à la RAI et autres télévisions, conférence au PISAI), les nouvelles du synode de la famille données par le Père Vesco, délégué pour le Maghreb. ....
Bonne lecture, et à bientôt !
Fraternellement,
Marie
 Secrétariat évêché du diocèse

Synode : Intervention de Mgr J.P. Vesco en séance plénière du 1O octobre 2015
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Très Saint Père, chers frères et sœurs,

Hier et aujourd’hui nous avons entendu beaucoup d’interventions demandant que ce synode soit l’occasion de rappeler la valeur inestimable et l’exigence du mariage sacramentel indissoluble. Je crois que dans cette salle nous sommes tous d’accord sur cette nécessité.

Cela dit, le mariage étant la plus belle mais aussi la plus périlleuse des aventures humaines, quels que soient les efforts que nous déploierons pour mieux préparer les futurs époux, nous n’éviterons jamais que des mariages échouent. Il nous faut regarder cette réalité en face. Si ce synode n’est pas l’occasion d’adresser une parole renouvelée aux personnes de bonne volonté qui ont connu un échec de leur mariage (dont elles ne portent pas forcément la responsabilité) et qui sont engagées dans une seconde union fidèle et stable, ce synode sera une occasion manquée qui ne se reproduira pas.

Tout particulièrement, l’expression « vivre en frère et sœur »  est une expression qui nous rassure mais qui ne fait pas sens pour les personnes concernées et qui n’est que très exceptionnellement vécue dans la réalité.

Cette expression est contestable théologiquement. Elle laisse en effet penser que les relations sexuelles sont au cœur de l’alliance alors que, bien sûr, l’alliance demeure en l’absence de relations sexuelles. La vie religieuse est le projet de vivre en frère et sœur à la suite du Christ, et c’est tout autre chose.

Cette expression est aussi contestable humainement. Il est en effet bien difficile de savoir où commence l’intimité conjugale : on ne tient pas de la même façon la main de sa sœur et la main de son épouse ! Et comment imaginer une croissance affective harmonieuse d’enfants dont le modèle parental serait celui de frères et sœurs et non pas de parents vivant une affection conjugale. Paradoxalement, ces enfants seraient les victimes innocentes de notre souhait de favoriser l’harmonie familiale !

Chers frères, le travail et les moyens matériels et humains colossaux mis en œuvre pour réussir un tel synode sont une occasion unique de chercher ensemble les paroles et les gestes qui disent au monde d’aujourd’hui en même temps le dépôt de notre foi et l’accueil inconditionnel des personnes.

+ fr. Jean-Paul Vesco op

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Réflexions sur le Synode de la famille

(2 Billets pour le Pèlerin, octobre 2015)

 

1. La participation pour la première fois à un synode est une expérience. Que d’organisation, que de travail, que d’investissement humain et matériel pour réunir 270 pères synodaux et plus de 350 personnes tout compris. Alors rapidement vient la question : Pourquoi un tel synode ? La réponse à cette interrogation est essentielle pour savoir ce que l’on attend de nous. Quel but doit être atteint à l’issue des travaux ? La réponse qui devrait tomber sous le sens ne va pourtant pas de soi.

Le document de départ, l’instrumentum laboris, livre une première réponse : la famille est menacée de l’intérieur et de l’extérieur. Soit. Mais la planète aussi est menacée. Alors pourquoi avoir écrit une encyclique sur l’écologie et convoqué deux synode sur la famille, au lieu d’avoir écrit une encyclique sur la famille et convoqué deux synode sur l’écologie ? Ce constat montre d’évidence qu’il se joue quelque chose de particulier pour l’Eglise autour des questions liées à la famille qui ne se jouent pas de la même manière autour des questions liées à l’écologie.

L’Eglise peut se pencher sur les questions liées à l’écologie, être d’une certaine manière en distance avec la planète. En revanche elle est impliquée directement dans les questions liées à la famille parce que la famille est dans l’Eglise et l’Eglise est dans la famille, tout comme sainte Catherine de Sienne disait qu’elle était en Dieu et que Dieu était en elle comme le poisson est dans l’eau et l’eau dans le poisson.

Dès lors se joue dans ce synode « quelque chose » qui touche à la vie intérieure même de l’Eglise, et il n’est pas sûr que ce « quelque chose » soit déjà connu de quiconque, peut-être pas même du Saint Père. Ce « quelque chose » doit advenir de cette grande démarche synodale et nous auront tous à le recevoir.


Ce n’est donc pas pour rien si, pour écrire une encyclique sur l’écologie, il faut réunir un comité d’experts, alors un synode, s’il n’est pas en soi une instance de gouvernement ainsi que nous l’a rappelé le pape François dans son allocution d’ouverture, est néanmoins le rassemblement de délégués des instances de gouvernement de l’Eglise du monde entier.


2. Discours de La méthode…

Cette expression empruntée à René Descartes résume les échanges et les incertitudes du début du synode. Qu’attendait-on de nous et comment allions-nous travailler à trois cent personnes venues du monde entier ? Nous savions que le travail se ferait en alternant  entre prises de paroles individuelles (3mn chacun !) devant le Saint Père et tous les membres du synode et temps de réflexion en groupe de langues (« circoles minores »). Il était entendu aussi que l’accent serait mis sur les groupes linguistiques (5 langues possibles) composés chacun d’une vingtaine de membres issus chaque fois de plusieurs continents. C’est là en effet que peuvent vraiment avoir lieu les échanges et ils sont donc une expression vivante de la synodalité.

L’incertitude a été rapidement balayée. Nous partirons d’un texte de base, l’Instrumentum Laboris, établi avant le synode à partir du texte de fin du synode extraordinaire de l’année dernière enrichi de la synthèse des réponses au questionnaire destiné aux baptisés du monde entier et transmis par les diocèses. Autant le dire tout de suite, ce texte de 70 pages est un document de travail qui ne parle pas immédiatement au cœur du lecteur, même du lecteur averti. C’est ce texte qu’il nous revient d’amender au sein de chaque groupe linguistique. Chaque modification proposée doit être votée à la majorité absolue pour être retenue. Une synthèse des propositions faites par chacun des 13 groupes linguistiques sera élaborée par une commission de 10 membres nommés par le Saint Père, et c’est cette synthèse qui sera finalement votée article par article et remise au Pape François comme fruit du synode.

On voit tout de suite que cette méthode a relativement peu de chance de permettre l’émergence d’idées très novatrices ou d’un ton nouveau. Le plus petit dénominateur commun entre tous les pères synodaux reste la théologie la plus classique telle qu’elle est déjà formulée par des textes magistériels récents. Il est possible qu’à la lecture de ce document final un sentiment de déception se fasse sentir par rapport aux attentes très importantes qu’a fait naître cette grande démarche synodale. Il faudra alors se rappeler que ce document, même s’il est rendu public, est destiné au Saint Père, auditeur attentif de toutes les prises de paroles en grande assemblée.

C’est durant cette année de la miséricorde qui s’ouvre le 8 décembre que le Pape François tirera peut-être du neuf à partir de l’ancien avec le souffle qui est le sien. Pour cela, il lui aura été précieux de permettre à ses pasteurs de débattre ensemble et de s’écouter. Finalement, en travaillant plus ou moins laborieusement un texte reçu du précédent synode extraordinaire, le pape François n’est-il  pas d’abord entrain de nous permettre de nous parler sur un sujet qui attise les passions dans l’Eglise. Ne vaut-il pas mieux d’abord se réjouir de ce feu qui nous est commun plutôt que de se désoler de nos différences ?

synodejpv_fichiers/jpv3.jpeg+ fr. Jean-Paul Vesco op

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Edition du  7 octobre 2015

Message de Jean-Paul Vesco, évêque d'Oran,
délégué pour le Maghreb au synode sur la famille.

 (premières impressions)
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Bonjour à tous,

La première journée du synode vient de s'achever.

Après la messe d'ouverture dimanche, l'énorme "machine" du synode est impressionnante. 350 participants, une organisation parfaite, dans un ordre très hiérarchique mais qui permet à chacun de trouver sa place. Le moins que l'on puisse dire est que ce n'est pas pour moi un milieu naturel. Le pape François a été présent toute la journée, silencieux après son intervention lors de la séance d'ouverture durant laquelle il nous a rappelé que le synode n'était pas un sénat et donc pas un organe décisionnel mais un lieu d'échange et de débat dans un climat de fraternité, d'unité et de prière.

Il n'empêche qu'une question reste posée: pourquoi un tel déploiement d'énergie et de force pour une réflexion autour de la famille? Bien sûr, tout le monde s'accorde à dire qu'elle est menacée dans un monde en profonde mutation. Mais la planète aussi est menacée et le pape François a publié une encyclique magistrale sur l'écologie sans réunir un (et même deux!) synode. C'est donc que l’Église se sent impliquée d'une façon particulière dans les questions touchant à la famille. Il ne s'agit pas seulement bien sûr de réfléchir au devenir de la famille mais sans doute que l’Église sent qu'elle a quelque chose à changer en elle-même, dans l'image qu'elle donne d'elle-même et donc aussi de sa pratique. Il est difficile d'imaginer que ce second synode donne lieu à un texte pastoral et bienveillant sur la grandeur et l'importance de la famille. Ce serait une immense déception et une occasion ratée. Cela signifie donc que les discussions vont être rudes. Les premières prises de parole (nous disposons tous de 3 minutes, plus une intervention dans le cadre d'échanges plus libres en fin de journée) laissent déjà apparaitre des lignes de force.

Je suis heureux de pouvoir prendre part à ces débats et je remercie mes frères évêques de la Cerna de m'avoir envoyé, sachant mon intérêt pour les questions liées à l'accueil des différentes situations de vie dans l’Église. Au début, une question m'a été souvent posée: "Pourquoi vous sur ce sujet, on vous attendait davantage sur le dialogue interreligieux?" En fait, plus j'avance, plus je mesure que le lien est profond entre les deux sujets. Vivre en monde non-chrétien oblige à prendre en compte la vie de l'autre, et cette vie fait tomber nos fausses "certitudes". Quand je découvre l'autre, je ne peux plus tenir à son propos un discours tout fait dans lequel j'ai 100% de la vérité sur sa vie. La réalité est plus complexe, elle n'en est pas moins belle.

Cela dit, trois semaines, cela va être long... Loin d'Oran.

Je vous embrasse très fraternellement.

+ fr. Jean-Paul

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P.S: Je joins le lien d'une émission sur RCF et Radio Vatican enregistrée ce soir et dans laquelle je dis bien mon état d'esprit à la fin de cette première journée du 5 octobre

à la radio
Texte fr.radiovaticana.va:http://fr.radiovaticana.va/news/1177087
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