Tamanrasset, décembre 2007
Très
chers parents, amis, petites sœurs,J’aime ce rendez-vous annuel dans la proche lumière de Noël ; pour beaucoup d’entre vous, un simple clic depuis chez nous permet de communiquer et d’échanger . Un beau cadeau que l’ordinateur que nous avons reçu cette année . J’essaye de rassembler quelques souvenirs de 2007 pour vous les offrir comme un joli bouquet ! L’Algérie, aujourd’hui , tout en étant riche de ressources vit un profond malaise social ; la précarité touche des millions d’algériens, et le Sud n’est pas préservé : chômage, ....flambée des prix,… … ....Nous sommes témoins que nos amis sont patients et n’ont d’autre choix que vivre avec courage cette situation de crise..... .... Etre présent dans ces lieux de souffrance et accompagner ce monde en travail d’enfantement , c’est notre manière d’être signe de la tendresse de Dieu avec nos petits moyens ; les Algériens sont sensibles aux valeurs qui motivent nos comportements : notre vocation est de vivre cette fraternité ; et la convivialité de certaines familles nous y entraîne ; il est possible avec le temps de s’accueillir différents, de s’estimer ,de se respecter, et de vivre heureux ensemble , même si le contexte national algérien est souvent à la désolation et à l’affliction. ..... En Mars dernier, avec quelques frères et sœurs du diocèse, nous avons vécu une soirée très émouvante dans un campement à quelque 20 kms de l’Assékrem : Le troupeau rentre, les plaintes des chevreaux qui retrouvent leurs mères annoncent cette vie du soir, la terre et le ciel joignent leurs couleurs embrasés par le soleil couchant, les feux s’allument, c’est comme une heure sacrée ; une jeune fille tire de l’ " abankor " (trou dans le sable ) une eau pure, une autre nous apporte leurs plus beaux tapis pour notre bivouac .La mère, entourée de ses jeunes enfants prépare le thé, mais auparavant, c’est le lait caillé qui sort de l’outre qui nous est offert. Dans cette vie sous le regard de tous, la présence constante d’autrui impose le partage. Sala, le chef de famille demande à Fr. Ventura : " Pour le repas, voulez-vous que nous mangions ensemble (c'est-à-dire hommes et femmes) ou séparés ? " Ventura répond : "ensemble " . Quelques minutes après, Sala revient lui dire : " Tu sais, nous ne pouvons pas manger ensemble, parce que nous avons un étranger ( un homme d’une autre tribu touareg que nous avions salué dans l’oued en arrivant ) ". Etonnement émerveillé d’avoir été considéré comme des leurs…La poésie du feu nous entraînera tard dans la nuit avec chants et tindé, dans cet immense théâtre du désert en accompagnant les mains qui frappent en cadence la peau mouillée tendue sur le grand mortier de bois, son pénétrant qui résonne à des kms à la ronde, de courtes phrases sont reprises en chœur ; les ombres évoluent, la nuit est belle, la voute très étoilée …nous entendons le chacal , les bergers veillent …l’aurore pointe, quelques silhouettes se prosternent vers l’Est, les chèvres s’agitent, c’est le petit matin baigné d’une lumière dorée ; le feu crépite à nouveau ; après le thé, c’est l’heure pour nous de poursuivre notre marche, les 3 jeunes filles nous donnent ( à nous les 3 femmes ! ) trois " tisatfars " (poignée brodée pour tenir la théière chaude ). Depuis quelques mois, divers mouvements affectent notre petite communauté chrétienne : départ de Fr. Alain (Assékrem)en octobre , puis prochainement de M-Thérèse ( elle était à Tam depuis 1962, et beaucoup de nos voisins sont tristes de voir s’en aller leur grand-mère !) ;c’est aussi l’arrivée de Daniel, prêtre J.Caritas ( Fidéi Donum de Vendée ) qui prend la relève de Fr.Antoine qui-espérons-le , nous reviendra tout neuf dans quelques mois, et de Christiane Amblard, sœur de l’Alliance avec qui j’avais vécu au Mali, qui vient rejoindre notre communauté en Janvier . Nous enrichissent aussi le passage de quelques jeunes en recherche, le flux des pèlerins, et en novembre dernier, l’accueil de mes 5 neveux et nièces, heureux d’avoir découvert le désert et ses habitants . Ils écrivent :" la beauté du désert est ineffable, indicible et surtout propre à chacun …le mode de vie des Touaregs est vrai, pur, sans détour et va droit au but en toute simplicité …la vie coule comme le petit filet d’eau dans le lit de l’oued, merci aux amis pour ces moments partagés à la belle étoile, sous la zériba ( hutte en joncs ) en attendant le thé…l’accueil des enfants, quelle complicité…nous avons touché du doigt une expérience du désert, cela m’a ressourcé … " Pourquoi tant d’Européens sont-ils si attirés par ce contexte ? sans doute , parce que le désert appelle à l’émerveillement et que cette attitude favorise le sentiment d’exister à plein, avec une autre manière de vivre que de s’accrocher à soi . Dans son austérité, ces rudes montagnes révèlent un mystérieux visage de la beauté, comme une réalité sans âge, vivante, intérieure ; il révèle aussi un espace infini que le cœur de l’homme ne cesse de désirer, laissant pressentir une présence, qui n’est pas seulement derrière les étoiles, mais dans cette rencontre au plus intime de soi. Au-delà du silence même, il y a comme une sourdine qui chante au-delà du visible … J’aime ce proverbe touareg, plein de sagesse : " Dieu a créé un pays plein d’eau, pour que les hommes puissent vivre , et un pays sans eau, pour que les hommes aient soif , et il a créé un désert, un pays avec et sans eau, pour que les hommes trouvent leur âme . " La grande aventure du désert, c’est sûrement cette invitation à faire ce voyage vers nous-mêmes. Les Africains Sub-sahariens traversent aussi le désert, mais ils le subissent dans sa rudesse et ses dangers , nous sommes bien démunies face à toutes ces personnes en détresse, en quête d’une terre meilleure, et engagés dans une voie sans issue . A l’occasion de la fin du Ramadan, 138 autorités musulmanes ont adressé une lettre au Pape et aux responsables des églises chrétiennes : " une parole commune entre Nous et Vous ". C’est un évènement significatif, sans précédant, un geste dont il faut souligner l’importance, c’est une volonté de dialogue entre nos deux religions, c’est vrai qu’aucun autre couple de religions sur cette planète n’ont autant en commun que ces deux là , chacun a quelque chose à dire à l’autre . Les auteurs se situent comme partenaires de l’humanité, et s’intéressent au sort du monde actuel : urgence des droits de Dieu et de ceux de l’homme, qui exigent de chacun une attention soutenue et un amour actif et concret . La lettre se termine par une citation du Coran : " faisons en sorte que nos différences n’apportent pas la haine et la violence entre nous, concourrons ensemble aux bonnes œuvres et à la justice … " Je souhaite à chacun(e) de découvrir son coin de désert, comme une musique d’espérance et que l’année nouvelle soit comme un porche de lumière et d’amour pour accueillir ce qu’il nous sera donné de vivre dans la joie , et avec mes autres soeurs de la communauté, je vous embrasse bien affectueusement Une
petite soeur
Sites intéressants:www.amisdiocesesahara.free.fr et www.ada.asso.dz (église d’Algérie ) |
Communauté de Tamanrasset (cliché MD) |
![]() Un thé au sahara 24 décembre 2007 (cliché L & I . P) |
Voeux - musicaux - d'une ancienne du Sahara, résidente maintenant
au Québec |
Lire le Message de Noël 2007 et de la
nouvelle année 2008 adressé par Mgr Claude RAULT, évêque du Diocèse du Sahara |
Chants de la veillée
de Noël avec les moineaux du Val de Marne (choeurs d'enfants) Nogent sur Marne 25 décembre 2007 (Cadeau musical de l'ADS au Père Lucet à Ouargla et dont la famille habite Nogent) |