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A propos du dialogue des Religions,
évocation du Père François COMINARDI... en 2009
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Rédigé par une lycéenne algérienne,
  texte paru dans dans le quotidien algérien l'Expression (voir ci-dessous).
Y est évoqué notamment le Père François Cominardi, M.Afr. (Père Blanc) longtemps à Aïn Sefra,...

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P. Cominardi sous sa "tente chapelle"
dans son logement à Aïn Sefra
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Ces textes ont été rédigés par des lycéens algériens à l’initiative de l’ambassade des Etats-Unis d’Amérique à Alger, qui leur a organisé durant le mois de Ramadhan dernier, un concours sur le dialogue des religions. Nous publions ici les trois meilleurs textes qui ont été sélectionnés et primés.

La ville de Aïn Sefra se trouve dans la wilaya de Naâma, dans le sud-ouest algérien, à environ 900 km d’Alger. Cette petite ville, réputée pour la beauté de ses sites naturels, a connu une continuité d’habitat qui remonte à très loin: les gravures rupestres et d’autres vestiges attestent la présence de l’homme dans la région depuis l’âge de pierre.

D’après ce que m’a raconté mon grand-père, que Dieu lui donne longue vie, durant la période coloniale, la ville débordait d’habitants d’origines différentes: les Européens (ou les Roumis comme les appelait mon grand-père, en relation avec les Romains selon moi) et aussi une minorité juive, qui exerçait ses activités spécifiques dans le domaine commercial et l’artisanat. Les juifs achetaient et vendaient tout: la graisse, la poterie, les grains, les denrées alimentaires, la laine etc...Bien que minoritaires par rapport aux Européens, ils avaient pu imposer leur présence. Ils avaient un quartier au centre de la ville, dénommé «le chemin des juifs», appellation que les habitants continuent à utiliser jusqu’à nos jours.

Mon grand-père m’a parlé d’un commerçant juif qui était très connu dans la ville et les alentours. Son nom était Siméon et les gens l’appelaient Siméon le juif. Il avait d’excellentes relations avec les habitants et les bédouins nomades. Il prêtait aux gens de l’argent. C’était surtout le lundi, jour du marché hebdomadaire, qu’il faisait affaire avec les nomades.
Mon grand-père m’a raconté qu’au moment où il quitta la ville, il rassembla certains habitants et leur dit, les larmes aux yeux: «J’ai beaucoup aimé cette ville et ses habitants. Et j’ai pensé que le seul moyen d’exprimer mon amour et ma reconnaissance à votre égard, c’est ce registre.» Puis il saisit un grand registre et leur dit: «Ce registre contient la liste de ceux auxquels j’ai fait des prêts et les montants qu’ils me doivent. Je vais le déchirer devant vous.» Et il le déchira vraiment, à la stupéfaction des habitants. Puis il quitta la ville sans retour. Les habitants racontent encore aujourd’hui ce fait avec admiration.

Au centre de notre ville se trouve un cimetière juif, à proximité du cimetière chrétien. Quand je passe devant et que je vois les tombes, leur état m’attriste beaucoup, car ce sont des repères et des vestiges qui racontent une période importante de l’histoire de l’Algérie.

Mon grand-père m’a dit: «Les gens vivaient en totale harmonie entre eux. Ils se respectaient les uns les autres et respectaient réciproquement leur religion. Le chrétien pratiquant se dirigeait vers l’église, le juif vers sa synagogue et le musulman vers sa mosquée. Quand ils se rencontraient, ils se saluaient dignement et respectueusement.»
Il y avait un centre de formation professionnelle tenu par les Pères blancs, où ils enseignaient les métiers aux enfants des musulmans. Ils n’interféraient jamais dans leurs croyances religieuses.

Dans la classe, on trouvait l’élève français, allemand, africain, arabe, kabyle. Ils étudiaient ensemble, se rencontraient, blaguaient et discutaient de leurs études. Mon grand-père m’a cité les noms de beaucoup d’élèves de la ville qui ont étudié dans ce centre et sont devenus ingénieurs, médecins et cadres de l’Etat.

Du plus profond de mon coeur, j’aurais voulu me trouver dans une classe rassemblant des élèves de toutes les nationalités. Nous aurions échangé des idées, appris les uns des autres et discuté loyalement. Mais je me suis dit: «Ce n’est qu’un rêve qui ne se réalisera jamais.» Quand j’ai présenté cette idée à mon père il m’a dit: «Ce que tu penses être un rêve est un fait réel dans les pays développés, surtout aux Etats-Unis, où vivent des ethnies de différentes régions du monde, chacun dans son domaine de travail et d’intérêt. Quelles que soient son origine ou sa religion, chacun peut parvenir le plus loin possible grâce à sa détermination et à son effort.» Mon père m’a cité des personnes de notre ville qui sont maintenant professeurs d’université, médecins ou commerçants prospères.

Je me suis aussitôt souvenue du président Obama, le président actuel des Etats-Unis, de la façon dont cet homme d’origine africaine a pu parvenir à la plus haute fonction politique. Ce sont des gens de toutes les ethnies et de toutes les religions qui l’ont élu, sans discrimination ni racisme et c’est peut-être - m’a dit avec assurance mon père - le plus grand secret qui se cache derrière la grandeur et la domination de l’Amérique et son accession au rang de première puissance dans le monde.

En 2005, dans notre ville, le Père Cominardi est décédé. C’était un religieux chrétien qui a vécu parmi nous et tous le connaissaient. C’était le seul européen au milieu d’habitants, tous musulmans. Tous l’estimaient et le respectaient beaucoup. Il a consacré sa vie à faire le bien, à aider les pauvres et les prendre par la main. Tous les soirs, il allait à l’hôpital, les bras chargés de journaux, de bonbons et d’autres choses pour les malades.

Durant le mois de Ramadhan, il organisait un programme avec de nombreux habitants: chaque jour ils lui apportaient le ftour (1) pour qu’il le donne aux malades de l’hôpital, et mon père m’a dit que les gens se bousculaient pour s’inscrire sur sa liste des bienfaiteurs.

Petite, j’ai connu le Père Cominardi, lorsque j’ai accompagné ma mère à l’hôpital pour un accouchement. Il nous a apporté des bonbons, a distribué son sourire, son réconfort à ma mère et ses prières pour son prompt rétablissement, comme il le faisait avec tous les malades.
Je m’en souviens aussi, alors que j’étais élève au collège moyen, d’avoir accompagné mon père à la salle de cinéma où avait lieu la cérémonie des quarante jours après son décès. La salle était bondée de gens qui écoutaient les religieux chrétiens venus spécialement à cette occasion. J’ai entendu de même les témoignages des habitants de différents niveaux: des écrivains, des intellectuels, des professeurs et de simples citoyens.

En plus des oeuvres de bienfaisance, le Père Cominardi s’intéressait à la recherche dans le domaine de l’histoire. Mon père m’a dit qu’il restait une autorité essentielle pour la préhistoire de la région, une référence incontournable pour tout chercheur désirant étudier l’histoire de l’âge de pierre dans la région. Il gardait dans son bureau différents vestiges, documents, photos et manuscrits. La rencontre s’est conclue par une prière d’invocation des deux parties, que tous ont écoutée avec déférence et gravité.

Conclusion: ce que m’a raconté mon grand-père au sujet de la convivialité qui existait durant la période coloniale entre les différentes religions et ce que m’a dit mon père au sujet du Père Cominardi le chrétien, de sa relation étroite avec les habitants musulmans qui l’aimaient, le respectaient et l’aidaient à faire le bien, m’a appris que, comme hommes, beaucoup de belles choses nous réunissent: nous habitons une seule planète, nous respirons le même air, nous scrutons le même ciel, malgré nos différences de religions, de langue, de couleur, de race et de genre. Nous pouvons vivre ensemble, nous aimer les uns les autres et coopérer pour faire le bien de toute l’humanité.

(1) Repas de rupture du jeûne

Amel BOUDAOUD

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les passages soulignés en gras sont de la rédaction ADS
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Autres pages sur le Père François Cominardi

 

Exposition

BLOG sur le Père François Cominardi (2005)
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A Thibar, P. Cominardi, camarade d'ordination de Mgr Gagnon (+2004)
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Père Cominardi, Mgr Michel Gagnon,
P. Diego Sarrio ( Ghardaïa 2003)
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