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PREAMBULE
12/10/2008
A la redécouverte du dialogue islamo-chrétien

« La Croix » commence une enquête de cinq semaines sur l’islam en France et en Europe et sur les formes possibles du dialogue avec lui

La descente aux abîmes n’a pas eu lieu. Le choc des civilisations ne s’est pas produit. D’autres crises secouent aujourd’hui le monde, notamment les pays riches d’Occident, frappés au cœur de leur système économique par des extrémistes de la finance courbés devant le veau d’or.

Un temps nouveau s’ouvre peut-être entre chrétiens et musulmans en Europe. Une époque où la défiance reste de mise, mais où une certaine décantation s’est produite. On y perçoit mieux désormais la distinction entre musulmans et djihadistes. Les premiers ont certes souvent une pratique plus ostentatoire, mais qui s’accompagne de stratégies d’intégration. Les seconds recrutent encore à la marge du système, notamment dans les prisons, mais le combat semble s’éloigner grâce, sans doute, à l’efficacité des services de sécurité.

Au Proche-Orient, l’exode des chrétiens se poursuit, surtout en Irak où ils font figure de victimes expiatoires, mais des voix prestigieuses s’élèvent pour affirmer qu’une tradition de relations harmonieuses entre ces deux religions abrahamiques peut être restaurée.

Le parcours intellectuel et politique de Benoît XVI sur le sujet pourrait sans doute symboliser les doutes et les élans actuels du dialogue islamo-chrétien, du côté catholique. Ainsi, le successeur de Jean-Paul II avait réduit en février 2006 la voilure du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, rapprochant cette problématique de la politique culturelle du Saint-Siège – avant de le rétablir de plein droit en juin 2007 et de le placer sous la houlette du cardinal diplomate Jean-Louis Tauran.

La « Lettre des 138 » développe un argumentaire autour de trois points essentiels : l’amour de Dieu, l’amour du prochain, et la parole commune

C’est que dans l’intervalle, le 12 septembre 2006, Benoît XVI avait prononcé le désormais fameux discours de Ratisbonne,en Allemagne. Devant une assemblée de ses anciens confrères universitaires, il réfléchit sur le thème « foi et raison » en s’appuyant notamment sur les méditations d’un souverain byzantin, Manuel II Paléologue, qui présentaient l’islam comme une religion irrationnelle et violente.

Devant la colère des États et des foules islamiques, Benoît XVI s’est alors fait plus politique. Treize jours après son discours, il reçut à Castel Gandolfo les représentants de 21 pays musulmans, de la Ligue arabe et de la communauté italienne, pour les assurer du « profond respect (qu’il) porte aux croyants musulmans ». Il regagna ainsi le cœur des foules musulmanes lors de sa visite le 1er décembre suivant à Istamboul, où il se plongea dans une profonde méditation au cœur de la Mosquée bleue.

Le 13 octobre 2007, 138 théologiens et religieux musulmans de toutes écoles et de toutes sensibilités, sollicités par l’Académie jordanienne Âhl Al Bayt pour les Recherches relatives à la civilisation islamique, adressent alors une « Lettre ouverte » à l’ensemble des chefs religieux des diverses communautés chrétiennes du monde entier, dans laquelle ils appellent à une « parole commune » entre chrétiens et musulmans. Cette lettre fait suite à celle qui avait été envoyée en octobre 2006 à Benoît XVI par 38 « savants musulmans, » après la polémique soulevée par le discours de Ratisbonne.

La « Lettre des 138 » – ainsi qu’on l’appelle désormais – renvoie musulmans, chrétiens et juifs à leur commun monothéisme, et développe un argumentaire autour de trois points essentiels : l’amour de Dieu, l’amour du prochain, et la parole commune.

« Forum islamo-catholique »

Le Vatican note alors « l’esprit positif » qui a inspiré le texte et « l’appel à un engagement commun pour la promotion de la justice dans le monde ». Benoît XVI répond à la Lettre en invitant une délégation de signataires à Rome pour une rencontre de travail. Celle-ci va se dérouler du 4 au 6 novembre prochains, sous la forme d’un « Forum islamo-catholique » sans précédent et sous l’égide du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux.

Pour La Croix, l’occasion est belle d’enquêter à nouveau sur l’islam d’Europe et de France, et sur les conditions et possibilités d’un dialogue avec lui. Délaissant les combats d’Afghanistan ou d’Irak qui relèvent plus des tensions géopolitiques que de conflits religieux, l’intérêt de l’enquête qui s’ouvre ici s’est porté sur l’islam au quotidien de familles plus ou moins pratiquantes, sur les défis posés à la société par des pratiques sociales, culturelles et pieuses qui heurtent les principes fondamentaux du consensus hexagonal. L’islam est divers, mais il est aussi un marqueur puissant pour des populations qui vivent un changement culturel fondamental.

Le christianisme d’Europe a toujours été divisé dans son regard sur cette religion provocante, ne serait-ce que parce qu’elle se veut marquée du sceau de l’ultime et définitive révélation. Les célébrations des victoires chrétiennes sur les Ottomans à Lépante ou à Vienne ornent encore les vitraux de maintes églises et chapelles occidentales.

La perception d’une proximité dans la foi en un Dieu unique en même temps que de radicales différences dans l’expression des croyances hante ceux qui cherchent à jeter des passerelles. Le sens du respect d’autrui progresse à tâtons. C’est dans cet esprit que La Croix est partie en quête de la réalité.

Martine DE SAUTO et Jean-Christophe PLOQUIN


12/10/2008
« Entre vous et nous… », extrait de la « Lettre des 138 »

Extrait de la lettre ouverte adressée par 138 intellectuels musulmans à Benoît XVI et à d’autres responsables chrétiens en octobre 2007 (voir le texte intégral et un dossier complet dans La Documentation catholique n° 2394 du 20 janvier 2008).

« Trouver un terrain d’entente entre musulmans et chrétiens n’est pas une simple question de dialogue œcuménique poli entre des responsables religieux sélectionnés. Le christianisme et l’islam sont la plus nombreuse et la seconde religions dans le monde et l’histoire. On estime que chrétiens et musulmans représentent respectivement plus du tiers et plus du cinquième de l’humanité. Ensemble, ils constituent 55 % de la population mondiale, ce qui fait de la relation entre ces deux communautés religieuses le plus important facteur contribuant à une paix significative dans le monde. Si les musulmans et les chrétiens ne vivent pas en paix entre eux, le monde ne peut pas être en paix. (…) Ainsi notre avenir commun est-il en jeu. La survie du monde lui-même est en jeu. (…)

Ne faisons donc pas de nos différences une cause de haine et de querelles entre nous. Ne rivalisons les uns avec les autres que dans la piété et les bonnes œuvres. Respectons-nous les uns les autres, soyons équitables, justes et bons les uns envers les autres, et vivons dans une paix sincère, l’harmonie et la bonne volonté réciproque. »





A la redécouverte du dialogue islamo-chrétien
Chronologie : Les temps mouvementés de l'islam
Le monde musulman, un espace pluriel
La richesse dans les pays musulmans
Les fondements d’une religion venue d’Orient
Tareq Oubrou : «L’unicité de Dieu est le socle fondamental de l’islam»
Une religion divisée par la question du pouvoir
Averroès et Thomas d’Aquin au centre de la querelle d’Aristote
Franck Frégosi : "L’islam en France est une réalité sociale et religieuse plurielle"
La République et l’islam s’apprivoisent lentement




12/10/2008
A la redécouverte du
dialogue islamo-chrétien
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« La Croix » commence une enquête de cinq semaines sur l’islam en France et en Europe et sur les formes possibles du dialogue avec lui

La descente aux abîmes n’a pas eu lieu. Le choc des civilisations ne s’est pas produit. D’autres crises secouent aujourd’hui le monde, notamment les pays riches d’Occident, frappés au cœur de leur système économique par des extrémistes de la finance courbés devant le veau d’or.

Un temps nouveau s’ouvre peut-être entre chrétiens et musulmans en Europe. Une époque où la défiance reste de mise, mais où une certaine décantation s’est produite. On y perçoit mieux désormais la distinction entre musulmans et djihadistes. Les premiers ont certes souvent une pratique plus ostentatoire, mais qui s’accompagne de stratégies d’intégration. Les seconds recrutent encore à la marge du système, notamment dans les prisons, mais le combat semble s’éloigner grâce, sans doute, à l’efficacité des services de sécurité.

Au Proche-Orient, l’exode des chrétiens se poursuit, surtout en Irak où ils font figure de victimes expiatoires, mais des voix prestigieuses s’élèvent pour affirmer qu’une tradition de relations harmonieuses entre ces deux religions abrahamiques peut être restaurée.

Le parcours intellectuel et politique de Benoît XVI sur le sujet pourrait sans doute symboliser les doutes et les élans actuels du dialogue islamo-chrétien, du côté catholique. Ainsi, le successeur de Jean-Paul II avait réduit en février 2006 la voilure du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, rapprochant cette problématique de la politique culturelle du Saint-Siège – avant de le rétablir de plein droit en juin 2007 et de le placer sous la houlette du cardinal diplomate Jean-Louis Tauran.
La « Lettre des 138 » développe un argumentaire autour de trois points essentiels : l’amour de Dieu, l’amour du prochain, et la parole commune

C’est que dans l’intervalle, le 12 septembre 2006, Benoît XVI avait prononcé le désormais fameux discours de Ratisbonne, en Allemagne. Devant une assemblée de ses anciens confrères universitaires, il réfléchit sur le thème « foi et raison » en s’appuyant notamment sur les méditations d’un souverain byzantin, Manuel II Paléologue, qui présentaient l’islam comme une religion irrationnelle et violente.

Devant la colère des États et des foules islamiques, Benoît XVI s’est alors fait plus politique. Treize jours après son discours, il reçut à Castel Gandolfo les représentants de 21 pays musulmans, de la Ligue arabe et de la communauté italienne, pour les assurer du « profond respect (qu’il) porte aux croyants musulmans ». Il regagna ainsi le cœur des foules musulmanes lors de sa visite le 1er décembre suivant à Istamboul, où il se plongea dans une profonde méditation au cœur de la Mosquée bleue.

Le 13 octobre 2007, 138 théologiens et religieux musulmans de toutes écoles et de toutes sensibilités, sollicités par l’Académie jordanienne Âhl Al Bayt pour les Recherches relatives à la civilisation islamique, adressent alors une « Lettre ouverte » à l’ensemble des chefs religieux des diverses communautés chrétiennes du monde entier, dans laquelle ils appellent à une « parole commune » entre chrétiens et musulmans. Cette lettre fait suite à celle qui avait été envoyée en octobre 2006 à Benoît XVI par 38 « savants musulmans, » après la polémique soulevée par le discours de Ratisbonne.

La « Lettre des 138 » – ainsi qu’on l’appelle désormais – renvoie musulmans, chrétiens et juifs à leur commun monothéisme, et développe un argumentaire autour de trois points essentiels : l’amour de Dieu, l’amour du prochain, et la parole commune. « Forum islamo-catholique »

Le Vatican note alors « l’esprit positif » qui a inspiré le texte et « l’appel à un engagement commun pour la promotion de la justice dans le monde ». Benoît XVI répond à la Lettre en invitant une délégation de signataires à Rome pour une rencontre de travail. Celle-ci va se dérouler du 4 au 6 novembre prochains, sous la forme d’un « Forum islamo-catholique » sans précédent et sous l’égide du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux.

Pour La Croix, l’occasion est belle d’enquêter à nouveau sur l’islam d’Europe et de France, et sur les conditions et possibilités d’un dialogue avec lui. Délaissant les combats d’Afghanistan ou d’Irak qui relèvent plus des tensions géopolitiques que de conflits religieux, l’intérêt de l’enquête qui s’ouvre ici s’est porté sur l’islam au quotidien de familles plus ou moins pratiquantes, sur les défis posés à la société par des pratiques sociales, culturelles et pieuses qui heurtent les principes fondamentaux du consensus hexagonal. L’islam est divers, mais il est aussi un marqueur puissant pour des populations qui vivent un changement culturel fondamental.

Le christianisme d’Europe a toujours été divisé dans son regard sur cette religion provocante, ne serait-ce que parce qu’elle se veut marquée du sceau de l’ultime et définitive révélation. Les célébrations des victoires chrétiennes sur les Ottomans à Lépante ou à Vienne ornent encore les vitraux de maintes églises et chapelles occidentales.

La perception d’une proximité dans la foi en un Dieu unique en même temps que de radicales différences dans l’expression des croyances hante ceux qui cherchent à jeter des passerelles. Le sens du respect d’autrui progresse à tâtons. C’est dans cet esprit que La Croix est partie en quête de la réalité.

Martine DE SAUTO et Jean-Christophe PLOQUIN

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12/10/2008
Chronologie : Les temps mouvementés de l'islam
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Le temps des Arabes
622 (an 1 de l’Hégire) : Mohammed, qui a commencé à prêcher une nouvelle religion, l’islam, doit fuir la Mecque et se réfugier à Médine où il devient à la fois guide religieux et chef politique, posant le principe de la « guerre sainte », le djihad. Il meurt en 632.

650 : en moins de vingt ans, les armées surgissant de la péninsule Arabique détruisent l’empire perse et conquièrent l’Égypte, la Syrie et le Caucase, acculant l’empire byzantin à la défensive.

657 : la bataille de Siffin (Syrie) oppose deux clans de La Mecque, ceux de Moawiya et d’Ali, une division qui finira en schisme avec la création des deux grandes branches de l’islam, le sunnisme et le chiisme.

710 : après la conquête du Maghreb, une armée arabo-berbère débarque en Espagne et conquiert l’essentiel de la péninsule en trois ans. Des offensives sont stoppées à Sens puis à Poitiers, en 732. L’empire des Arabes s’étend des contreforts de l’Himalaya à l’océan Atlantique.

766-809 : le califat de Haroun Al Rachid, à Bagdad, symbolise l’âge d’or de l’islam. L’empire abbasside contrôle les grandes routes commerciales terrestres et maritimes entre Orient et Occident. Mais l’Espagne et le Maghreb lui échappent.

1000 : le monde islamique s’est fractionné. Les deux régimes les plus puissants sont chiites, les Fatimides au Caire et les Bouyides en Perse.

1099 : les Francs de la 1re croisade conquièrent Jérusalem. En dix ans, quatre États latins sont constitués dans l’actuel Proche-Orient. Les Normands achèvent la conquête de la Sicile. En Espagne, les princes arabes passent sous la coupe des Berbères almoravides, dont l’empire s’étend jusqu’au Sénégal.

Le temps des Turcs
1206 : de religion chamanique, Gengis Khan, chef des tribus mongoles et turques d’Asie centrale, renverse les régimes musulmans établis dans l’Afghanistan et l’Iran actuels. Ses successeurs détruisent Bagdad et dévastent l’Europe centrale. La seule puissance à leur résister est l’empire mamelouk au Caire, qui chasse ensuite de Palestine les derniers croisés en 1291. À Delhi, un sultanat fondé par des Turcs contrôle l’Inde du Nord.

1400 : Tamerlan, né dans un clan turcophone et musulman, conquiert la Syrie, pointe extrême d’une offensive lancée en 1370 à partir de Samarkand (Ouzbékistan actuel). En Afrique, l’islam s’étend au sud du Sahel.

1453 : réduite depuis plusieurs décennies à un État croupion, Constantinople tombe aux mains des Ottomans.

1488 : le navigateur portugais Bartolomeo Dias contourne l’Afrique par le sud ouvrant aux Européens une alternative aux routes contrôlées par les Ottomans.

1492 : Grenade tombe, scellant la fin de la Reconquista espagnole.

1566 : à la mort de Soliman le Magnifique, l’Empire ottoman est à son apogée. Il domine les Balkans et la mer Noire, le Caucase et le Moyen-Orient arabe, l’Égypte et la mer Rouge, le Maghreb sauf le Maroc. Deux autres empires musulmans s’étendent sur de vastes territoires : la Perse des Séfévides, qui ont embrassé le chiisme en 1501, et l’empire du Grand Moghol Akbar, qui s’étend du Bengale à l’Afghanistan.

1683 : les Ottomans échouent à prendre Vienne.

1725 : à la mort de Pierre le Grand, l’empire russe est implanté aux franges du monde kazakh, en Asie centrale.

Le temps des Européens
1798 : Bonaparte débarque en Égypte. Cette expédition française durera trois ans.

1830 : la conquête de l’Algérie commence. L’émir Abd El Kader se rend en 1847. Dans l’Empire ottoman, la Grèce arrache son indépendance. En Inde, l’empire britannique contrôle tout le sous-continent.

1878 : la Roumanie et la Bulgarie se séparent de l’Empire ottoman, qui subit les coups de boutoir de la Russie.

1885 : au congrès de Berlin, les Européens se partagent l’Afrique. Français et Britanniques s’installent durablement en terre musulmane.

1918 : la fin de la Première Guerre mondiale marque la disparition de l’Empire ottoman, qui était allié à la Prusse. En Asie centrale, l’Union soviétique s’imposera à des populations turcophones et persanophones récemment conquises.

1920 : la France et la Grande-Bretagne se partagent le Proche-Orient, à la faveur des mandats de la Société des nations (SDN). Londres contrôle en outre l’Égypte et le canal de Suez ainsi que Koweït, Qatar, Oman et Aden.

1943 : l’Afrique du Nord est le point de départ des offensives alliées contre l’Italie et la France occupée.

1948 : trois ans après la Shoah, l’État d’Israël est créé. Les communautés parfois millénaires établies en pays musulmans y émigreront en masse.

1962 : l’indépendance de l’Algérie marque la fin du colonialisme européen en Méditerranée. Mais les flux d’immigration du monde musulman vers l’Europe se maintiennent.

Le temps présent
1979 : l’Union soviétique envahit l’Afghanistan. En Iran, l’ayatollah Khomeyni impose la Révolution islamique.

1991 : la disparition de l’URSS conduit à l’indépendance de cinq pays musulmans en Asie centrale, qui se dotent de régimes laïques. En Algérie, une guerre civile se déclenche. Dans tous les pays musulmans, le courant islamiste, qui défend une lecture littérale et intolérante du Coran, est devenu la principale force d’opposition.

1998 : le Pakistan, lancé dans une course aux armements avec l’Inde, devient le premier pays musulman à détenir la bombe atomique. Une coopération plus ou moins formelle avec l’Iran permet à ce pays de développer un programme nucléaire secret.

2001 : les attentats commis par Al-Qaida aux États-Unis témoignent de la virulence des mouvements djihadistes. Directement visée, la première puissance mondiale déclenche sa riposte en Afghanistan et en Irak.


Chronologie établie par Jean-Christophe PLOQUIN

Sources :
Dictionnaire historique de l’islam, de Dominique et Janine Sourdel (PUF, 1 010 p., 34 €).
L’Afrique et son environnement européen et asiatique, Atlas historique, de Jean Jolly (L’Harmattan, 169 p., 50 cartes, 39 €).

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14/10/2008

Le monde musulman, un espace pluriel
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Des pays en transition démographique


Sur plus de 6,6 milliards d’êtres humains qui peuplent la planète, on compte 1,5 milliard d’habitants de confession musulmane. Parmi eux, 300 millions vivent dans les pays arabes. Contrairement à certaines idées reçues, assimilant islam avec familles nombreuses, les démographes observent depuis trente ans l’effondrement de la fécondité dans le monde islamique. De 6,8 enfants par femme en 1975, la moyenne est tombée à 3,7 en 2005.

Certes, le monde musulman est diversifié, qui va de l’Afrique du Nord aux Philippines, en passant par le Proche-Orient, l’Asie centrale, le sous-continent indien et l’Indonésie. Les écarts peuvent être importants d’un pays à l’autre. Ainsi, le Niger détient encore le record du taux de fécondité avec 7,6 enfants par femme, quand l’Azerbaïdjan plafonne à 1,7. L’Iran et la Tunisie affichent, quant à eux, le même taux que la France, avec 2 enfants par femme.

Dans un essai passionnant, Emmanuel Todd et Youssef Courbage livrent une analyse remarquable des tendances démographiques du monde musulman (1). Ils en décortiquent les causes possibles, en s’appuyant notamment sur des parallèles avec les évolutions des sociétés occidentales et extrême-orientales.

Taux d'alphabétisation des femmes
Selon ces démographes, la cause la mieux identifiée de cette baisse de la fécondité n’est pas le PIB, mais le taux d’alphabétisation des femmes. Celui-ci n’est pas forcément déterminé par le niveau de développement économique, mais davantage par le statut de la femme selon les pays. Dès qu’il leur est favorable, comme c’est le cas en Indonésie, le taux de fécondité s’en ressent (2,48 enfants par femme). Pour autant, l’alphabétisation des femmes n’est pas seule en cause : celle des hommes a également un impact sur la chute de la fécondité.

Le Maroc en est un bon exemple. Les chercheurs s’intéressent en outre au rôle de la religion dans ces mutations. Si, comme le montrent les comparaisons avec les autres grandes confessions, « aucune religion ne semble en mesure de faire obstacle à la révolution démographique », en revanche « l’histoire de la transition démographique montre l’importance des crises religieuses, qui précèdent le plus souvent la baisse des fécondités », affirment les auteurs.

C’est pourquoi ces démographes estiment que le regain d’intégrisme islamique auquel on assiste dans le monde n’est en fait qu’un sursaut face à «l’ébranlement de la croyance religieuse».

Catherine REBUFFEL

(1) Le Rendez-Vous des civilisations (Éd. du Seuil et La République des idées, 160 p., 12,50 €).

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14-10-2008
La richesse dans les pays musulmans
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15/10/2008
Les fondements d’une religion venue d’Orient
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L’islam s’articule autour de trois éléments fondateurs : Allah le Dieu unique, Mohammed son messager et le Coran révélé. La Sunna, quant à elle, rassemble les faits et gestes du Prophète


Mohammed
On sait peu de chose sur Mohammed avant la révélation. Il est né en 570-571, au sein de la puissante tribu des Quraysh qui régnait à La Mecque. Son père est mort quelques semaines avant sa naissance. Sa mère décède quand il a 6 ans ; il est alors confié à son grand-père, puis à son oncle Abû Talib en 578. Cette expérience d’abandon et de pauvreté l’a marqué, et le souci du pauvre prendra dans le Coran et dans la tradition islamique une valeur religieuse privilégiée. Abû Talib emmena son neveu sur les routes caravanières, ce qui lui permit de découvrir les grandes civilisations religieuses de l’époque.

Mohammed est ensuite entré au service d’une riche veuve de La Mecque, Khadîja, qui organisait des caravanes vers la Syrie. Devenu son intendant, il l’a épousée en 600. Affecté par les bouleversements de la société qui engendrent injustices et oubli du pauvre, il passe de longs moments de solitude ascétique dans une grotte du mont Hirâ, à quelques kilomètres de La Mecque. C’est au cours d’une de ces retraites qu’il reçoit, en l’an 610, la révélation de Dieu par l’ange Gabriel.

Mohammed aurait ensuite redonné les versets coraniques à l’occasion d’événements de sa vie ou de sa communauté, de 610 jusqu’à sa mort en 632. Pour les conserver, son entourage les a mémorisés ou écrits sur des morceaux de peaux ou des omoplates de chameaux. Après sa mort, les chefs de la communauté ont rassemblé ces textes épars, réunis ensuite en un seul volume à l’initiative du 3e calife, Othman (644-656).

Le Coran
Le Coran (de la racine qara’a qui signifie proclamer, réciter) est la parole même de Dieu que le Prophète a été chargé de transmettre. C’est pourquoi les musulmans désignent aussi Mohammed comme le « Transmetteur », le « Messager » ou encore « l’Avertisseur ». Le Coran a été révélé en langue arabe, ce qui confère à cette langue un caractère sacré. Il a une valeur « inimitable ».

Étant donné le lien étroit entre Parole révélée et événements, une étude du texte permet de distinguer au moins deux périodes : celle de La Mecque, où le Prophète commence sa prédication, et celle de Médine, durant laquelle l’islam se structure comme religion et société. La première traite de la justice sociale, des fins dernières et des relations de l’homme avec son Créateur ; c’est aussi dans ces sourates qu’apparaît la continuité de la prédication de Mohammed avec celle des prophètes juifs et chrétiens.

La seconde comporte de multiples prescriptions régissant et régulant la vie de la communauté de Médine, et réaffirme avec vigueur l’unicité de Dieu. Le caractère sacré attaché à la matérialité du texte coranique rend l’analyse critique difficile aujourd’hui. La recherche exégétique a pourtant progressé parmi les intellectuels musulmans, notamment en Europe.

La Sunna
La Tradition du Prophète – la Sunna – est, après le Coran, la deuxième source de la religion musulmane. C’est au IXe siècle que les livres qui la constituent dans l’islam sunnite ont été composés à partir des hadiths, courts récits des paroles, faits et gestes du Prophète rapportés par ses premiers compagnons après sa mort, transmis oralement puis recueillis peu à peu par écrit durant le VIIIe siècle.

Les juristes de l’islam puisent dans la Sunna pour élaborer des normes de conduite exemplaire, mais aussi la loi et le droit qui en découlent. Les chiites ont élaboré un peu plus tardivement leur propre Tradition prophétique, reposant sur une sélection de hadiths. Leur Tradition est moins sacralisée que dans le sunnisme.

La charia
La charia (la loi) a été élaborée pour organiser l’existence musulmane personnelle et communautaire. Elle est fondée sur l’interprétation du Coran et de la Sunna. La charia est la Loi divine révélée dans le Coran, les paroles et faits du Prophète servant à la préciser. Elle désigne la voie à suivre pour respecter la loi de Dieu et s’y soumettre, jusque dans les aspects les plus concrets de la vie.

À partir de ces sources, des savants spécialistes du droit (fiqr) et regroupés en différentes écoles ont constitué un système juridique cohérent qui couvre cinq grands domaines : la dogmatique, les obligations rituelles, le comportement, la morale, la régulation des rapports sociaux. L’effort d’interprétation des textes religieux, (ijtihad) se poursuit pour permettre aux musulmans de vivre soumis à Dieu dans des situations nouvelles.

Bien que l’islam ne fasse pas de différence entre religion et État, car rien n’est exclu de la religion , un principe implicite de séparation des pouvoirs a été admis dès les Omeyyades (661-750) : les théologiens différencient le domaine de la foi et du culte de celui des affaires sociales et des relations interpersonnelles, dans lequel existe une grande latitude d’interprétation.

Martine de SAUTO

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15/10/2008
Tareq Oubrou : «L’unicité de Dieu est le socle fondamental de l’islam»
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Entretien:Tareq Oubrou , recteur et imam de la Mosquée de Bordeaux, auteur de Loi d’Allah, loi des hommes, avec Leila Babès (Albin Michel).

«L’unicité de Dieu constitue le socle fondamental de la religion musulmane. Elle s’enracine dans le cycle de la révélation divine qui a notamment donné la Torah à Moïse. « Il n’engendre pas, il n’est pas engendré », précise l’une des plus importantes sourates du Coran, la sourate 112 appelée « de la pureté ». Unique et parfait, Dieu est éminemment transcendant. Il ne se révèle pas, ne se présente pas lui-même aux yeux des hommes. Il n’a pas besoin de s’incarner, de se sacrifier pour montrer son amour. Le fait que nous existons, qu’il nous a donné sa Parole suffit à prouver le don gratuit de Son amour.

Mais Dieu est aussi un Dieu présent, agissant, qui se révèle en communiquant sa Parole et en transmettant son vouloir par les Prophètes jusqu’au dernier d’entre eux, Mohammed, inaugurant alors la maturité de l’homme. Il parle, communique, se manifeste de manière indirecte, à travers des signes créés : l’univers, où le croyant contemple la grandeur du Créateur de toutes choses ; la raison, qui lui permet de mener une quête intellectuelle et spéculative, de chercher la vérité et d’avancer dans la connaissance de Dieu ; et la vie intérieure de chaque être humain qui, créé à l’image de Dieu et singulier, fait l’expérience, à partir de son unicité, de l’unicité divine, tout en prenant conscience de son imperfection.

Dieu a 99 noms
Dieu communique aussi par le Coran qui, par opposition, est le signe incréé, Livre par lequel il a rendu accessible sa Parole aux hommes et leur a indiqué la voie du salut. L’unicité et la transcendance de Dieu sont soulignées de multiples manières dans le Coran, qui lui attribue des qualités mettant en valeur son absolue perfection. Il est le « Tout-Puissant », le « Sage », le « Clément », le « Bienfaiseur », le « Très Saint », le « Connaissant »…

Selon un hadith, Dieu a 99 noms, qu’il ne détaille pas tout en promettant le salut à celui qui parviendra à les découvrir. Des hadiths dont l’authenticité n’a pas été reconnue par la tradition musulmane précisent ces noms. Mais un hadith rapporte aussi une parole du Prophète s’adressant à Dieu : « Je te demande par tous les noms que tu as révélés dans ton Livre, par tous ceux que tu as révélés à tes Saints et par ceux que tu as gardés pour toi-même… »

Pour la tradition musulmane, cela signifie que les noms de Dieu sont infinis et que le croyant, dans sa finitude, ne peut les connaître tous : il reste dans le relatif, alors que Dieu est l’absolu. Le but ultime de tout croyant qui cherche Dieu avec l’œil de son cœur et par l’ascèse, le travail sur lui-même, le respect des rites… est la rencontre, la fusion avec Dieu. Chaque musulman peut vivre cette expérience. C’est ce qui donne sens à l’existence. »

Recueilli par Martine de SAUTO


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16/10/2008
Une religion divisée par la question du pouvoir
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Enracinés dans les premiers temps de l’islam, la rivalité entre sunnisme et chiisme a fréquemment épousé des affrontements tribaux ou dynastiques

La communauté musulmane souffre depuis ses origines de la division entre sunnites et chiites. Le schisme a été provoqué par la question de la transmission du pouvoir du prophète de l’islam, Mohammed, après sa mort. Le fossé s’est ensuite élargi aux plans théologique et juridique.

Un Coran pour tous
Pour tout croyant musulman, qu’il soit sunnite ou chiite, le Coran est le livre sacré, fruit de la révélation divine. Pour les autorités, les faits et gestes de Mohammed de son vivant sont également une source puissante d’inspiration et de légitimation doctrinaire, juridique ou politique (lire nos éditions d’hier). À sa mort, ses premiers successeurs (khalifat) se sont accordés pour combiner en une même personne les fonctions de chef politique et de guide des croyants. Mais les tensions allèrent jusqu’à des assassinats.

Le sunnisme , la voie majoritaire
En Arabie, le mot sunna désignait la piste du désert, tellement marquée dans le sol qu’on ne pouvait s’en écarter que délibérément. Plus de cent cinquante ans après la mort de Mohammed, au début du califat abasside à Bagdad, s’impose un discours majoritaire, la sunnat Allah, qui désigne un ensemble de tendances piétistes et moralistes, élaborées en réaction au chiisme et au mu’tazilisme, un courant de pensée rationalisant.

Pour les sunnites, le message de Dieu a été définitivement révélé dans le Coran et cette parole est close à jamais, jusqu’aux jours derniers. Les docteurs de la loi ont pour tâche d’interpréter ce message en fonction du temps présent. L’islam se voulant une voie de salut dans l’au-delà, mais aussi dans le monde d’ici-bas, ils sont sollicités pour bâtir le cadre juridique dans lequel se développera la vie du croyant et de la communauté de la façon la plus conforme possible aux exigences divines. Ils se fondent sur le Coran et la Sunna, compilation des exemples tirés de la vie du prophète, et s’appuient ensuite sur le consensus des experts et le raisonnement par analogie.

Aujourd’hui, le sunnisme englobe 90 % des musulmans. Dans les régimes où ils dominent, la quasi-totalité des États ont intégré des éléments de droit positif, mais quatre écoles juridiques structurent toujours le droit personnel : l’école hanafite (Turquie Syrie, Irak, Égypte, Asie centrale, Afghanistan, Inde) ; l’école malikite (Maghreb, Afrique noire) ; l’école shafi’ite (Asie du Sud-Est, Afrique orientale, Égypte) ; l’école hanbalite (péninsule Arabique).

Le chiisme, dans la lignée des imams
Minoritaire aujourd’hui, le chiisme peut pourtant revendiquer une antériorité par rapport au sunnisme . Ses partisans, dès la mort de Mohammed, ont affirmé que la guidance devait être assumée par la descendance du Prophète. Or, celui-ci n’avait pas eu de fils ayant atteint alors l’âge adulte ; leur revendication s’est donc appuyée sur sa fille, Fatima, mariée à Ali, un cousin de Mohammed. Mais le parti d’Ali (shi’at Ali) sera contesté les armes à la main par le puissant gouverneur de Syrie, fondateur de la dynastie des Omeyyades. En 680, Husayn, fils cadet d’Ali et petit-fils de Mohammed, meurt au combat. La célébration de son martyre fait aujourd’hui encore partie des grands rituels chiites.

La fracture avec le sunnisme n’est pas que politique. Les penseurs du chiisme ont placé au centre de leur doctrine théologique, mystique et juridique la figure de l’imam, élu divin qui, à la suite de Mohammed, ouvre la porte à la connaissance ésotérique du message prophétique. À travers des descendants d’Ali, des imams se sont ainsi succédé avant que l’un d’eux soit occulté – le cinquième, le septième ou le douzième, selon les branches.

Des chiites ont régné dans le monde musulman, à travers les siècles, notamment les Fatimides au Caire (909-1171). En Perse, les Séfévides (1501-1732) imposèrent le chiisme, façon de s’affranchir de l’empire ottoman sunnite. Outre l’Iran actuel, les chiites sont aujourd’hui majoritaires en Irak, en Azerbaïdjan, à Bahrein, à Oman, au Yémen, et ils représentent probablement la plus importante communauté au Liban. Ils constituent des minorités importantes au Pakistan, en Inde et en Arabie saoudite. Les Alaouites de Syrie ainsi que les Druzes du Liban et d’Israël sont des dissidences issues du sunnisme , ainsi que les alévis de Turquie.

Enracinés dans les premiers temps de l’islam, la rivalité entre sunnisme et chiisme a fréquemment épousé des affrontements tribaux ou dynastiques. Aujourd’hui, les tenants du wahhabisme (l’idéologie officielle en Arabie saoudite, qui inspire aussi puissamment Al-Qaida) ne cachent pas leur exécration du chiisme. L’émergence de la République islamique d’Iran depuis la révolution khomeiniste de 1979 suscite en outre une compétition régionale avec l’Arabie saoudite et l’Égypte, qui suit les lignes de fracture chiites-sunnites dans tout le monde islamique.

Jean-Christophe PLOQUIN

Encyclopédie des religions, sous la direction de Frédéric Lenoir et Ysé T. Masquelier (Bayard).
Dictionnaire historique de l’islam, de Dominique et Janine Sourdel (PUF)

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17/10/2008
Averroès et Thomas d’Aquin au centre de la querelle d’Aristote
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Au XIIIe siècle, en réponse au commentaire d’Aristote par le philosophe musulman Averroès, Thomas d’Aquin signe l’un des textes majeurs de la philosophie médiévale

Thomas d’Aquin a 56 ans en 1270. Il ne lui reste plus que quatre ans à vivre. Célèbre, le dominicain est l’un des maîtres de l’université de Paris, le centre le plus important d’études philosophiques et théologiques de la chrétienté latine.

Dans cette capitale des arts et des lettres, l’œuvre d’un philosophe musulman de Cordoue, Averroès (1126-1198), enflamme les esprits, suscite de nombreux et passionnés débats dans l’université, notamment la Faculté des arts.

Au cœur de la mêlée, le commentaire que fait Averroès du Traité de l’âme d’Aristote. À la lumière du philosophe grec, Averroès postule l’éternité du monde, et que l’intellect n’est pas individualisé : autrement dit, le monde n’a pas été créé, et la faculté de penser chez l’homme n’est pas en soi personnelle.

Une des œuvres majeures de l’histoire de la philosophie
Thomas d’Aquin entre en lice. Sa cible, Averroès, mais aussi ses nombreux partisans parisiens, les averroïstes. Sa réponse : De l’unité de l’intellect contre Averroès, plus connue sous le nom de Contre Averroès.

Ce texte est perçu comme l’une des œuvres majeures de l’histoire de la philosophie. Elle traverse les siècles. Et on la trouve aujourd’hui encore en format poche. Thomas d’Aquin y réussit à la fois à présenter la doctrine de son adversaire, à critiquer puissamment la théorie averroïste de l’intellect et, enfin, à restituer au plus près la pensée d’Aristote. De sorte qu’il signe un maître livre de réfutation, mais aussi un commentaire saisissant du philosophe grec.

Cette dispute entre Averroès et Thomas d’Aquin est l’un des signes captivants de la pénétration des philosophes musulmans dans la chrétienté occidentale. Si les rapports entre les deux mondes sont âpres et souvent meurtriers au Moyen Âge (1270 est l’année de la croisade de Saint Louis), ils ne se traduisent pas, dans l’ordre de la science et de la pensée, par de l’indifférence. Bien au contraire.

De nombreux ouvrages cheminent vers l’Occident au XIIe s.
Les XIIe et XIIIe siècles ont été une grande période de traduction en latin des travaux scientifiques et intellectuels des savants arabes. Si les premières traductions d’astronomie et de médecine circulent dès la fin du XIe siècle, une impulsion décisive est donnée au milieu du XIIe : de nombreux ouvrages cheminent vers l’Occident, notamment par Tolède et Cordoue. Parmi ces livres, des commentaires arabes des philosophes grecs.

Or, la pensée médiévale occidentale était surtout dominée par saint Augustin et par le néoplatonisme. Avec ces nouveaux textes, de grands pans de la philosophie grecque, qui n’avaient pas été traduits en latin, sont accessibles.

En premier lieu Aristote, le « Premier maître » pour les philosophes arabes. Cette philosophie est née au IXe siècle sous les Abbassides, lorsque nombre de textes grecs sont traduits en arabe dans des centres comme la « maison de la sagesse » à Bagdad. Là, Syriaques, Juifs et Arabes travaillent pour établir les traductions et les commentaires.

Vérité révélée et vérité par la raison
Autour de ces centres se constitue une véritable philosophie hellénistique de l’islam, la falsafa. Et avec elle des falasifa (traduction du grec « philosophie ») : Al Kindi (mort en 813), Al Farabi (mort en 950), Ibn Sina (Avicenne, mort en 1037).

Ces falasifa distinguent, contre les traditionalistes, la vérité révélée et la vérité que l’on peut atteindre par la raison. Non pour les opposer, mais pour les unir, puisqu’il n’y a, à leurs yeux, qu’une seule vérité.

« Nous ne devons pas avoir honte d’admirer la vérité et l’accueillir d’où qu’elle vienne, même si elle nous vient de générations antérieures et de peuples étrangers, car il n’y a rien de plus important pour celui qui cherche la vérité, et la vérité n’est jamais vile ; elle ne diminue jamais qui la dit ni qui la reçoit », explique le premier de ces falasifa, Al Kindi. Une partie de ce corpus est introduite dans le Maghreb, en Andalousie.

Alors qu’en Orient ce courant étonnant s’éteint, victime de l’intransigeance des traditionalistes, une nouvelle génération de philosophes se lève à l’Ouest au XIe siècle. Parmi eux, Averroès, l’un des plus féconds et des plus importants.

Une polémique intense resurgit depuis peu
À la demande d’un prince andalou, il commente à son tour Aristote, jugé par ses contemporains trop « obscur ». Après sa mort en 1198, une partie de ses commentaires d’Aristote est traduite en latin et a gagné Paris. Aristote et Averroès sont désormais discutés avec ardeur à l’université parisienne.

Cette articulation entre philosophie grecque, arabe et latine au Moyen Âge resurgit depuis quelques mois sous la forme d’une polémique intense – comme pour témoigner que ce contact entre l’Orient et l’Occident reste, huit siècles plus tard, un sujet passionné et passionnant.

Au cœur de cette querelle, le livre du médiéviste Sylvain Gouguenheim, Aristote au Mont-Saint-Michel (Seuil). Pour l’auteur, l’apport des Arabes dans la transmission de la philosophie grecque à l’Occident serait quasi nul. Au XIIe siècle, le Mont-Saint-Michel était un centre actif de traduction des textes grecs, notamment d’Aristote.

Mais des dizaines d’historiens s’opposent à cette thèse. Pétitions, articles, colloque viennent dénoncer les erreurs et approximations du livre de Gouguenheim, jugé faux, voire politiquement orienté. Rarement, dans le monde feutré des médiévistes, on a assisté à une telle empoignade… qui de l’extérieur n’est pas sans rappeler le moment Averroès dans l’université parisienne du XIIIe siècle.

Laurent LARCHER

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19/10/2008 16:44
Franck Frégosi : "L’islam en France est une réalité sociale et religieuse plurielle"
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Entretien avec Franck Frégosi, directeur de recherche au CNRS, auteur de "Penser l'islam dans la laïcité" (Fayard)

«Toutes les études et les sondages confirment qu’il y a chez les musulmans de France un éclatement de leurs relations à l’islam, des manières différentes de pratiquer la religion musulmane, d’afficher son islamisme ou de se revendiquer musulman. L’islam en France est aujourd’hui une réalité sociale et religieuse plurielle.

Les croyants non pratiquants se retrouvent dans un islam subjectif, qui se traduit par une adhésion le plus souvent intellectuelle en termes de spiritualité ou d’éthique. Leur pourcentage demeure stable. Leur islam renvoie à un ensemble de valeurs et de croyances dans lequel se reconnaissent une majorité des musulmans sans que cela implique pour eux un passage à une pratique effective. Ils sont le signe d’une sécularisation interne à l’islam, mais traduisent peut-être aussi l’émergence d’un islam du doute. Ils prennent leur distance, s’interrogent sur leur rapport à l’islam…

Les croyants très pieux, qui observent rites et interdits alimentaires et fréquentent régulièrement les lieux de culte, se retrouvent, eux, aux deux extrémités de l’échelle sociale – ce qui montre que la réussite professionnelle ne semble plus incompatible avec la revendication d’une pratique religieuse décomplexée.

Les convertis nettement plus discrets
Les personnes qui se disent de culture musulmane ont, pour leur part, un attachement plus ténu à l’islam. Leur forme d’appartenance est plutôt virtuelle. Elles assument leur islam comme un héritage familial, et historique, observent le jeûne de manière symbolique ou partielle, participent aux repas de fêtes, choisissent un prénom arabe pour leurs enfants.

Ces musulmans appartiennent principalement à l’élite intégrée de l’immigration maghrébine et sont des jeunes issus de l’immigration. Pour certains, cette appartenance minimaliste à l’islam est un moyen de se raccrocher à une mémoire collective et de se démarquer de la société environnante qui tend à les enfermer. Cet islam, vécu sur le mode de la distanciation, est aussi celui d’une bonne partie de l’intelligentsia arabo-musulmane en France.

Enfin, si ceux qui se disent sans religion ou qui sont “sortis de l’islam” sont proportionnellement peu nombreux, certains sont régulièrement sollicités pour exprimer leur défiance envers l’islam. Les convertis sont nettement plus discrets, compte tenu souvent de l’incompréhension de leur milieu familial et de la volonté des autres religions de ne pas faire de surenchère prosélyte. Loin de renvoyer à un ensemble unifié de pratiques et de comportements, l’islam de France est donc une réalité aux multiples facettes et aux contours mouvants. »

Recueilli par Martine DE SAUTO

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La République et l’islam s’apprivoisent lentement
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Alors que les relations se normalisent sur le plan institutionnel, les crispations et les revendications communautaires sur le terrain perturbent les élus locaux

Comment intégrer l’islam dans la République et mieux dialoguer avec lui ? Récurrente, la question hante les plus hautes instances de l’État depuis plusieurs décennies.

Depuis Pierre Joxe et son Conseil de réflexion sur l’islam en France (Corif) à la fin des années 80, les ministres de l’intérieur ont tous essayé de trouver des interlocuteurs au sein d’une communauté éclatée en une quinzaine de nationalités d’origine et une multitude de chapelles associatives

Jean-Pierre Chevènement, puis Nicolas Sarkozy, ont fait aboutir le dossier, avec la création du Conseil français du culte musulman (CFCM), en février 2003. Visage officiel de la deuxième religion du pays, cette structure, dont les membres sont élus pour deux ans, est désormais l’interlocuteur des pouvoirs publics pour tout ce qui touche au culte.

Le CFCM peine à trouver ses marques
Mais après cinq ans d’exercice, le CFCM, dont les instances dirigeantes viennent d’être renouvelées, n’a toujours pas trouvé ses marques. Paralysé par des luttes intestines, il présente un bilan quasi nul, à l’exception de la création des aumôniers musulmans, dans l’armée notamment.

« Le CFCM est trop institutionnel pour être proche des croyants », estime le sociologue Vincent Geisser, qui insiste aussi sur la dépendance de l’instance aux pays d’origine.

Spécialiste au CNRS de la gestion publique de l’islam, Claire de Galembert est plus sévère encore : « Un CFCM présenté comme l’interlocuteur unique de l’État, ainsi que la solution pour faire émerger un islam français, ne tient pas ses promesses. »

Si les pouvoirs publics admettent la faiblesse du bilan, ils estiment que la création du CFCM marque une avancée symbolique essentielle. Il « donne corps à un islam modéré et républicain », argue-t-on au ministère de l’intérieur.

Le dialogue progresse, estime aussi le nouveau président de ce Conseil, Mohamed Moussaoui. La constitution du CFCM est un « pas décisif dans la reconnaissance de l’islam comme religion à part entière » juge ce Marocain, même s’il reconnaît des tensions internes, ainsi qu’« une coopération naturelle avec certains pays étrangers, comme c’est aussi le cas pour les autres religions ».

Si beaucoup sont déçus, voire franchement critiques, personne ne propose pour autant la suppression du CFCM, faute d’alternatives.

Des pans entiers de la question échappent à l'Etat
L’instance facilite en outre les échanges entre pouvoirs publics et responsables musulmans, qui examinent ensemble la question des fêtes religieuses (Aïd) ou les demandes de construction de lieux de culte.

Selon Bernard Godard, auteur des Musulmans en France (1), un dossier de construction de mosquées est accepté chaque semaine en France, depuis trois ans. « C’est considérable, note le chargé de mission au Bureau des cultes du ministère de l’intérieur. Et ça se passe plutôt bien ! »

Mohamed Moussaoui reconnaît lui aussi la « bonne volonté » des municipalités, « plus ouvertes » désormais quand elles reçoivent une demande.

Créée par Dominique de Villepin quand il était ministre de l’intérieur, la Fondation pour les œuvres de l’islam, destinée à financer la construction et l’entretien des mosquées, a été installée l’an dernier par Michèle Alliot-Marie.

Exception faite de quelques affaires sporadiques, les crispations entre l’islam et la République ne défraient plus la chronique. « La loi de 2004 proscrivant le voile à l’école et le débat qui l’a précédée ont apaisé le climat », estime-t-on au ministère de l’intérieur.

Un optimisme que Claire de Galembert ne partage pas. Si la sociologue reconnaît que la loi a eu « un effet purgateur », elle estime que le relatif silence qui entoure les relations entre islam et République cache « une crispation sur le rite et une recrudescence des revendications communautaires ».

Même inquiétude chez Bernard Godard : « C’est un paradoxe. En même temps que l’on assiste à une normalisation des relations entre l’islam et la République au plan institutionnel, des pans entiers de la question échappent au contrôle de l’État. »

Face aux imams salafistes qui rôdent à la sortie de certaines écoles ou à la contestation des cours d’histoire par de jeunes musulmans, les institutionnels des deux bords sont « perdus », poursuit cet ancien policier des Renseignements généraux.

Sur le terrain, des élus font part de leur inquiétude
Confronté à des demandes communautaires croissantes – viande hallal dans les cantines, piscines non mixtes, prière dans les lieux publics, etc. –, le maire (UMP) de Draveil (Essonne) Georges Tron estime que les pouvoirs publics « laissent se mettre en place de véritables réseaux intégristes » :

« Les associations de quartier sont pilotées par des fondamentalistes, car ce sont eux qui sont le mieux organisés. Le silence autour du sujet leur profite. »

Sentiment similaire pour le maire communiste de Vénissieux ; à l’instar de la plupart des élus, André Gerin fait toutefois la différence entre « la majorité des musulmans intégrés » et « une poignée de fondamentalistes » qui mènent un travail de sape.

« Il faut être volontariste, aider les musulmans qui veulent vivre paisiblement et éradiquer ceux qui pourrissent la vie de tous », conclut-il, ajoutant que « les maires sont bien seuls à porter le fardeau ».Reste que la frontière n’est pas toujours facile à distinguer.

Maire de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines) depuis vingt-cinq ans, Pierre Cardo gère «au jour le jour » : « On est dans le flou dans ce qu’on peut faire ou pas, témoigne l’élu UMP. Comment financer, et quoi ? Le cadre juridique n’est pas toujours clair. »

Maire de Drancy (Seine-Saint-Denis), Jean-Christophe Lagarde relativise : « Du moment que l’on reste ferme sur le respect de la laïcité, nous n’avons pas de problèmes. » Pour cet élu Nouveau Centre, le fait que les musulmans de Drancy ont leur mosquée depuis le début de l’année a structuré la communauté et contribué à faire émerger des interlocuteurs pour les pouvoirs publics.

Vincent Geisser met en garde contre une « communautarisation de l’action publique. Ça arrange les maires de trouver des interlocuteurs fiables. Ils sont souvent tentés d’avoir recours à la médiation des musulmans pour régler les problèmes sociaux. » Pour lui, c’est moins la laïcité qui est en jeu qu’une évolution de la société française, de plus en plus fragmentée.
Solenn DE ROYER

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