dialogueislmochretien2
Amis du Diocèse du Sahara (ADS)
Accueil/sommaire

***************************************************
diaologueislamochretien2_fichiers/lacroixcom.jpg
diaologueislamochretien2_fichiers/dialogueislam.jpg

Elle est catholique, il est musulman
Salma , musulmane émancipée en Grande-Bretagne
Leïla et Zoubida, « petites reines » d’une famille nombreuse
Huseyin, un Allemand resté musulman
Regain de pratique religieuse chez les musulmans de France
L’école apprend à maîtriser le « choc des sensibilités »



12/10/2008
Elle est catholique, il est musulman

diaologueislamochretien2_fichiers/ellelui.jpg

Nasser vient d’Algérie. Muriel est née à Nantes. Mariés depuis cinq ans et parents de deux enfants, ils sont confrontés aux questions essentielles de l’identité et de l’altérité, et doivent inventer au fur et à mesure des réponses

Muriel a, dit-elle, toujours « pratiqué », même si, ces dernières années, elle a « du mal à intégrer une vie paroissiale » et « culpabilise » de ne pas pouvoir aller tous les dimanches à la messe. Sa foi lui a été transmise par ses parents, catholiques croyants et pratiquants, engagés et ouverts.

Son mari Nasser, né à Khenchela (nord-est de l’Algérie), a grandi dans une famille qui pratiquait un islam simple et traditionnel. Parce qu’il est allé à l’école coranique – « ma maternelle à moi », dit-il –, c’est lui, « l’instruit », qui a expliqué à ses parents « certaines choses qu’il avait comprises » de sa religion. Il a ensuite approfondi sa foi en France où il est arrivé en 1991, à un moment où l’islam commençait à faire débat et où les chrétiens notamment lui posaient des questions.

Muriel et Nasser se sont connus il y a une dizaine d’années, à l’association Droits devant qui se mobilise notamment en faveur de sans-papiers. Ils ont fait « très progressivement » connaissance, chacune de leurs rencontres étant l’occasion d’échanges intellectuels et théologiques sur leurs racines, leurs cultures, leurs religions. Ils se sont mariés le 2 août 2003, après avoir participé à un week-end organisé par le Groupe des foyers islamo-chrétiens. Leurs familles respectives ne se sont pas opposées à cette union.

Comment transmettre un double héritage religieux ?
Le jour venu, l’imam d’une mosquée de Nantes, qui ne souhaitait pas se joindre à la cérémonie prévue à l’église, a célébré le mariage musulman – qui prend la forme d’un contrat juridique – chez les parents de Muriel, qui a alors reçu en dot un Coran. L’après-midi, le P. Christian Delorme a animé un temps de prière interreligieuse : les époux avaient choisi des textes de leurs deux traditions, et Nasser a reçu une Bible. Trois jours plus tard, ils se sont rendus en Algérie pour fêter leur mariage, la mère de Nasser n’ayant pu obtenir son visa pour la France.

Aujourd’hui, le couple habite un appartement chaleureux à Clamart (Hauts-de-Seine). Âgée de 37 ans, Muriel est documentaliste. Après bien des tracasseries administratives, Nasser, technicien de pharmacie industrielle, souhaite pouvoir enfin exercer sereinement son métier. Ils ont deux enfants – Majda, trois ans et demi, et Tarek, un an et neuf mois – qui ont bouleversé leur vie mais les ont aussi obligés à se poser des questions essentielles : comment transmettre un double héritage religieux, témoigner de sa foi, en respectant la religion de son conjoint et de manière très concrète, les rites qui l’accompagnent ?

Le prénom des enfants n’a pas présenté de difficulté. Pour des raisons « identitaires », explique Nasser, « parce qu’ils vivent dans un environnement culturellement chrétien et pour les rattacher à une histoire », ils portent chacun un prénom arabo-berbère, ce que Muriel a parfaitement accepté. La décision de faire circoncire Tarek, « conformément à la tradition sémitique mais surtout pour des motifs d’hygiène », a eu plus de mal à passer : « J’y voyais une amputation, explique Muriel. Mais j’ai fini par comprendre que Nasser serait plus serein vis-à-vis de sa famille et de sa communauté. »

Leur crainte : que leurs enfants perdent tout sens de Dieu
Autre sujet sur lequel « ça a coincé » : le baptême des enfants, qui signifiait pour Nasser « leur entrée dans la communauté des chrétiens ». Muriel en a « fait son deuil », comme elle a accepté que la croix offerte à Majda par sa mère ne soit pas accrochée à côté du lit de la petite fille, mais posée sur une étagère.

Les fêtes nécessitent également des « ajustements ». L’an dernier, pour Noël, Nasser a accepté que Muriel installe un calendrier de l’Avent et une crèche, devant laquelle elle priait parfois avec Majda. De son côté, Muriel permet volontiers à Nasser d’expliquer aux enfants le sens du jeûne du Ramadan et propose de fêter l’Aïd en famille.

Dorénavant, Muriel et Nasser, soucieux d’élever leurs enfants dans un climat de foi respectueux de la fidélité religieuse de l’autre, partagent une même crainte : qu’en grandissant, Majda et Tarek, écartelés entre leurs parents, cherchent à concilier l’inconciliable dans une sorte de syncrétisme religieux – ou, plus grave, qu’ils perdent toute confiance en Dieu, voire tout sens de Dieu.

Pour l’heure, ils tâtonnent. Récemment, le désir de Muriel d’organiser avec le Groupe des foyers islamo-chrétiens (GFIC) un éveil à la foi pour les petits a suscité une nouvelle réflexion. Persuadé que ce serait « un échec » pour eux s’ils ne transmettaient rien à leurs enfants, Nasser est allé jusqu’à dire qu’il préférerait une « orientation chrétienne » plutôt que rien.

"On transmet d’abord ce qu’on est… "
Pour autant, rien n’est tranché. « Certains couples islamo-chrétiens ont fait, avant de se marier, une sorte d’inventaire des questions qu’ils auraient à résoudre », constatent Muriel et Nasser, toujours engagés dans le GFIC qui constitue pour eux un lieu – « parfois éprouvant » – de réflexion et d’échange d’expériences.

« Pour notre part, les vraies questions, nous ne les avions pas envisagées. Nous devons les résoudre au fur et à mesure, pas avec des théories, mais au quotidien, dans notre vie. Et cela se passe plutôt bien. Avec beaucoup d’amour et de volonté, nous trouvons toujours une solution. »

Reste que le défi à relever est de taille. « Le manque de temps, la crainte d’affrontements inutiles, la conscience que reste enfouie en nous l’idée que notre religion est la meilleure, tout cela fait que nous sommes tentés de remettre à plus tard les discussions qui s’imposent », reconnaît Muriel, avant d’ajouter, fragile et déterminée : « Nous sommes encore au début d’un chemin qui nous oblige à nous recentrer sur l’essentiel et à transcender nos différences. »

Nasser poursuit, posé, rassurant : « Si nous avons des idées différentes sur Dieu, nous pouvons reconnaître ce que nous avons en commun, une relation personnelle à Dieu, des valeurs morales. Je ne m’inquiète pas. On transmet d’abord ce qu’on est… »

Martine DE SAUTO

*=*=*=**=*=*=*=*==*=*=*=*=*=*=*=*=*=*


14/10/2008
Salma , musulmane émancipée en Grande-Bretagne
diaologueislamochretien2_fichiers/salma.jpg

Comme sa famille, Salma se revendique comme britannique, occidentale aux origines asiatiques, de gauche et pratiquante

Le jour où, à 18 ans, Salma Yaqoob a décidé de revêtir le foulard, ses parents, d’honorables Pakistanais installés en Grande-Bretagne depuis les années 1960, se sont inquiétés. Sa mère devait-elle se sentir coupable de ne pas le porter ? Devaient-ils voir dans la décision de leur fille un changement radical envers la religion ? « Il a fallu que je les rassure, se souvient Salma . Je voulais qu’ils comprennent que pour moi, le hidjab est une affirmation, une façon de dire que mon corps m’appartient. Mais le port du hidjab doit être libre, pas imposé comme en Iran ou en Arabie saoudite. »

Les parents n’étaient pas au bout des surprises avec leur fille. « J’ai toujours été une enfant rebelle. À la maison, on parlait religion. Nous avions des coutumes que l’on assimilait à des pratiques religieuses, comme le fait que les hommes mangent avant les femmes. Mes cousines étaient mariées à l’âge de 16 ans, avec des hommes choisis par leurs parents. Cela me dérangeait. Je ne comprenais pas qu’il y ait deux poids deux mesures entre un homme et une femme. À mes yeux, cela n’était pas juste. J’en voulais à la religion musulmane qui consacrait ces différences. Je pensais qu’elle donnait un chèque en blanc à tous ceux qui estimaient que les femmes étaient inférieures aux hommes. »

Salma a soif de comprendre. Elle s’informe sur d’autres religions (judaïsme, hindouisme, bouddhisme, christianisme), s’intéresse à la théologie de la libération, au message de Martin Luther King. « J’ai rencontré des prêtres, j’ai beaucoup lu sur les camps de concentration, me demandant pourquoi Dieu n’était pas intervenu pour empêcher ça. Je m’interrogeais beaucoup sur ma foi. »

"Le Coran prône l’égalité entre hommes et femmes"
Vers 18 ans, la jeune Pakistanaise se plonge dans une traduction du Coran – celui-ci étant écrit en arabe, les musulmans non arabophones ne peuvent le comprendre. « J’ai compris que, contrairement à nos pratiques, le Coran prône l’égalité entre hommes et femmes. Je m’attendais à y lire des choses plus extrêmes. En fait, Dieu est miséricorde, il pardonne. Dans le Coran, il est dit que l’on est comptable de ce que l’on fait. Tout cela était beaucoup plus en accord avec ce que je recherchais dans la religion. »

Sa sœur et elle sont les deux premières femmes de la famille à avoir fait des études universitaires. « On s’est battues pour ça. J’ai dû convaincre mon père que le Prophète voulait qu’hommes et femmes soient éduqués. Et lui prouver que rien dans le Coran ne dit le contraire. » Diplômée en psychothérapie, Salma se marie à 24 ans avec un médecin d’origine pakistanaise comme elle.

Une nouvelle entorse à la tradition, qui veut que l’on se marie au sein de la famille élargie. Salma , tout comme sa famille, se revendique comme britannique, occidentale avec des origines asiatiques, de gauche et pratiquante : « une identité multiple ». « Nous avons fêté l’Aïd (NDLR : qui marque la fin du Ramadan), nous avons mangé de la nourriture pakistanaise, comme il se doit, mais aussi chinoise et italienne ! »

Militante anti-guerre
Salma et son mari ont trois garçons de 5, 10 et 12 ans. « Ils vont à l’école publique, parce qu’il y a davantage de mixité que dans le privé. » Avec son mari, leur langue commune est l’anglais, c’est aussi la langue de leurs enfants, qui ne parlent pas l’ourdou, la langue officielle du Pakistan. Comme toutes les mères du monde, elle est soucieuse quand elle pense à l’avenir de ses enfants. « Je redoute cette société dominée par la consommation, où seules comptent les apparences. » « Je voudrais que mes enfants retiennent l’importance de l’harmonie, de la tolérance, du respect pour la communauté. Je voudrais aussi qu’ils soient fiers d’être musulmans. Mais ils ne m’appartiennent pas, je ne peux pas être sûre que c’est la voie qu’ils suivront. »

Cette militante anti-guerre s’est, avec l’accord de son mari, engagée en politique et a été élue en 2006 conseillère municipale à Birmingham. La campagne électorale était redoutable, provoquant des oppositions au sein de sa propre communauté, comme à l’extérieur. Son père et son mari ont reçu des menaces. Mais aujourd’hui, Salma est la première et seule femme portant le hidjab au conseil municipal : « Une mini-révolution. » Une victoire ? « À condition, dit-elle, que l’on me considère comme la représentante de tous, et non des musulmans. »

Tout irait pour le mieux si les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, puis ceux du 7 juillet 2005 à Londres – ceux-ci impliquaient des Pakistanais nés en Angleterre – n’avaient ébranlé la confiance entre la population musulmane et le reste de la société britannique. « Depuis, nous les musulmans, nous nous sentons sous forte pression. On a le sentiment d’être assiégés. Cette pression est encore accentuée par la guerre en Irak et en Afghanistan. Certains d’entre nous ont peur, d’autres sont en colère. Ces attentats étaient immoraux, anti-islamiques et politiquement irresponsables, puisqu’ils jetaient le discrédit sur toute une communauté. »

"Bâtir des ponts"
Salma a réagi en organisant une marche pour condamner les attentats. « Nous étions unis dans la peine. Parce que je crois en l’humanité, dans la solidarité, il fallait bâtir des ponts, parler haut et fort, sans quoi on allait penser que nous approuvions. Communiquer était indispensable. » Mais la confiance a été ébranlée. Cela a laissé des traces. « Il y a ce sentiment que les musulmans sont une menace culturelle, physique. Qu’ils sont l’ennemi. Il nous faut nous battre contre cette image répandue parmi une majorité de la population. Si nous critiquons le gouvernement, nous sommes vus comme des traîtres. La pression est plus forte pour que nous montrions notre loyauté. »

Et pourtant, la jeune femme continue à penser que le multiculturalisme existe en Grande-Bretagne, qu’« il y a toujours un espace de respiration ». « En tant que musulmane, je m’y sens plus à l’aise que dans d’autres pays qui sont musulmans. Ici, j’ai le droit de pratiquer ma religion, je peux voter, l’éducation est libre, il y a un système de santé, une justice, on s’occupe des gens vulnérables… En Arabie saoudite, il faudrait que je me batte pour mes droits. Ici, il y a un espace dans lequel nous nous sentons égaux. Mais il est menacé par les conflits extérieurs. » Alors, comme un nouveau défi, Salma se présentera aux prochaines élections législatives pour le Parlement britannique.
Agnès ROTIVEL, à Birmingham


*=*=*=**=*=*=*=*==*=*=*=*=*=*=*=*=*=*

15/10/2008
Leïla et Zoubida, « petites reines » d’une famille nombreuse
diaologueislamochretien2_fichiers/leila.jpg

L’islam, assorti de son rituel, tient une place prépondérante dans la vie de ces deux femmes d’origine marocaine qui, avec toute une famille, habitent dans une cité de la grande banlieue parisienne

Avant de sortir de la pharmacie où elle travaille comme préparatrice, Leïla ajuste soigneusement son foulard noir sur ses cheveux, par-dessus une tunique à manches longues et un pantalon sombres. « Tout le monde sait que je porte le voile, mais je l’enlève pour travailler, par respect pour ma patronne et les clients. Je sais bien que ce ne serait pas possible. »

La jeune femme quitte sans déplaisir les beaux quartiers parisiens pour rejoindre Les Mureaux, la cité des Yvelines où elle habite chez son frère, avec sa belle-sœur et leurs enfants, près d’autres parents et parmi une importante communauté marocaine : « Ici, il y a plus de gens comme moi ! » Et de fait, se croisent au pied des immeubles femmes voilées ou « en cheveux », jeans ou djellabas.

Leïla, 22 ans, a grandi à Lens, avec ses parents et ses sept frères et sœurs. À 19 ans, elle a retrouvé le chemin de la mosquée et la foi, comme une « illumination » : « Dieu guide qui il veut, il égare qui il veut. Je suis née musulmane. Maintenant je me sens guidée. Beaucoup confondent tradition et religion : je pense que les jeunes sont plus religieux que nos parents. » Depuis quatre mois, elle est mariée à Rachid, chauffeur-livreur de 25 ans, à la double nationalité, comme elle.

"Pour lui, épouser une bonne musulmane est une garantie"
Religieusement seulement : l’imam a récité des versets du Coran, et rappelé devant leurs témoins les droits et devoirs des époux. La dot (2 000 €) a été versée par Rachid au père de Leïla, qui a aussitôt redonné cette somme à sa fille, pour son usage personnel exclusivement. Et tout le monde a partagé un repas pour officialiser leur prochaine union, en attendant la grande fête où l’on invitera amis et famille.

« Jamais je ne me serais mariée aussi jeune sans la religion. Cela nous a rapprochés, et a donné confiance à mon mari. Pour lui, épouser une bonne musulmane est une garantie. » Si Leïla ne vit pas encore avec son époux, c’est qu’elle ne veut pas s’installer chez les parents de Rachid : « On avait presque trouvé un appartement, mais la propriétaire a changé d’avis en me voyant voilée », déplore-t-elle.

La cohabitation semble facile avec Zoubida , 28 ans, la femme de son frère, qui raconte : « Je suis née au Maroc. Après le mariage au pays, on est allés habiter chez ma belle-mère, dans le nord de la France. Et maintenant ici, aux Mureaux, depuis la naissance du dernier. » Autour d’elle, Yacine, Walid, Amine et Mehdi, âgés de 10 à 5 ans, reçoivent une éducation religieuse : « Leur papy les emmène à la mosquée. Je leur dis qu’il ne faut pas mentir, pas voler, mais prier. Ce sont des garçons : ils commenceront à faire le Ramadan quand ils auront 13 ou 14 ans », assure Zoubida.

Souci d'éducation
Leïla aussi porte ce souci d’éducation : « Il y a plein de choses qu’il faut inculquer aux petits enfants, on les oblige au début et ensuite ils le feront naturellement, par exemple invoquer et remercier Dieu avant le repas, “Bismillah !”. L’école ne donne pas tout ça, et il y a de mauvaises fréquentations… »

La mère de famille, qui reste à la maison pour s’occuper des enfants et porte aussi le voile – « Je l’ai mis quand je suis venue en France » – fait sa prière aussi souvent qu’elle le peut, mais ne va pas à la mosquée : « Au Maroc, oui. Mais mon mari me dit qu’ici, c’est mieux de prier à la maison. Je parle aux voisines, mais c’est dur sans ma famille, ils me manquent. »

Leïla, au contraire, revendique sa liberté : « Je fréquente beaucoup la mosquée que j’ai choisie, parce que l’imam fait des discours intéressants. J’y vais pour la grande prière des femmes le vendredi, et tous les soirs pendant le Ramadan. Les hommes et les femmes prient chacun de leur côté : c’est seuls que Dieu nous jugera ! Pour moi, c’est un chemin : je fais les prières et j’apprends ainsi à mieux prier. Je lis le Coran et des livres, je mets le voile parce que c’est une incitation à bien me comporter. On doit donner envie de se convertir ! Il y a des idées fausses : pour beaucoup, le voile signifie femme battue et enfermée chez elle. Au contraire, il n’y a pas de religion où la femme est aussi bien traitée que dans l’islam, c’est la petite reine, le bijou de son mari, elle ne doit manquer de rien, à condition de rester fidèle et sincère. »

"L’idéal, ce serait l’Arabie saoudite..."
En ce mois d’octobre, la famille vient de fêter la fin du Ramadan : « La prière, c’est personnel. Mais le Ramadan, c’est la base de la religion, tout le monde le fait. Si on voyait quelqu’un se mettre à manger pendant la journée, il se sentirait vraiment mal. Pour moi, ce n’est pas dur. C’est un temps merveilleux, béni, où quelque chose descend sur les corps et les esprits. Le matin, on se lève avant l’aube, et le soir on se rassemble pour “couper le jeûne”. Chacun a à cœur de cuisiner de bonnes choses, de partager avec les voisins. À la mosquée, on fait beaucoup de cadeaux pour les pauvres, il y a des nuits de prière, une ambiance spéciale. Cette année, pendant la “nuit du destin”, celle où le Coran a été donné, j’ai assisté à la conversion de huit Français : les hommes, après avoir attesté de leur foi, se serraient dans les bras, c’était très émouvant », poursuit Leïla.

Le regret de son couple ? Ne pouvoir observer complètement sa religion en France. « On ne peut pas faire les cinq prières quand on est au travail, il faut rattraper le soir. Et puis, entre collègues, on juge, on dit du mal des gens, ce qui n’est pas permis. Alors la foi diminue. » Ils envisagent de revenir au Maroc, « mais même là, c’est devenu francisé, libertin… » Où, alors ? « L’idéal, ce serait l’Arabie saoudite. Mais je ne suis pas sûre de pouvoir y vivre ! »

La jeune femme offre alors un sourire charmant – selon un hadith (parole du Prophète), ce que l’on doit donner en premier, c’est le sourire : « Quand je me promène avec ma grande robe et le foulard, je vois bien les regards sur moi, l’incompréhension et la peur. Ça me fait mal au cœur, et je voudrais leur dire que les terroristes, le 11-Septembre et tout ça, cela n’a rien à voir avec nous ! »
Guillemette de LA BORIE
*=*=*=**=*=*=*=*==*=*=*=*=*=*=*=*=*=*diaologueislamochretien1_fichiers/boutonhaut.jpg

16/10/2008
Huseyin, un Allemand resté musulman
diaologueislamochretien2_fichiers/huseyin.jpg

Huseyin , un Allemand resté musulman. Installée de longue date à Berlin, la famille Bozkurt a su s’insérer dans la société allemande, sans renoncer à l’islam ni à ses traditions turques

Jusqu’au bout, son père se sera rêvé au volant d’un tracteur. Jusqu’au bout, il aura caressé le projet d’un retour sur sa terre natale, d’un retour à la terre, sur cette exploitation qu’il avait quittée « pour cinq ans maximum », le temps d’amasser un peu d’argent. Huseyin Bozkurt s’en amuse encore. S’en émeut encore. Son père, arrivé à Berlin en 1969, y est mort trente et un ans plus tard. Et s’il est rentré définitivement dans son village d’Anatolie, c’est au fond d’un cercueil, pour y être enseveli. « Jamais il ne s’est senti chez lui ici », se souvient Huseyin , penché sur son verre de thé.

Longtemps, lui aussi s’est senti étranger dans cette ville qui, à son arrivée en 1973, lui semblait « si grande ». Huseyin , alors âgé de 13 ans, ne connaissait pas un mot d’allemand. De quoi attiser sa nostalgie, en partie surmontée un an plus tard, une fois le regroupement familial achevé. Le gouvernement ouest-allemand, qui avait fait venir de Turquie des centaines de milliers de Gastarbeiter (littéralement « travailleurs invités », ou travailleurs immigrés), avait choisi de scolariser nombre de leurs enfants dans des écoles où l’on parlait turc, où l’on enseignait l’histoire de la Turquie, où l’on se contentait d’apprendre la langue de Goethe quelques heures par semaine… Une langue que le jeune Huseyin s’était vraiment appropriée en jouant avec ses voisins allemands, avant d’entamer une formation de maçon, puis de passer son bac et de décrocher un diplôme d’ingénieur.

« L’État cherchait de la main-d’œuvre. Mais ce sont des hommes qui sont venus », commente Huseyin . Son père, qui passait ses nuits à nettoyer les quais du métro, avait beau l’inciter à « apprendre vite, pour pouvoir rentrer au plus tôt en Turquie », l’étudiant savait, en son for intérieur, que ces valises restées prêtes à l’emploi, au sommet des armoires, ne serviraient plus désormais que pour les vacances.

« L’assimilation est un crime contre l’humanité ».
Après avoir travaillé pendant dix-huit ans au service de diverses entreprises, Huseyin a fondé un bureau en ingénierie du bâtiment, en partenariat avec Achim, un ami allemand – « mieux qu’un frère » – qui avait partagé avec lui l’essentiel de son cursus de formation. Et quand Nevin, l’aînée des deux enfants, a soufflé sa cinquième bougie, la famille Bozkurt a quitté Kreuzberg, le quartier turc de Berlin, pour s’installer à quelques kilomètres de là, à Tempelhof, dans un confortable appartement qu’elle habite aujourd’hui encore. Nevin comme son frère Beyhan ont fréquenté le jardin d’enfants protestant. « Le pasteur, surpris, m’a demandé pourquoi nous avions fait ce choix. Je lui ai répondu par l’interrogation : transmettez-vous aux enfants quoi que ce soit qui puisse nuire à leur avenir ? », se souvient Huseyin .

Pas question pour autant d’enfouir ses racines. Huseyin, secrétaire général d’une structure qui chapeaute la cinquantaine d’associations turques de Berlin, partage le point de vue de Recep Tayyip Erdogan. En février dernier, le premier ministre turc avait provoqué une vive polémique en déclarant, lors d’un meeting à Cologne, que « l’assimilation est un crime contre l’humanité ». « S’intégrer, bien sûr, mais pas au prix d’une perte d’identité, paraphrase Huseyin . Je ne vois pas pourquoi une avocate qui a un passeport allemand et paie ses impôts en Allemagne ne serait pas intégrée au motif qu’elle porte le voile ! »

Nevin, sa fille, a choisi, elle, de ne pas couvrir sa tête. « Je m’étais dit que je le ferais peut-être après avoir bien étudié l’islam. Mais je me suis habituée à mon image sans voile », confie cette étudiante en commerce international. Seule la mère, Zeynep, a conservé ce voile qui la conforte dans son statut de garante des traditions.

"Le fossé culturel, tôt ou tard, met le couple en péril"
Cette femme au regard caressant, Huseyin l’a ramenée de son village natal. « Nous nous fréquentions sur les bancs de l’école. Très tôt, nous nous sommes promis le mariage », raconte-t-il. Assise à ses côtés, Zeynep confirme d’un hochement de tête. Intimidée par les déclinaisons de la grammaire d’outre-Rhin, cette couturière de formation comprend l’allemand mais ne le parle pas vraiment, malgré le cours suivi il y a une dizaine d’années. « C’est un sujet de dispute entre nous », avoue son mari, qui s’empresse cependant d’ajouter : « Mon épouse est bien plus qu’une femme au foyer. Dans le quartier, elle joue le rôle officieux d’assistante sociale ! Au moindre problème avec le mari ou les petits, on sollicite son écoute et ses conseils. »

Nevin devra-t-elle à son tour « importer » un mari ? « Je ne le conseillerais qu’aux personnes nées elles-mêmes en Turquie. Car le fossé culturel, tôt ou tard, met le couple en péril », estime Huseyin . Pas question non plus d’envisager pour sa fille un mariage « arrangé », une réalité « beaucoup moins courante qu’on ne le croit ». Pour autant, Huseyin et sa femme préféreraient, « dans l’idéal », voir leurs enfants se marier au sein de la communauté turque. Nevin, elle, s’en accommode. « À travers les époux, ce sont aussi deux familles qui se marient », dit-elle.

Et puis, il y a « la question de la religion », comme vient le souligner, pendant notre discussion, le déclenchement d’un réveil peu ordinaire, qui diffuse cinq fois par jour l’appel à la prière. Huseyin , sa femme et sa fille respectent ces rendez-vous rituels. Beyhan, lui, se contente de la prière du matin, et il ne jeûne qu’un jour sur deux en moyenne durant le Ramadan, « pour pouvoir continuer à pratiquer le basket ».

Ethique
« Trop souvent, on se focalise sur le respect des “cinq piliers”, mais l’islam est là aussi pour nous aider à vivre en société », commente son père. Qu’il s’agisse de partager le mouton avec les voisins allemands au moment de l’Aïd, ou d’aborder les affaires avec une certaine éthique. Une éthique qui, « cela dit, est semblable à celle de mon associé chrétien », souligne-t-il.

Depuis quelques années, tous les membres de la famille Bozkurt possèdent un passeport allemand. Les formulaires de demande de nationalité, avoue cependant Huseyin, sont restés plusieurs années dans un tiroir. « Physiquement, nous ne ressemblerons jamais à des Allemands », souffle-t-il, évoquant entre rire et amertume la mésaventure vécue récemment par son frère, lui aussi berlinois depuis plus de trente ans. Par mégarde, celui-ci s’est engagé avec son véhicule dans une voie privée. Un piéton l’a aussitôt interpellé : « Le code de la route s’applique aussi aux étrangers ! »
Denis PEIRON, à Berlin



*=*=*=**=*=*=*=*==*=*=*=*=*=*=*=*=*=*

19/10/2008
Regain de pratique religieuse chez les musulmans de France
diaologueislamochretien2_fichiers/regainpratik.jpg

Les estimations situent le nombre de musulmans vivant en France à l’intérieur d’une fourchette allant de 3,5 à 5 millions de personnes

La présence de l’islam en France est ancienne. Certains musulmans venus de l’empire colonial, combattants de la Première Guerre mondiale, sont restés en métropole dans l’entre-deux-guerres. Cette période est aussi celle d’une première immigration de musulmans venus notamment d’Afrique du Nord.

En 1936, on recense 84 000 Nord-Africains, essentiellement musulmans, en métropole. Les Trente Glorieuses donnent une impulsion décisive à l’immigration en provenance du Maghreb. En 1968, on recense 610 076 immigrés de cette provenance en France. Leur pratique religieuse est privée, intériorisée, parfois honteuse.

Un nouveau virage s’amorce à la fin des années 60 et se poursuit durant la décennie suivante. Le regroupement familial prend le relais de l’immigration économique, interdite à partir de 1974 en raison de la crise économique. C’est la fin du modèle migratoire où les immigrés, célibataires, rentraient le temps venu définitivement au pays et étaient remplacés par une nouvelle génération. Dès lors que la France n’est plus un lieu de passage mais un pays d’accueil définitif, les musulmans vont progressivement y affirmer leur identité.

Combien de musulmans ?
Les estimations situent le nombre de musulmans vivant en France à l’intérieur d’une fourchette allant de 3,5 à 5 millions de personnes. Parmi eux, il faut distinguer les musulmans de nationalité française, qui appartiennent essentiellement à trois groupes : les Français musulmans, rapatriés d’Algérie en 1962 ou vivant dans les départements et territoires d’outre-mer ; les convertis, évalués depuis une quinzaine d’années à 40 000 personnes ; enfin, les jeunes de la seconde génération, nés en France. Quant aux musulmans de nationalité étrangère, ils se répartissent notamment entre Maghrébins (formant la majorité des musulmans de France), Turcs (d’immigration plus récente), Africains noirs (en majorité venant du Mali et du Sénégal) et Asiatiques (Pakistanais, Indiens, Indonésiens). Il faut ajouter les étrangers en situation irrégulière.

Où sont-ils ?
La carte de répartition des lieux de culte, recensés pour les élections du Conseil français du culte musulman (CFCM), confirme les chiffres publiés en 2000 par La Documentation française dans L’Islam en France. Les musulmans se trouvent principalement en Île-de-France (35 %), en région Paca (20 %), en Rhône-Alpes (15 %) et dans le Nord (10 %). Ils sont surreprésentés en Alsace (3,4 %), en Île-de-France (3 %), en Rhône Alpes (2,7 %), en Paca (2,2 %), en Franche-Comté (1 %), Languedoc-Roussillon (1,8 %) et dans le Nord-Pas-de-Calais (1,7 %).

Quelle pratique ?
Les enquêtes et sondages révèlent un regain de la pratique religieuse musulmane en France, après une légère stagnation. La fréquentation des mosquées et salles de prière reste une affaire d’hommes (26 % des hommes, contre 8 % des femmes). Celles-ci semblent en revanche un peu plus assidues à la prière quotidienne (35 %, contre 32 % des hommes). Les musulmans les plus pratiquants sont en majorité originaires d’Afrique subsaharienne ; on trouve ensuite les Marocains, les Turcs et les Tunisiens. Le jeûne du Ramadan reste le marqueur identitaire par excellence de l’identité islamique ; sa pratique est en nette hausse. Les plus nombreux à respecter intégralement le jeûne sont les plus de 55 ans et les moins de 24 ans.

Les courants
On distingue généralement l’islam « modéré » d’un islam « intégriste » ou « fondamentaliste », le premier réputé paisible, soucieux de la laïcité et désireux de se fondre dans la société, quand le second serait prêt à en découdre avec les institutions. La réalité est plus complexe.

Les musulmans ayant une pratique « familiale », faite de traditions propres à chaque pays (sur fond d’école malékite, par exemple, pour les Maghrébins et les Africains subsahéliens), sont toujours bien présents. Mais d’autres courants se sont implantés en France, déterminant des typologies de pratiquants différentes.

Certains se réclament du courant « réformiste », incarné par les Frères musulmans et par l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), et revendiquent un égal attachement à la citoyenneté et à la nationalité française. Profondément religieux, ils sont très engagés dans la société et donnent à l’acte de croire une implication résolument politique.

Le juridisme étroit attire aussi un nombre non négligeable d’adeptes. Le Tabligh, mouvement d’origine indo-pakistanaise qui propose un islam ritualisé et missionnaire et façonne des dévots piétistes, s’est ainsi implanté dans certains quartiers, où s’est également enraciné le salafisme, qui prétend incarner l’islam authentique.

À l’opposé, le soufisme, qui, jusqu’ici, était réservé à une élite spirituelle et optant pour la discrétion, se «démocratise» et attire de nouveaux venus à l’islam. Des musulmans qualifiés de libéraux ont par ailleurs une approche critique des sources de la foi, notamment de la dimension juridique de l’islam. Nombreux dans l’élite intellectuelle arabo-musulmane, ils entretiennent avec la religion une relation plus cérébrale que rituelle, privilégiant une lecture individualisée du texte coranique dont ils s’efforcent de réactualiser le sens.

L’« individualisation » du croire, telle que l’a analysée de manière générale Danièle Hervieu-Léger, concerne un certain nombre de musulmans qui construisent des modes de pratique variant au gré de leurs rencontres et de leurs lectures. Émerge également un courant musulman laïque.

À la marge de tous ces courants existent enfin des mouvements très minoritaires et marginaux, parmi lesquels des chiites, des kaplancis turcs ou encore des habacchites.

Martine DE SAUTO

Source : Les Musulmans en France, de Bernard Godard et Sylvie Taussig. Éd. Robert Laffont.

L’école apprend à maîtriser le « choc des sensibilités »    diaologueislamochretien1_fichiers/boutonhaut.jpg

diaologueislamochretien2_fichiers/ecole.jpg

Phénomène relativement marginal, des élèves invoquent une identité musulmane pour contester la parole des professeurs sur des sujets religieux ou scientifiques

Laurent se souviendra longtemps de sa première inspection, il y a cinq ans, dans un collège parisien. Ce jour-là, l’enseignant d’histoire-géographie devait faire cours sur l’histoire des Hébreux. Mais, dans le contexte de la « seconde Intifada », il s’avéra impossible pour lui d’aborder ce point du programme de sixième.

« Les élèves musulmans, majoritaires dans la classe, hurlaient. J’avais beau leur expliquer que pour respecter l’ordre chronologique, on aborderait d’abord les juifs, puis les chrétiens, puis les musulmans, rien n’y faisait. Je n’ai pas su reprendre le dessus », se souvient ce professeur, aujourd’hui en poste dans le Val-de-Marne.

Depuis, Laurent aborde la question de l’islam avec grande prudence. « J’explique d’emblée la différence entre la croyance, qui ne se discute pas, et l’histoire, qui se base sur des faits scientifiquement établis. » Mais cela ne suffit pas forcément.

Des crispations qui connaissent parfois des pics
« Un jour, alors que nous étudiions le monde musulman, j’ai sorti un exemplaire du Coran qui m’avait été offert par un ami. Un élève est alors intervenu : “Ce n’est pas possible, Monsieur. Vous êtes impur. Vous ne pouvez pas toucher le Coran !” Sous l’effet de la surprise, j’ai reposé ce livre, avant de me ressaisir et de poursuivre mon cours comme je l’avais prévu. »

Marginaux, les incidents de ce type surviennent essentiellement en cours d’histoire. « On met en doute la crédibilité du professeur qui parle de l’islam, ou bien on remet en cause l’enseignement de la Shoah en contestant le statut de victimes accordé aux juifs », note Laurent Wirth, doyen de l’inspection générale.

Des crispations qui connaissent parfois des pics, selon la situation au Proche-Orient ou la conjoncture générale. « Mais n’allez pas croire que les classes sont à feu et à sang », insiste Laurent Wirth, qui dit avoir vent de quelques dizaines de cas par an à l’échelle du pays.

Comme le souligne Nicolas Renard, principal d’un collège d’Asnières (Hauts-de-Seine), ces incidents « relèvent le plus souvent de la provocation ». Ce chef d’établissement se souvient ainsi d’un élève exclu pendant une semaine pour avoir, en cours d’histoire, contesté l’autorité de son enseignant, lui coupant la parole et « balançant au passage quelques slogans sur Ben Laden ».

Les conflits éclatent lors des débats sur la sexualité
Les crispations peuvent cependant se montrer plus profondes. Ce peut être le cas en sciences de la vie et de la terre (SVT), autre discipline théâtre d’incidents. « Depuis plusieurs années, régulièrement, des élèves interrogés sur la théorie de l’évolution glissent dans leur copie une formule du type : “Nous avons répondu ce que vous nous avez appris, mais nous n’y croyons pas” », indique Annie Mamecier. Cette doyenne de l’inspection générale en SVT organise d’ailleurs, les 13 et 14 novembre à Paris, un colloque intitulé « Enseigner l’évolution » pour aider formateurs et inspecteurs à réagir en pareils cas.

« Quand je parle d’ancêtres australopithèques, je vois bien que certains élèves de culture musulmane n’y croient pas », raconte pour sa part Pierre Vernex, enseignant de SVT en Seine-Saint-Denis. Mais c’est au cours de débats organisés, hors programme, autour de la sexualité que les conflits peuvent éclater : « Certains garçons, poursuit l’enseignant, considèrent que les filles n’ont pas à connaître le processus de reproduction et qu’elles n’ont pas à se prononcer sur la question… »

Si au sein de l’école publique, pareils incidents surviennent le plus souvent avec des élèves musulmans, c’est peut-être que les plus croyants d’entre eux – à l’inverse de catholiques traditionalistes ou de juifs ultra-orthodoxes – ne peuvent étudier dans les très rares établissements privés en phase avec leurs convictions. Barbara Lefebvre, professeur d’histoire-géographie en banlieue parisienne, y voit surtout une tentative de manipulation orchestrée par des groupes radicaux.

« Cela dit, cette manipulation a changé de forme depuis la loi de 2004 sur les signes religieux à l’école, qui a posé des limites claires : maintenant, elle passe plutôt par des mamans voilées qui, en accompagnant les sorties de classes par exemple, se rendent indispensables au fonctionnement de l’école », soutient cette responsable de la commission Éducation de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra).

«Ce n’est pas le choc des civilisations, mais des sensiblités»
Jean-Paul Willaime, directeur de l’Institut européen en sciences des religions (IESR, fondé par Régis Debray), livre une tout autre analyse : « Il y a souvent, parmi les musulmans de France, un sentiment de minorité culturelle, parfois renforcé par une précarité économique. Ils ont l’impression de ne pas être reconnus dans leur identité. D’où une certaine méfiance à l’égard de l’école. , mais plutôt celui des sensibilités. »

Pour ce sociologue, la façon dont on parle de religion à l’école, avec une exigence de démythification, heurtera toujours les tenants d’approches anhistoriques, traditionalistes. « Mais si les catholiques et les protestants ont largement intégré cette dimension scientifique à leur démarche de foi, les musulmans ont encore beaucoup à parcourir sur cette voie », estime-t-il.

Un point de vue que partage Fouzia Oukazi, professeur d’histoire dans l’Essonne. Cette musulmane pratiquante se dit « tout à fait à l’aise » avec les principes de laïcité. « L’approche historique, scientifique, des religions est une richesse pour le croyant », affirme-t-elle.

L’enseignante se souvient d’une sortie de classe à la bibliothèque de Massy pour visiter, questionnaire en main, une exposition sur la Bible, le Coran, les Évangiles. « Je leur ai parlé notamment du patrimoine chrétien, les incitant à pousser un jour la porte d’une cathédrale. Jamais je n’ai eu la moindre réaction négative. »

Denis PEIRON
diaologueislamochretien2_fichiers/boutongauche.jpgdiaologueislamochretien2_fichiers/dialogueislam.jpgdiaologueislamochretien1_fichiers/boutonhaut.jpgdiaologueislamochretien1_fichiers/boutondroit.jpg

diaologueislamochretien2_fichiers/lacroixcom.jpg
***************************************************************************
Amis du Diocèse du Sahara (ADS)
Accueil