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Amis du Diocèse du Sahara
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extrait du site Voix d'Afrique N°68

Le Serviteur du Dieu Clément


  François de Villaret est un des plus anciens missionnaires de la maison de retraite
de Billère, dans la banlieue de Pau.
Né en 1913, il a passé toute sa vie avec les nomades du Sahara.
Il nous a raconté ses souvenirs.
  

on pas est lent mais ferme ; dans son regard brille toujours quelques lueurs du désert ; l'allure rappelle celle des bédouins, les grands marcheurs du Sahara. François porte toujours la kachabiah de laine blanche à large encolure ; depuis plus de soixante ans il porte la barbe, et ce n'est pas parce qu'il a émigré au pied des Pyrénées qu'il va commencer à changer ses habitudes. Dans la maison de retraite de Billière, près de Pau, il arpente lentement les couloirs de la maison ou les allées du parc en se rappelant les tournées à travers les campements bédouins dans les dunes, les oueds et les pistes du désert.


La maison de Billère

Missionnaire
ou militaire ?

Il a de qui tenir : son grand père de Villaret était général pendant la 1ère guerre mondiale ; il avait déclaré : "Si François veut devenir prêtre, qu'il ne se croit pas obligé de faire St. Cyr pour me faire plaisir ; la vocation de prêtre est plus grande que la carrière militaire !" De fait, il y pense. Ses racines sont à la fois en Anjou et dans la région de Cahors ; il grandit dans un collège religieux à St. Nazaire, avec l'océan pour horizon. Il passe ses vacances dans le Quercy au milieu des bois et des champs vallonnés. Il sera prêtre, mais ailleurs, dans les grands espaces, là où chaque horizon renvoie sans cesse à d'autres horizons. François en a besoin. Il sera missionnaire. Après deux ans d'études littéraires à la Sorbonne, histoire de réfléchir en prenant quelques distances avec ce qui pourrait n'être qu'un rêve, il s'engage dans la formation de Missionnaire d'Afrique (Père Blanc). Ordonné prêtre en 1942, il est mobilisé comme aumônier, et ce n'est qu'en 1947 qu'il part pour le Sahara. Il s'est déjà familiarisé avec la culture et la langue arabe et n'a aucune peine à se trouver chez lui au milieu des nomades sahariens.

Aux portes du Sahara


En 1962 à Djelfah

Djelfah, la porte du désert, au pied du Grand Atlas, c'est le rendez-vous des tribus nomades. Il choisit d'être appelé Abderrahman, le serviteur du Dieu Clément. Pendant plus de cinquante ans, il rencontre les hommes du désert, partage leur vie, se lie d'amitié avec eux. Il les visite et les reçoit. Cela a commencé par le voisin , et puis, de proche en proche, il noue un immense réseau de relations. Il fait partie du paysage !

Des traces de vie
de 4000 ans


Algérie : Peintures rupestres des Hauts Plateaux

Les tournées dans les dunes, à travers les oueds et les collines l'amènent à découvrir dans les gorges et les cavernes les anciennes richesses du pays. Il y a 4000 ans, des hommes vivaient ici, chassaient et priaient les forces de la nature. Ils dessinaient et peignaient des fresques sur les murs de leurs cavernes. Quel message voulaient-ils transmettre ? Quelles espérances, quels désirs ? Peut-être voulaient-ils célébrer quelques victoires, s'assurer une chasse fructueuse, conjurer quelques sorts ou obtenir quelques protections ? François les explore, en fait le répertoire et les fait connaître aux spécialistes. Il ne cherche pas à interpréter : les mains ont tracé sur la pierre des grottes quelques messages avec l'argile, la chaux ou le charbon. Une sagesse et un courage de vivre intenses, la recherche d'un mystère, ont laissé un témoignage à travers les millénaires. Aujourd'hui les hommes du désert ont repris le flambeau : ce sont des chercheurs de Dieu.

Dans les mains
du Créateur d'Infini


En 1995

De dunes en oueds, de vallons en ruisseaux, le regard est porté vers l'infini. Les voyageurs se savent dans la main du Créateur, fidèle comme le soleil à chaque aurore, immense et proche comme les constellations qui rythment la nuit. Près d'un oued souvent asséché, un arbre à plongé ses racines : un imam l'a pris sous sa protection et a proclamé que personne ne devait y toucher : aujourd'hui c'est un bosquet qui reçoit les voyageurs et les berce dans son ombre et sa fraîcheur. Son nom est béni par tous les pèlerins des dunes.

Il voyage humblement dans une vieille et vaillante 2 CV.
à la "mission" on ne sait jamais quand il reviendra, ni dans quel état. Il ramène avec lui quelques puces ou punaises, souvenir des nuits passées sous la tente, là où l'eau est un luxe. Les crevaisons sont fréquentes. Ses confrères racontent comment il est revenu avec trois pneus sur quatre bourrés d'alfa : il n'avait plus de rustine pour les réparer, à moins que ce ne soit la pompe qui ait rendu l'âme !

Un compagnon
des bédouins

François passe d'un campement à l'autre. Partout il est connu et reçu comme un ami, un témoin de la clémence de Dieu. Sous la tente ou autour de l'humble foyer, il raconte les nouvelles, proches et lointaines. Il écoute la vie de ses hôtes. Il partage leur silence, comme dans une contemplation silencieuse. La prière est naturelle et le nom de Dieu vient spontanément dans les pensées et les conversations. La parole de Jean Baptiste revient souvent au cœur du missionnaire : "Qu'Il grandisse et que moi je diminue !" La vocation du Précurseur, n'est-ce pas cette attente, cette patience, cette recherche à travers chaque rencontre, au fil des jours et des nuits au milieu des compagnons fidèles .

"Qu'Il grandisse… !"


En 1993 à Alger avec Mgr Michel Gagnon, à gauche P F. Riquet petit frère de Jésus, neveu du Père René Voillaume

"Que ce soit Lui qui grandisse !" Le Seigneur a grandi dans la vie de François, depuis les jours de longues promenades dans les vallées du Lot ou le long des plages de St.Nazaire, les sombres heures de combats, jusqu'aux tournées au soleil du désert. Il a grandi chez les hommes du désert, les amis de François, Abderrahmane le Serviteur du Dieu Clément.
De sa chambre à la chapelle, de la table du repas communautaire aux allées sous les séquoias de Billère, le pèlerinage continue. Si vous passez par là, ne soyez pas surpris de voir sa silhouette blanche cheminer lentement ; dans son sourire, vous devinerez quelques rayons du soleil de Dieu.
Voix d’Afrique
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