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Amis du Diocèse du Sahara (ADS)

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Le drame de St Étienne du Rouvray (France)

Homélie du 31 juillet 216  du P. Claude Rault (Père Blanc),
Évêque du Sahara Algérien

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Edition du 26 juillet 2017...
A l'occasion du 1er anniversaire du décès du Père Jacques Hamel

ouvrage de Mohammed Nadim , originaire de Timimoun,

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Requiem pour le Père Jacques Hamel
LETTRES D'UN MUSULMAN
Préface de Mgr Lebrun, archevêque de Rouen
 In hamel_fichiers/lacroixtitre.jpg
      Sous le nom de Mohammed Nadim, un musulman franco-algérien adresse une série de lettres bouleversantes au Père Jacques Hamel, assassiné dans son église le 26 juillet 2016. ...

Un musulman adresse trente lettres au Père Hamel dans un livre

« Où sommes-nous mon père, où sommes-nous ? Qui ose dire où nous sommes ? » Depuis ce 26 avril et l’assassinat – en pleine messe – du Père Jacques Hamel par deux djihadistes au pied de l’autel de la petite église de Saint-Étienne du Rouvray (Seine-Maritime), Mohammed Nadim est éploré, impuissant http://www.la-croix.com/et révolté à la fois devant cette violence commise au nom d’une religion qui est aussi la sienne.

« On a l’impression par moments que nous avons perdu la clé de la seule maison qui s’élève encore parmi les ruines et que nous ne savons plus où aller, ni quelle direction prendre », avoue-t-il, accablé par « la folie » dans laquelle se sont fourvoyés Abdel Malik Petitjean et Adel Kermiche, âgés d’à peine 19 ans. « Ils sont venus avec un grand vide dans leur cœur et l’ont rempli du mieux qu’ils pouvaient en reproduisant l’acte qui a longtemps fermenté dans leur esprit, proclamant haut et fort aimer Dieu et son prophète. »

En une trentaine de lettres, parfois brèves, fulgurantes même, ce musulman pratiquant a choisi de confier son désarroi, sa colère, de partager aussi ses questions sur la foi, la vie, l’amour, le martyr, et la difficulté de vivre ensemble… « Admirable chemin spirituel qui n’est sans doute pas achevé », note Mgr Dominique Lebrun, archevêque de Rouen, dans sa belle préface.

Plongé dans « le noir le plus total »

On ne sait rien de « Mohammed Nadim » – un nom d’emprunt – sauf qu’il a rédigé ces missives l’hiver dernier depuis l’oasis de Timimoun, dans le Sud algérien, et qu’il connaît et fréquente l’Église, à travers ses écrits – saint Augustin –, ses martyrs – « Jerzy Popieluszko, assassiné en Pologne », Mgr Oscar Romero, « tué en pleine messe au Salvador », ou encore les sept moines cisterciens de Tibhirine, à la mémoire desquels l’auteur rêve d’élever « un hôpital » ou « un orphelinat (…), quelque chose qui accueille, qui abrite, qui protège, quelque chose qui leur ressemble ».

Intensément croyant en Dieu et en l’homme, Mohammed Nadim ne cache pas le « tumulte », le « noir le plus total » dans lequel l’a plongé l’événement, lui qui se refuse à reconnaître qu’il a « la même religion, la même lignée de pensée, la même définition de l’islam » que l’assassin…

« Tant d’idées que l’été enlace encore naissent dans mon esprit et prennent essor et que je tisonne en vain pour que le flux des mots soit plus ordonné, plus docile », écrit-il, rageur. « Car j’ai ce sentiment de révolte que je n’affectionne guère mais qui m’habite en même temps que cette crainte de ne pas faire le geste qu’il faut, de ne pas dire la phrase qu’il faut. »

«Un discours de paix si beau si généreux »

Mais il accepte d’être traversé par ces mouvements intérieurs contradictoires. Poétiques, ces méditations se font tour à tour prières d’intercession pour le Père Jacques Hamel et sa famille, demande de « pardon au nom des hommes et non au nom de (s)a religion », louange aussi pour tous ceux qui – au sein de l’Église notamment – restent capables « de tenir en de telles circonstances un discours de paix si beau si généreux ».

À ce prêtre âgé, frappé au soir de sa vie, après soixante ans de sacerdoce, et dont il sait qu’il a « déjà pardonné même à (son) assassin », l’auteur s’adresse comme à un frère : « Mon père, ne prêtez pas attention à cette histoire, ne changez rien à vos habitudes et laissez-vous envahir par de beaux rêves (…) Il croit avoir pris votre vie et il se peut qu’il ait souri au sang, il se peut… mais il y a longtemps, il y a des siècles, il y a mille ans, votre vie, vous l’aviez déjà donnée à vos frères, à l’Église et à Dieu. »

 in la Croix Anne-Bénédicte Hoffner, le 12/06/2017 à 12h30


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Edition du1er août 2016
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Le drame de St Étienne du Rouvray (France)

Homélie du 31 juillet du P. Claude Rault (Père Blanc),

Évêque du Sahara Algérien


Dans sa paroisse natale à Ducey (Manche)


Bien chers amis.

    Permettez-moi de m’écarter des lectures que nous venons d’entendre pour regarder avec vous l’actualité.

    Qui d’entre nous n’a pas d’une façon ou d’une autre ressenti douloureusement – voire même avec colère – l’assassinat du Père Jacques Hamel alors qu’il célébrait la messe dans l’église paroissiale de St Étienne du Rouvray ?

 La presse a relaté en détail ce tragique et odieux assassinat. Elle a aussi fait part de nombreux commentaires de personnalités politiques ou même religieuses, ce qui en soi est bien normal, à condition qu’ils ne visent pas une récupération trop facile.

    Devant de tels événements, il est toujours dangereux de tomber dans des raccourcis et des généralisations, des amalgames et des analyses qui ne sont pas loin du racisme ou de la discrimination.

    Les premiers atteints sont les familles directement touchées par cet attentat sans nom qui visait des personnes innocentes.

    Ce sont aussi les citoyens et citoyennes de cette petite cité apparemment sans histoire, là même où des chrétiens et des musulmans avaient décidé de faire un parcours ensemble, de se rencontrer au nom même de leur foi en Dieu, mais aussi au nom de leur humanité commune. C’est peut-être cela qui en a fait une cible potentielle.

                Quoi qu’il en soit, ce triste événement n’a fait que les rapprocher. S’ils partageaient la foi au même Dieu Unique et Miséricordieux, ils ont partagé la même douleur, la même souffrance devant cette tragédie.

Il est heureux aussi de voir des personnes qui ne partageaient pas leur foi, des membres de la société laïque – voire même athée – se mêler à eux pour partager leurs larmes au nom d’une vraie solidarité humaine.


        Le but de ceux qui, dans l’ombre, téléguident de telles atrocités, est bien sûr de « terroriser », de faire sombrer dans une peur qui n’est pas bonne conseillère.

Certains médias tombent dans le piège, celui des images qui tournent et tournent sur les écrans.

Des personnes politiques ou des personnalités influentes en profitent pour disséminer la haine, la vengeance, voir même le racisme à l’égard des musulmans.

Ils tombent dans le piège des commanditaires de ce type de meurtre dont le but est de diviser les communautés et notre société.

A nos responsables nationaux de trouver la parade la plus conforme aux lois républicaines et à une justice qui ne soit pas revancharde.

       
       
       Pour nous, chrétiens, il n’y a pas d’autre chemin que celui que nous trace Jésus.

Ce n’est pas le plus facile, et je me garderais bien de trop épiloguer là-dessus. Ce que je puis dire, c’est qu’il n’est pas du côté de la vengeance et de la haine qui ne pourraient qu’accentuer le cycle de la violence aveugle.

        Quand je regarde la riposte d’une bonne partie de la population de St Étienne du Rouvray, je me dis que l’attitude à adopter est bien dans cette direction, elle est la meilleure réponse au radicalisme d’où qu’il vienne.

        Vendredi dernier, la mosquée s’est ouverte pour que des citoyens, chrétiens ou non, puissent venir prier ou se recueillir.

Aujourd’hui, l’église paroissiale sera ouverte pour que des citoyens, musulmans ou non, puissent venir prier ou se recueillir.

Je retiens cet exemple.

Et bon nombre de lieux de cultes se sont ouverts pour la même démarche.

Avoir vécu plus de quarante ans comme chrétien, prêtre et maintenant évêque en Algérie, me fait dire une fois de plus que

 le meilleur remède au radicalisme d’où qu’il vienne et à la ségrégation raciale ou religieuse,

C’est la convivialité,

C’est l’amitié,

L’amour les uns des autres.

Jésus n’a pas pris d’autre chemin.

hamel_fichiers/cr130.jpg hamel_fichiers/bijousahara.jpg+Claude Rault. Évêque de Laghouat-Ghardaia (Algérie)

illustrations et mise en forme de la rédaction du site ADS
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Mgr Claude RAULT, qui prend du repos en France, a été atteint comme nous tous par le drame de Saint Étienne du Rouvray, tout proche du lieu de ses racines familiales. Il demande de faire parvenir l'homélie qu'il a prononcée hier dimanche dans sa paroisse natale.
Bonne écoute.
Fraternellement,
Marie, secrétariat évêché Laghouat-Ghardaïa

de la Rédaction du site 
Edition du 27 juillet 2016
de J.R, un des correspondants du site ADS,
in "la Croix"

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Le père Jacques HAMEL
Le message de paix du père Hamel
Le prêtre Jacques Hamel à l'église Sainte-Thérèse
 En 2009, il livrait un message d’amour et de paix pour le jour de Noël.

archives INA
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Mgr Pontier: « Aucun Dieu ne peut nous demander de nous entre-tuer »
Mgr Georges Pontier est archevêque de Marseille et président de la Conférence des évêques de France

Recueilli par Céline Hoyeau, à Cracovie, le 26/07/2016 à 15h54

Présent à Cracovie, aux Journées mondiales de la jeunesse, Mgr Georges Pontier, archevêque de Marseille et président de la Conférence des évêques de France, exprime sa « stupeur inimaginable » après l’assassinat du P. Jacques Hamel, près de Rouen, qui « discrédite ses auteurs quels qu’ils soient ».

La Croix: Quelle est votre réaction après l’assassinat du prêtre de Saint-Étienne du Rouvray?

Mgr Georges Pontier: Une stupeur inimaginable et une immense tristesse. Ce qui est étonnant, c’est qu’un tel acte a été commis non pas en ville, dans de grands rassemblements, mais dans un petit coin de campagne, une petite communauté chrétienne rassemblée le matin avec un prêtre de 85 ans, une poignée de fidèles autour de lui comme souvent aujourd’hui, qui célébraient l’eucharistie. Et ce geste diabolique d’égorger, et de séquestrer les autres… Cet acte atroce discrédite ses auteurs, quels qu’ils soient.

> Lire aussi: Que sait-on de l’attentat de Saint-Étienne-du-Rouvray?

Quelle réponse y apportez-vous?

Mgr. G.P.: Cet événement va donner à nos catéchèses devant les jeunes des JMJ un contenu réel. Nous ne sommes plus dans les idées: voilà dans quel état est notre pays, après les attentats de 2015, après Nice… Vous, les jeunes, dans quel camp allez-vous vous placer? Comment allez-vous prendre votre part dans ce dialogue avec l’autre?

Assassiner ne demande pas de courage, c’est de la folie. Mais il en faut du courage, pour bâtir la fraternité avec des gens différents de nous. C’est un chantier extraordinaire qui nous attend. Les générations précédentes ont eu à gérer des guerres. Nous voici confrontés à une nouvelle forme de guerre, jamais pratiquée chez nous.

Les chrétiens sont-ils une cible?

Mgr. G.P.: Oui, mais les musulmans aussi. Ils sont plus nombreux à être tués par Daech que nous. C’est l’homme qui est en danger. Car ils tuent pour tuer et faire peur. Tout ce qui est différent d’eux, ils veulent l’éliminer. Ce n’est pas un projet pour le monde.

Quelles sont vos attentes à l’égard des musulmans?

Mgr. G.P.: Qu’ils ne vivent pas dans la peur et dans la honte, mais nous aident à bien comprendre que ces actes ne sont pas compatibles avec l’islam, en le disant et en le vivant. Aucun Dieu qui a créé la vie ne peut nous demander de nous entre-tuer. Nous voulons marcher ensemble dans la confiance et le respect, construire des projets communs.

> Lire aussi: Saint-Etienne-du-Rouvray, la réaction des musulmans

Recueilli par Céline Hoyeau, à Cracovie

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de la rédaction du site ADS
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Ce que le père Jacques Hamel écrivait en juin dernier dans la lettre paroissiale
© Paroisse de Saint-Étienne-du-Rouvray

Nous republions ici un texte signé du père Jacques Hamel, dans la lettre paroissiale du mois de juin 2016. Un édito simple, paisible, qui tout en évoquant l'arrivée de l'été permet de saisir quel type de prêtre était l'homme de 86 ans, assassiné mardi 26 juillet à Saint-Étienne-du-Rouvray.
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« Le printemps a été plutôt frais. Si notre moral a été un peu en berne, patience, l’été va finir par arriver. Et aussi le temps des vacances.
        Les vacances, c’est un moment pour prendre de la distance avec nos occupations habituelles. Mais ce n’est pas une simple parenthèse. C’est un temps de détente, mais aussi de ressourcement, de rencontres, de partage, de convivialité.
     Un temps de ressourcement : Certains prendront quelques jours pour une retraite ou un pèlerinage. D’autres reliront l’Évangile, seul ou avec d’autres, comme une parole qui fait vivre l’aujourd’hui. D’autres pourront se ressourcer au grand livre de la création en admirant les paysages si différents et tellement magnifiques qui nous élèvent et nous parlent de Dieu.
     Puissions-nous en ces moments entendre l’invitation de Dieu à prendre soin de ce monde, à en faire, là où nous vivons, un monde plus chaleureux, plus humain, plus fraternel.
    Un temps de rencontre, avec des proches, des amis : Un moment pour prendre le temps de vivre quelque chose ensemble. Un moment pour être attentif aux autres, quels qu’ils sont.

    Un temps de partage : Partage de notre amitié, de notre joie. Partage de notre soutien aux enfants, montrant qu’ils comptent pour nous.
    Un temps de prière aussi : Attentifs à ce qui se passera dans notre monde à ce moment-là. Prions pour ceux qui en ont le plus besoin, pour la paix, pour un meilleur vivre ensemble.
    Ce sera encore l’année de la miséricorde. Faisons-nous un cœur attentif aux belles choses, à chacun et à ceux et celles qui risquent de se sentir un peu plus seuls.
    Que les vacances nous permettent de faire le plein de joie d’amitié et de ressourcement. Alors nous pourrons, mieux pourvus, reprendre la route ensemble.

Bonnes vacances à tous ! »
Père Jacques Hamel,
juin 2016

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IN MEMORIAM : l'abbé Pierre en "grandes Vacances".....
Ainsi aimait-il parler de son retour vers Dieu (lire in situ)
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 le père Hamel était un partisan du dialogue interreligieux
LE MONDE | 26.07.2016 à 21h07 • Mis à jour le 27.07.2016 à 12h27 | Par Etienne Banzet (Rouen, correspondant)

          Le père Jacques Hamel, assassiné mardi 26 juillet dans l’église du centre-ville de Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime), était installé depuis une dizaine d’années dans cette commune populaire de la métropole rouennaise où il exerçait les fonctions de prêtre auxiliaire auprès du curé de la paroisse. « Un homme gentil », a résumé le vicaire général du diocèse de Rouen, Philippe Maheut, lors de la messe célébrée mardi en fin d’après-midi à la cathédrale de Rouen.

         Jacques Hamel a passé toute sa vie dans les paroisses populaires du sud de l’agglomération de Rouen. Né en 1930, originaire de Darnétal, autre cité ouvrière, il avait été ordonné prêtre en 1958. Il avait exercé son dernier poste de curé de paroisse à Cléon, qu’il avait quitté fatigué, disait-on dans cette commune multiculturelle où se trouve l’usine Renault.

« Un grand acteur de solidarité et de générosité »
          Installé pour sa retraite à Saint-Etienne-du-Rouvray, il n’avait jamais voulu ralentir son activité, ne pouvant concevoir de ne pas rendre service à l’église, cette fois « sans les contraintes et lourdes responsabilités du curé de paroisse », se souvient Philippe Maheut.
   « Depuis, il semblait ne plus vieillir », glisse le vicaire général, qui a « appris » auprès de lui, dans ses premières années de sacerdoce.

A Saint-Etienne-du-Rouvray, le père Hamel avait notamment entretenu le dialogue interreligieux avec la communauté musulmane, installée à cinquante mètres de l’église Sainte-Thérèse, dans le quartier du Madrillet, où une mosquée a été construite sur un terrain cédé gracieusement par l’église catholique.
      Il était là en relation constante avec l’imam Mohamed Karabila, par ailleurs président du Conseil régional du culte musulman, qui s’est déclaré « abasourdi » par la nouvelle. « Tel que je le connaissais, je suis sûre qu’il leur a parlé », confie une de ses anciennes catéchumènes.

D’après les témoignages, les agresseurs l’auraient tué au moment où il terminait sa messe par la bénédiction. De l’autre côté de la rue, dans les couloirs de la mairie dirigée par le communiste Hubert Wulfranc, on salue « un grand acteur de solidarité et de générosité dans la ville ».

Etienne Banzet (Rouen, correspondant)
Journaliste au Monde
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ÉDITORIAL
En mémoire du père Hamel, témoin de la foi

JEAN-PIERRE DENIS, DIRECTEUR DE LA RÉDACTION
publié le 26/07/2016

        À Saint-Étienne-du-Rouvray, comme partout dans le monde, le bien ne fait pas de bruit. Peu d'entre nous auraient eu l'occasion d'entendre parler du père Jacques Hamel, s'il n'avait été égorgé alors qu'il célébrait la plus humble des messes, celle d'un mardi matin du temps ordinaire, dans une paroisse sans histoire.

        Ce prêtre né en 1930 avait depuis longtemps dépassé l'âge de la retraite, mais il tenait bon, vaille que vaille. Sur une photo comme on en trouve sur le site de tant de paroisses, tellement banale et soudain tellement emblématique, on le voit allumer encore une fois le cierge pascal, symbole de la victoire de la vie sur la mort. Avec une poignée de paroissiens assaillis avec lui – dont, à l'heure où j'écris, une personne grièvement blessée – le père Hamel incarne un peu ce christianisme des modestes. Une Église qui n'a pas lâché les milieux populaires. Une Église dont on ne parle jamais, mais vers laquelle beaucoup de Français savent pouvoir se tourner un jour, pour une naissance, un deuil, une écoute. Une Église qui, en effet, ne fait pas de bruit, qui ne revendique rien, qui ne donne aucune leçon, mais qui reste là. Fidèle. Évangélique.

          Cette Église parle de paix et d'amour dans un monde que hantent les marchands de mort. Serait-elle bébête, nunuche ou, selon le mot à la mode, « bisounours » ? Beaucoup, y compris parmi les chrétiens, voudraient que l'on crie vengeance. Tentation bien compréhensible, presque instinctive. De plus en plus souvent accusée de naïveté dans sa relation avec l'islam, voire d'aveuglement sur les causes du mal, l’institution catholique devra trouver les mots pour répondre. À Saint-Étienne-du-Rouvray, le modèle d'un christianisme du « vivre ensemble » est atteint, celui qui croit en la fraternité de tous les croyants et qui cherche à préserver le lien social dans des quartiers souvent délaissés par la puissance publique. Le gouvernement devra répondre de questions plus concrètes encore, et malheureusement légitimes. Il devient politiquement difficile de prétendre que l'on a tout fait et que l'on a tout essayé. Pourquoi, par exemple, l'un des deux assassins était-il en liberté conditionnelle quoique fiché « S » ?

         Mais il faut lutter sans haine, et c'est toute la différence. Le projet de Daech est de nous placer sous son emprise mentale et de susciter la guerre de tous contre tous, dont une nouvelle guerre des religions. Face à la barbarie d'inspiration djihadiste, la tentation de la violence mimétique affleure. Y résister, ce n'est pas être faible. C'est… résister, justement. Ne rien lâcher, y compris et surtout de nos valeurs, voilà le devoir de tout Français et le travail de tout chrétien.« Nous prêchons un messie crucifié » et c'est notre folie au yeux du monde, disait saint Paul.« Dieu ne partage pas notre haine » : j'ai retrouvé cette phrase de Desmond Tutu, l'évêque anglican qui lutta contre l'apartheid. De tout temps, de tout époque, jamais le fondement du christianisme n'a changé. « Ces ennemis aussi, nous devons les aimer », écrivait le pasteur alsacien Charles-Eugène Weiss, le 29 novembre 1943. Enrôlé de force par les nazis, Weiss fut tué peu après, à 21 ans, sur le front russe.

          Pour finir, on pense évidemment aux frères de Tibhirine et au succès du film Des hommes et des dieux. La fertilité des témoins de la foi est aussi mystérieuse qu'admirable. De la mort du père Hamel, tué alors qu'il faisait mémoire de la mort et de la résurrection du Christ, surgit la vie et, peut-être, une force nouvelle d'évangélisation. Son martyre, car c'en est un vrai, offre une prédication d'une totale limpidité : face au djihadisme, le devoir des chrétiens est de demeurer chrétiens, sans se tromper sur le sens de la foi. Même déchristianisée, même désorientée, même apeurée, la société française attend cela de nous. De nous, elle n'attend même que cela.
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