Bien chers amis,
Alors que nous sommes encore dans la lumière de Pâques, que d’événements dans notre
Diocèse, à la fois remplis de douleur et d’incertitude,
viennent provoquer notre Espérance ! Nous avons
vécu une Assemblée
Diocésaine chaleureuse, où s’est manifesté
un esprit de communion et de transparence à travers
célébrations et échanges. Nous y reviendrons. Le
soir même de la joyeuse clôture de cette rencontre, notre
frère Xavier de Beni Abbès nous était
enlevé dans un accident tragique. Vous trouverez en
supplément quelques réflexions sur cet « homme de
l’Evangile » dont se dévoile peu à peu la vie
donnée d’avance.
Le cours de la vie ne nous laissant jamais de répit, je viens de
participer à la « Commission
Mixte » où des évêques du Maghreb ont
rencontré à Paris une petite délégation
d’évêques des pays de l’Europe
méditerranéenne, notamment de France. Nous avons
échangé expériences et approches sur les questions
qui touchent les personnes en
migration. C’est sur ce dernier point que je voudrais
m’arrêter, vous livrant ce que je garde de nos partages.
C’est tout d’abord une question de langage assez
significatif. Au sud de la Méditerranée, nous parlons des
« migrants » et
au nord, c’est le terme d’« émigrés
» qui revient le plus souvent. Les migrants sont encore en route,
les émigrés, eux, sont arrivés au bout de leur
quête mais pas au bout de leur peine ! Nous nous sommes redit que
nous nous trouvons face à des
personnes dignes d’être respectées et traitées
comme telles. Il est souvent tragique de les voir définis
à partir de leur manque : « sans papiers », «
sans domicile fixe », comme si un document d’identité ou
un logement donnaient droit à un traitement plus humain !
Jésus n’a fait aucune distinction de cet ordre, lui qui disait
« ne pas avoir de pierre où reposer sa
tête » !
Un autre point qui retient notre attention, c’est le danger encouru de
voir migrants ou émigrés traités comme des
criminels. Si un certain nombre de migrants a pris l’option de partir
par goût de l’aventure, la plupart n’a fait ce choix que
forcé par une situation économique sans avenir et sans
issue. Nos pays sont en train de se doter d’une législation qui
peut pénaliser - ou qui pénalise déjà -
cette population qui a du mal à trouver sa place dans nos
sociétés. Et cette pénalisation peut menacer aussi
les personnes qui se mobilisent pour offrir plus de dignité
à celles à qui elle est refusée. C’est ce que l’on
appelle « délit de
solidarité », qui s’accorde bien mal disons-le,
avec notre devoir de charité : « Ce que vous n’avez pas
fait au plus petit d’entre les miens, à moi non plus vous ne
l’avez pas fait » disait encore Jésus. Cela vaut pour
toute personne en état de faiblesse, de maladie ou de
précarité. Le devoir le plus élémentaire de
charité et d’humanité deviendrait-il un délit ?
Devant ce rideau pénal qui risque de
criminaliser la solidarité, quelle analyse est faite sur les
causes en amont, de ce flux migratoire ? Et quelles solutions pour
endiguer cette hémorragie humaine des pays subsahariens ? Les
décideurs ne semblent pas montrer un zèle
démesuré pour se poser la question. Pourtant elle est
claire : permettre au Continent
Africain de se développer ! Nous entendons quelquefois
que ce serait faire le jeu de l’Occident, trop heureux de se voir
offrir sur un plateau une main d’œuvre et une matière grise
prêtes à l’emploi ! Il nous faut manier cet argument avec
discernement. Développer l’Afrique,
c’est aussi développer les personnes, leur permettre d’arriver
au plein épanouissement d’elles mêmes jusque dans leur
enracinement humain originel. Notre
Planète a besoin de l’Afrique pour être totalement
elle-même ! Enfin, ce que nous avons pu
partager, c’est la faiblesse de nos moyens mais la force de nos
convictions. La moindre chose que nous pouvons entreprendre dans le
soutien aux immigrés et aux migrants, dans la ligne de notre
vocation de chrétiens, est le signe que ces hommes et ces femmes
existent comme personnes à part entière, comme enfants de
Dieu. Comme tels, ils ont droit
à la dignité propre à toute personne humaine, et
ils ont leur part à offrir au bonheur de l’humanité.
+ Claude, votre frère
évêque
Nouvelles….
Pour rester proches
Vous avez été nombreux, très nombreux à
nous envoyer des messages de soutien ces dernières semaines
concernant le décès du
petit frère Xavier Habig. La communauté a
été bien évidement très touché par
vos intentions, ainsi que la famille de Xavier à qui nous avons
transféré vos emails. Nous
tenons à vous re-dire MERCI, pour votre soutien et vos
prières qui nous accompagnent, et qui apportent soutien et
réconfort à ses frères de Béni Abbès.
L’assemblée Diocésaine qui
s’est déroulée du 22 au 24 avril, a réuni une
soixantaine de diocésains. Pour tous, ce fût l’occasion
d’un beau rassemblement, de prières, de partages et de
fête. La nouvelle brutale de la mort du frère Xavier nous
a surpris alors que nous venions de clôturer cette rencontre,
cela a renforcé l’intensité avec laquelle nous avons
vécu ces jours de rencontre.
Le P. Ludo a eu l’occasion de
nous envoyer un email lors de l’Assemblée Diocésaine, il
récupère doucement de son opération et attend un
prochain rendez-vous pour envisager une date de retour dans le
diocèse. Nous lui souhaitons un bon rétablissement.
Le P. Le Clerc est en France
afin de subir des examens médicaux. Il est logé à
la maison des Pères Blancs rue Friant. Aux dernières
nouvelles, les résultats sont plutôt positifs. Il se
prépare à rejoindre El Meniaa, qu’il quittera
définitivement à la fin de juin. Sa future nomination est
entre les mains du Provincial du Maghreb.
Sr Lutgarde a dû quitter
momentanément El Meniaa pour
Blida, où elle a subi une opération, dont elle se remet
progressivement. Merci à Sr Georgine d’être venue
pour un temps la remplacer auprès de Sr Marie Ignace. Prompt
rétablissement à Sr Lutgarde.
La communauté de Tamanrasset
ainsi que celle de Ghardaïa viennent de vivre quelques jours avec Sr Carmen autour de la communication non violente. Sœur
Carmen est actuellement à Touggourt pour poursuivre son
enseignement !
Toute la communauté de Ghardaïa
remercie Magda et Augustin Jomier pour
les mois de présence vécus ensemble. Nous leur souhaitons
un bon retour chez eux, et espérons les revoir rapidement !
Le Pt Frère Zbyszek de
l’Assekrem est reparti en
Pologne pour quelques semaines. Nous espérons que les
Frères de sa fraternité d’origine le laisseront
revenir ! Il avait bon espoir puisqu’il est muni d’une carte de
résidence !
Sr Annya d’Ain Sefra a
maintenant regagné sa communauté. Elle était en
train d’étudier l’arabe avec Xavier à Béni
Abbès au moment de l’accident. Bienvenue dans ta
communauté.
Le Séjour des Srs de
l’Immacolata, Sr Rosilla, Supérieure
Générale et de Sr Serena, s’est très bien
déroulé. Elles ont été prises en charge par
la communauté des petites soeurs de Ouargla qui les ont
emmenées à Touggourt et surtout à Hassi Messaoud, où
l’implantation d’une nouvelle communauté devrait voir le jour
dans l’avenir.
Catherine Vincent, qui est
actuellement dans le camp sahraoui de
Smara, vient de perdre sa marraine. Prions pour elle et toute sa
famille.
Sr Thérèse St Jean,
SB et ancienne de Ghardaïa et de
Touggourt, vient de nous faire part du décès de sa
mère, âgées de 102 ans. Elle se recommande à
notre prière.
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Voici la lettre que notre
évêque a pu envoyer de Paris à l’occasion du
dernier A-Dieu à Xavier :
A tous mes
frères et sœurs de Beni Abbès, A sa famille. Aux amis,
A Xavier,
Bien chers tous et
bien chers toutes,
Me voici encore plus triste ce soir de ne pas pouvoir être parmi
vous pour partager ce temps fort de fraternité dans
l'accompagnement de notre Frère Xavier vers notre Dieu à
tous. Sa pensée m'a accompagné tout au long de ces jours
de rencontre assez intense à Paris. J'ai pu partager avec mes
frères évêques tout ce que Xavier était pour
nous, et nous avons prié pour lui. Je crois que maintenant,
c'est lui qui prie pour nous.
Ce que j'aimais en Xavier, et ce qui me fascinait le plus, c'est sa
radicalité, une radicalité qui le faisait souffrir et
qu'il portait comme une blessure : celle de ne pas être
assez à l'image de Jésus. Une radicalité qu'il
pouvait exiger pour les autres parce qu'il l'exigeait pour
lui-même. Cette distance entre ce qu'il aurait aimé
être et comment il se voyait aurait pu le faire
désespérer de lui-même, mais elle était pour
lui comme un tremplin qui le projetait toujours plus en avant.
Xavier était un homme de l'Eucharistie, de l'adoration, de la
célébration mais aussi un homme eucharistique dont la vie
était donnée d'avance. Ce lien de l'adoration, de la
célébration et de la vie était très fort.
Il aimait avec passion ses frères et sœurs de l'Islam,
spécialement les petits, les humbles, les enfants, les
vieillards, ceux qui sont sans puissance. Ses visites dans les familles
et sa façon d'accueillir étaient une façon de les
rejoindre au plus profond d'eux mêmes.
Sa passion de rejoindre l'autre en vérité l'avait
poussé à apprendre la langue arabe, dialectale et
classique. Il en connaissait les secrets et il aimait aussi avec
passion partager son savoir, mais avec beaucoup d'humilité et de
patience.
Il aimait aussi le désert, s'extasiait devant la beauté
des paysages, des dunes, des oueds en crue, mais il aimait surtout les
hommes et les femmes du désert, comme un reflet de la
beauté divine. Il n'était pas un romantique, mais un
contemplatif, ravi de cette beauté de la création qui
reflétait la beauté et la bonté de Dieu.
Xavier, tu vas nous manquer, et tu nous manques déjà.
Mais tu vas reposer là où tu as fait le don de
toi-même, à quelques pas de cette belle chapelle où
tu priais et où tu accueillais, où tu aimais partager ton
trésor : cet amour pour ce Jésus qui était ta
passion.
Repose en Paix, Xavier. Que Dieu t'accueille parmi les Bienheureux, et
qu'Il te comble à la mesure du désir que tu avais
d'être auprès de Lui.
Tu m'écrivais toujours au bas de tes lettres « Prie
pour moi ». Xavier, je te fais la même demande,
maintenant que tu es délivré de tout tourment :
« Prie pour moi. Prie pour nous ».
Repose en Paix et que Dieu t'accueille en son vaste Paradis, avec tous
les Bienheureux qui nous précèdent.
Ton frère en Jésus.
Votre frère à tous et
à toutes.
+ Claude