Amis du Diocèse du Sahara (ADS)
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edition du 8 juin  2018
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de la Rédaction du site ADS
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                          " Ces phénomènes de radicalisation qui nous font peur... "

avec P. Raphaël Deillon, délégué diocésain aux relations avec les musulmans à Marseille
extraits des conférences du lundi 14 mai 2018 à Grenoble - dans le cadre des cycleS des conférences CTM/MCR
(merci à Jean Claude Vial pour le transmission du document)

Le fondamentalisme

Pourquoi le fondamentalisme aujourd'hui ?

Il est incontestable que notre époque assiste à une montée du fondamentalisme religieux sur plusieurs bords.

Dans un monde en ébullition, où les valeurs se perdent, les fondamentalismes sécurisent. Le radicalisme donne des repères à ceux qui se sentent un peu déboussolées.

En Europe, cette crise se propage sur un fond de mutation religieuse profonde, mutation liée à son histoire ancienne et récente. Depuis au moins deux siècles, le religieux n'a plus le monopole de ce qui relève du sens de la vie et de la mort.

En revanche, depuis plusieurs décennies, il y a un changement en Europe au niveau démographique.

L'ouverture à des populations extra européennes l'a mise en rapport avec des réalités religieuses d'un autre type. L'islam étant la 2ème religion en France par le fait des flux migratoires et de la natalité est, de facto, en nette progression. Il faut également ajouter à ce fait que le sentiment d'appartenance, développe, particulièrement chez les musulmans, l'attachement identitaire à un groupe religieux.

 

Le fondamentalisme islamique

 

Parmi les fondamentalismes religieux, celui qui concerne l'islam est aujourd'hui le plus visible. Depuis les attentats du 11 septembre 2001 revendiqué par le groupe el Qaida, la nébuleuse fondamentaliste islamique inquiète. Elle inquiète d'autant plus qu'elle est capable d'y attirer des musulmans et même des non-musulmans convertis et que le phénomène s’invite régulièrement par la violence

Comment analyser ce phénomène? :

-       la marginalisation des jeunes au niveau social et économique

-       un sentiment de frustration,

-    des sentiments d'humiliation et d'échec,

-       la recherche d'un sens spirituel dans un contexte matérialiste, agnostique, et même antireligieux.

 

Un fondamentalisme pluriel dont les racines plongent dans notre passé.

Le fondamentalisme islamique est le produit de plusieurs phénomènes. C’est pourquoi on peut parler de fondamentalismes au pluriel. Mais il ne faut pas s'y tromper. Le fondamentalisme islamique de ces dernières décennies n'est que la partie visible de l'iceberg qui s'est développé depuis plus d'un siècle. Celui qui émerge actuellement est le fruit d'idéologies politiques ou religieuses qui ont façonné notre manière d'être pour répondre à la succession de crises internes et externes que le monde musulman a connus particulièrement dans sa partie arabe. On ne peut, dans cette modeste causerie, relater ces crises internes et externes qui ont certainement formé le terreau propice à ce que nous vivons aujourd'hui de violence et par conséquent de peur. Mais, vous pouvez, personnellement, refaire le chemin de retour en arrière sur l'histoire pour comprendre ce qui a pu donner naissance à la situation que nous vivons aujourd'hui. Rien n'est jamais sans conséquence lointaine de ce que nous avons fait de bien ou de mal dans le passé...

 

Que cherche le fondamentaliste ?

 

Pour revenir au fondamentalisme religieux islamique, il faut bien comprendre qu'il s'est érigé en totalitarisme qui a réveillé la fibre d'appartenance à une pureté originelle recherchée. D'ailleurs ce n'est pas sans raison que le mot ‘fondamentalisme’ en arabe soit en rapport étroit avec le mot ‘authenticité’ (usùliya).

Un autre indicateur manifestant que nous sommes en présence d'un fondamentalisme, c'est la manière d'aborder l'autre. L'autre, qui ne partage pas la même religion ou la même culture devient source d'inquiétude et de violence. En le disqualifiant, le fondamentaliste légitime le bien-fondé de son choix, celui de la pureté originelle. L'ultime indicateur de la radicalisation fondamentaliste est celui de la place réservée à l'altérité homme - femme. En effet, le discours sur la femme est un indice considérable auquel il faut rester vigilant.

 

Le fondamentalisme qu'on appelle salafisme

 

Depuis quelques années, on voit émerger une nouvelle identité religieuse au sein des populations musulmanes d'Occident. On l'appelle le salafisme. Il connaît un réel succès dans le monde arabe et cette mouvance religieuse inquiète.

Le salafisme s'est imposé progressivement comme l'orthodoxie sur laquelle les musulmans européens et nord-américains doivent aujourd'hui baser leur pratique religieuse. Sa définition fait l'objet de luttes intestines entre théologiens et prédicateurs qui s'affrontent autour d'interprétations divergentes.

Attention, le salafisme ne se résume pas à el Qaida. C'est un ensemble d'initiations multiples, pas toujours coordonnées, d'individus seuls ou formant de petits groupes autonomes.

Mouvance complexe, le salafisme couvre un large spectre de sensibilités politiques. Ce spectre va du salafisme conservateur, politiquement mou et dont l'action se fonde sur la formation religieuse, au salafisme révolutionnaire prônant des actions directes aux accents tiers-mondistes.

Pour les uns, il est directement lié à l'institution religieuse officielle de l'Arabie Saoudite et se superpose au wahhabisme.

Pour d'autres, il désigne une méthodologie réformatrice et libératrice susceptible de renouer avec « l'âge d'or » de l'islam.

Différents l'un de l'autre, ces courants ont un même fonds idéologique qui repose sur l'idée que le retour à la religion musulmane des Salaf (les ancêtres pieux) permettra aux sociétés de retrouver la gloire des premiers siècles de l'islam au cours desquels les musulmans dominèrent le monde.

 

Le salafisme, un agrégat de plusieurs influences

Le salafisme est composé de plusieurs influences dont les enseignements du saoudien Ibn'Abd el Wahhab (1703-1792) constituent le coeur de la doctrine.

Le salafisme est avant tout marqué par la volonté de purger la pratique religieuse de ses particularités locales et des innovations qui auraient altéré l'islam originel au fil des siècles. Ce retour à la religion des origines s'opère sur la base d'une lecture littéraliste des versets coraniques et de la tradition prophétique.

Fondé sur la volonté de purifier l'islam, le salafisme appelle à rompre avec les superstitions et les croyances de l'islam populaire qui pratique le culte des saints tout comme avec le courant mystique du soufisme.

 

Lorsqu'on parle de salafisme, il faut distinguer trois tendances :

 

- une lecture quiétiste de l'islam. Ce salafisme quiétiste est convaincu que la seule solution au problème réside dans la purification et l'éducation : purifier la religion des innovations qui entachent ses dogmes pour revenir à la religion transmise par le prophète ; éduquer les musulmans pour qu'il délaissent leurs mauvaises coutumes qui les détournent du bon chemin. Ce salafisme est proche des autorités religieuses saoudiennes et majoritaire en France.

 

- le salafisme politique qui défend une vision militante à la manière des Frères Musulmans. Elle est fondée sur la création de partis politiques et d'associations en vue d'un accès pacifique au pouvoir en faisant pression sur celui-ci.

La politique est perçue comme un outil moderne capable de propager le message coranique. Cette tendance presque inexistante en France est très active en Gande-Bretagne et en Belgique où elle se présente régulièrement aux élections annonçant vouloir défendre les valeurs de l'islam et lutter contre les discriminations opérées par l'État envers les musulmans.

 

- le salafisme révolutionnaire qui prône le djihad dans sa dimension de lutte armée. Il tient de l'idéologie des Frères Musulmans avec cette idée que les actions politiques et sociales doivent s'inscrire dans une perspective musulmane. Il promeut une lecture littéraliste des textes coraniques à connotation politique particulièrement dans la gestion du pouvoir, le califat et l'autorité. Hostile à une action limitée à la prédication, ses militants placent le djihad au coeur de leur foi et en font une obligation religieuse. Parmi les organisations qui se réclament du salafisme révolutionnaire, on peut citer les groupuscules proches d'el Qaida et les filières qui envoient des soldats en zones de conflit où des musulmans s'opposent aux non-musulmans (Irak, Tchétchénie...).

 

Ce qu'ont en commun les salafistes

Les salafistes estiment que l'islam n'a pas à entrer en négociation avec les non-musulmans. Qu'ils soient djihadistes, politiques ou quiétistes, ils ont en commun de considérer les concessions des Frères Musulmans comme inacceptables avec le Coran et la tradition du prophète. C'est ainsi qu'en France, beaucoup de salafistes reprochent aux représentants des Frères Musulmans occidentaux  - par l'Union des Organisations Islamiques en Europe (UOIE)  - d'avoir accepté de négocier avec les pouvoirs publics trahissant ainsi le message du Coran. Les salafistes accusent les Frères Musulmans d'avoir intégré dans le patrimoine islamique des valeurs comme la démocratie, étrangère à la religion musulmane. Pour eux, la démocratie est une forme d'associationnisme (shirk) conduisant à l'hérésie. Pour eux encore, les députés occidentaux légifèrent au nom de valeurs qui ne sont pas celles de la chari'a.

 

Particularités des salafistes quiétistes

Pour les salafistes quiétistes l'attitude vis-à-vis de l'Occident ne consiste pas à vouloir en convertir la population, ni à attendre sa chute, mais simplement à se retirer de toute forme de participation politique dans la société européenne au motif qu'elle serait contraire à l'islam. Pourtant, paradoxalement, les théologiens saoudiens qui défendent une vision quiétiste de l'islam, soutiennent ouvertement la monarchie qu'ils considèrent comme le meilleur garant du maintien des valeurs musulmanes du pays.

Le salafisme quiétiste tisse des relations pacifiques avec les régimes arabes mais constitue en Europe critiquent les systèmes politiques occidentaux. Il conserve ainsi une attitude protestataire symbolique justifiée par des raisons religieuses mais aussi par les conditions d'existence décevantes des musulmans en Europe (discrimination religieuse et sociale, exclusion économique etc....). Leur protestation symbolique s'exprime par exemple par l'apparence vestimentaire : le port d'une longue robe (qamis), d'une calotte, de la barbe parfois avec la tête rasée et, pour les femmes, par le port de la burka plus ou moins complète.

 

Particularités des salafistes politiques

Non seulement veulent-t-il se retirer du monde à l'exemple des salafistes quiétistes mais ils veulent le refaire selon le modèle islamique. Ils veulent construire des espaces sociaux dans lesquels les musulmans pourront vivre pleinement leur foi en Occident. Et le vivre communautairement.

Pour eux, il faut une communauté pour avoir une voix et défendre l'image de l'islam dans l'arène politique.

 

Particularités des salafistes révolutionnaires

Le salafiste révolutionnaire se considère comme un combattant qui lutte pour une cause légitime : l'instauration d'un État islamique préfigurant l'avènement de la justice de Dieu sur Terre. Le sentiment de se battre pour de nobles motifs est renforcé par certaines autorités religieuses qui autorisent ce type de djihad. Pour eux, la justice sera rendue grâce à de lutte contre l'État, incarnation des forces du mal (le taghout). Ces forces du mal seront vaincues par des attentats et on établira un État Islamique juste, fondée sur la chari'a. Ses partisans invitent l'ensemble de la population à prendre les armes et à se soulever contre l'État considéré comme l'unique obstacle à l'avènement d'un régime islamique.

 

La violence des uns et la réaction des autres

    Progressivement, les attentats se font de plus en plus fréquents. Craignant pour la stabilité politique de la région et craignant l'arrivée au pouvoir des islamistes, les régimes occidentaux se mobilisent en multipliant déclarations de soutien et aide matériel à l'égard des gouvernements arabes.

    C'est dans ce contexte que la violence terroriste parvient en Occident et notamment en France. L'enjeu des djihadistes est de convaincre les pays occidentaux de retirer leur appui aux régimes arabes. Cette situation devrait aboutir au durcissement autoritaire des régimes arabes entraînant une large mobilisation des masses. Le mouvement populaire de soutien au djihad qui s'ensuivrait serait le seul moyen de s'émanciper.

    L'Occident est donc conçu comme un relais à partir duquel seront formés des militants qui auraient à combattre dans les pays d'origine et un terrain où implanter des bases logistiques permettant de collecter argent, armes et faux papiers.

C'est cet idéal qui anime les jeunes djihadistes partis se battre en Syrie, en Irak, en Afghanistan. À leurs yeux, la guerre sainte est d'autant plus légitime qu'elle bénéficie du soutien des populations musulmanes vivant en Europe et de l'appui de certains théologiens. En effet, certains théologiens autorisent, par des fatwas, à aller combattre les armées impies qui attaquent les musulmans. Ils considèrent le djihad comme un acte de légitime défense et de résistance. La lutte armée est pour eux, une défense de l'umma.

Enfin, la figure de la guerre sainte anime aussi une forme beaucoup plus radicale qui revêt une dimension anarchiste. Prônant la destruction de toute autorité non-islamique et le refus de l'ordre établi, cette tendance du Jihad est principalement représentée par el Qaida. Pour eux, pas de compromis ! Le combattant se sent investi d'une mission, conçue comme un sacrifice qui lui donne une portée religieuse qui relève de l'absolu. Cette violence est sans frontières et les enjeux en sont si grands que le combattant peut y sacrifier sa propre existence.

Les prédicateurs engagés dans le djihadisme considèrent que les sociétés occidentales sont dans la période antéislamique c'est-à-dire dans l'ignorance par opposition à la lumière de la révélation coranique. Ces salafistes se considèrent comme des justes, les purs dans un monde de souillés. L'objectif est de créer l'enfer ici bas pour tous ceux qui, pour une raison ou une autre, ne sont pas considérés comme musulmans. Marqué par le sentiment d'appartenir à une umma globale et n’étant liés à aucun pays d'origine, les partisans de ce djihad tiennent peu compte des nationalités. C'est ainsi que, mobilisant des personnes de toutes origines nationales, cette forme de djihadisme facilite le processus de conversion des Français de souche, pièce maîtresse des dispositifs djihadistes en France depuis 1995 et dont l'importance va croissant.

Conclusion

    L'idée d'une autonomie individuelle qui puisse se passer de la norme divine est insupportable aux fondamentalistes en général. Les fondamentalistes utilisent pour la propagande de leur doctrine un certain rationalisme technologique tout en restant fixés à une irrationalité dévote.

Ils s'opposent surtout à la libéralisation des mœurs et à la dissolution des sociétés à cause du modernisme qui favorise la permissivité et la dépravation.

C'est ainsi que le fondamentalisme islamique est au centre d'enjeux nationaux et internationaux.

L'édition de leurs recherches est la meilleure réponse aux raccourcis hâtifs d'une certaine « littérature de gare » qui foisonne. La prolifération des acteurs de l'islam et la multiplicité de leur prise de parole rendent la question compliquée.

     C’est pourquoi l'islamologie moderne se doit de sauver la tradition musulmane du suicide de la pensée dans lequel se sont lancés les islamistes. D'autant plus que leurs discours guerriers appartiennent à une conception du monde dépassée.

Plus qu'un aggiornamento, c'est à une refondation de la pensée théologique musulmane qu'il faut en appeler. Ceci pour ne plus infantiliser les esprits ni culpabiliser des consciences.

Le chantier est titanesque. Il faut l'entreprendre d'urgence : le pluralisme, la laïcité, la séparation du politique d'avec le religieux, l'égalité entre les personnes par-delà le genre, la liberté d'expression et de foi, la garantie de pouvoir changer de religion, la désacralisation de la violence, la démocratie et l'État de droit...

Il est temps pour les intellectuels musulmans de prendre les rênes en main pour asseoir la doctrine d'une éthique de fraternité et de solidarité pour sortir de la prison d'un islam déviationniste calqué sur le modèle du tout religieux et ne pas retourner à une forme de religiosité archaïque aliénante. On ne peut pas allier les problèmes épineux du monde actuel au passé en retournant au monde islamique des origines par fidélité mimétique. La modernité ne pourra advenir que lorsque la théologie aura déblayé en amont une nouvelle pensée de la liberté qui puisse ouvrir le passage heureux du tout théocratique au tout démocratique

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  le 15 mai 2018, près de 5 000 "roses" fleurissent le désert .
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