Chrétiens-Musulmans
PROCHAIN FORUM ISLAMO-CATHOLIQUE à Rome du 4 au 6 novembre 2008 Le thème central des débats en sera : "Amour de Dieu, amour du prochain". Et les thèmes annexes: "Fondements théologiques et spirituels", et "Dignité humaine et respect réciproque". |
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"Avec l'islam, le dialogue théologique
frontal mène à une impasse" ...Pour résumer la différence de fond entre musulmans et chrétiens par une formule un peu lapidaire : chez les premiers, Dieu donne ; chez les seconds, Dieu « se » donne... |
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Une délégation
de musulmans se rend à Rome |
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Mars 2008 - Chrétiens-Musulmans UN PROCHAIN FORUM ISLAMO-CATHOLIQUE
A la suite de la lettre de 138 "sages" de l'Islam, intitulée "Une parole commune", et de la réponse du Saint-Père, une délégation de cinq des signataires a rencontré les 4 et 5 mars au Vatican cinq membres du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux. Dans un communiqué signé du Cheik Abdal Hakim Murad et du Cardinal Jean-Louis Tauran, les délégations déclarent qu'en vue de développer encore le dialogue entre Musulmans et Catholiques, les participants ont institué un Forum islamo-catholique. Son premier séminaire se tiendra à Rome du 4 au 6 novembre prochain en présence de 24 représentants et personnalités religieuses des deux délégations. Le thème central des débats en sera : "Amour de Dieu, amour du prochain". Et les thèmes annexes: "Fondements théologiques et spirituels", et "Dignité humaine et respect réciproque". La session conclusive sera publique le 6 novembre, puis les participants seront reçus par Benoît XVI. Outre le cardinal Jean-Louis Tauran, les participants catholiques ont été : Mgr.Pier Luigi Celata, secrétaire du dicastère, Mgr. Khaled Akasheh, en charge du dialogue avec l'Islam, le P. Miguel Angel Ayuso Guixot, MCCJ, président de l'Institut pontifical pour les études arabes et islamiques, et le P. Christian W.Troll, SJ, professeur près l'Université pontificale grégorienne. Côté musulman, les participants ont été : le Cheik Abdal Hakim Murad, président du "Muslim Academic Trust" (GB), le professeur Aref Ali Nayed, directeur du "Royal islamic Strategic Studies" (Jordanie), M. Ibrahim Kalin, de la "Seta Foundation" (Turquie), l'Imam Yahya Pallavicini, vice-président de la "Comunità religieuse islamique" en Italie ; M.Sohail Nakhooda, r édacteur en chef de "l'Islamica Magazine" (Jordanie). Cette initiative, conduite par le prince jordanien Ghazi bin Muhammad bin Talal a permis pour la première fois de rassembler les représentants de différents courants de l'islam de 43 pays autour d'un message de paix adressé aux représentants du christianisme. Elle est intervenue un an après la crise dans les relations entre l'islam et le Vatican provoquée par le discours de Ratisbonne de Benoît XVI (11 septembre 2006) qui semblait faire un lien entre l'islam et la violence. Le Pape avait fait connaître le 29 novembre 2007 sa "pleine disponibilité" à une rencontre avec une délégation de haut niveau des "138" (aujourd'hui 241), pour "regarder ce qui nous unit", "sans ignorer ni minimiser nos différences". Le Vatican reste en effet réservé sur la possibilité de mener un dialogue théologique approfondi avec l'islam sans avoir d'abord fait la clarté sur certaines questions comme la reconnaissance par les autorités musulmanes de la liberté religieuse en toutes circonstances. (source : VIS) |
03/03/2008 15:06 Mardi 4 février arrive à Rome une délégation de cinq musulmans. Ils représentent les signataires de la "lettre des 138" envoyée au pape en octobre par des intellectuels musulmans qui demandaient la mise en place d'un dialogue commun au plan théologique et éthique Une délégation musulmane est attendue mardi 4 et mercredi 5 mars au Vatican pour préparer la grande rencontre qui aura lieu, sans doute en juin, entre le Saint-Siège et les 138 intellectuels qui avaient envoyé une lettre au pape en octobre. La réunion entre les délégués musulmans et les représentants de l'Eglise catholique conduits par le cardinal français Jean-Louis Tauran a "un caractère purement technique", a-t-on précisé lundi au Vatican. Un membre de la délégation musulmane, Sergio Yahya Pallavicini, a indiqué de son côté qu'il s'agissait de "concrétiser la perspective d'une rencontre avec le pape". Celle-ci "donnera un signe fort de convergence, de dialogue et de fraternité entre les deux religions", a ajouté le vice-président de la communauté musulmane d'Italie. Dans leur lettre ouverte, intitulée "Une parole commune entre vous et nous", les intellectuels musulmans demandaient la mise en place d'un dialogue commun au plan théologique et éthique. Une initiative fédératrice Cette initiative conduite par le prince jordanien Ghazi bin Muhammad bin Talal a permis pour la première fois de rassembler les représentants de différents courants de l'islam de 43 pays autour d'un message de paix. Elle est intervenue un an après la crise dans les relations entre l'islam et le Vatican provoquée par le discours de Ratisbonne de Benoît XVI (12 septembre 2006) qui semblait assimiler faire un lien entre l'islam et la violence. Le secrétaire d'Etat du Vatican, le cardinal Tarcisio Bertone, avait souligné la "pleine disponibilité" du pape à une rencontre avec une délégation de haut niveau des "138" (aujourd'hui 241), pour "regarder ce qui nous unit", "sans ignorer ni minimiser nos différences". Avec AFP ---------------------------------------------- Articles
parus dans le journal La Croix
Le pape répond aux musulmans (29-11-2007)
Visite historique du roi d'Arabie Saoudite au Vatican (6-11-2007) Plus de cent responsables musulmans s'adressent au pape (14-10-07) Le cardinal Tauran nommé pour renforcer le dialogue avec l'islam (25-06-07) Le pape reçoit un intellectuel musulman (12-11-06) Le Vatican invite musulmans et chrétiens à lutter contre le terrorisme(22-10-06) Des musulmans répondent au pape (15-10-06) Des émissaires musulmans au Vatican (24-09-06) Le Vatican poursuit le dialogue (23-09-06) Le pape Benoît XVI veut "un échange positif mais autocritique"(20-09-06) Le Vatican joue l'apaisement (19-09-06) "La théologie musulmane a usé de la raison". Entretien avec Mohammed Arkoun (18-09-06) Le Vatican veut reprendre l'initiative (18-09-06) "Un malentendu gravissime" (18-09-06) Benoît XVI et l'islam : le malentendu (18-09-06) Le pape tente d'endiguer la polémique (17-09-06) Foi et raison en réponse aux fanatismes (12-09-06) Discours et messages Réponse de Benoît XVI à la lettre ouverte des guides religieux musulmans (29-11-2007) Réponse du Pisai à la lettre ouverte des 138 responsables musulmans (6-11-2007) Lettre ouverte de 138 responsables musulmans au pape (14-10-07) Déclaration du pape à l'audience générale (20-09-06) Déclaration du pape à l'Angélus (17-09-06) Déclaration du cardinal Bertone, secrétaire d'Etat du Vatican (16-09-06) Déclaration du P. Lombardi, porte-parole du Saint-Siège (14-09-06) Discours intégral de Benoît XVI à Ratisbonne (12-09-06) A lire aussi Discours de Benoît XVI aux ambassadeurs musulmans (25-09-06) Discours de Benoît XVI aux représentants musulmans de Cologne (20-08-05) Audio "Benoît XVI interroge les fondements de l'islam comme du christianisme" (14-09-06) ---------------------------------------------- |
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04/03/2008 20:00 P. Renaud :
"Avec l'islam, le dialogue théologique frontal mène
à une impasse" |
La Croix : La
« lettre des 138 » intellectuels musulmans, à la base
de ce projet de rencontre, est-elle vraiment nouvelle ? P. Étienne Renaud : Oui. Il est rare, dans le dialogue islamo-chrétien à ce niveau, que ce soient les musulmans qui prennent l’initiative. Ici, c’est le cas. D’autres rencontres ont déjà eu lieu à leur initiative, mais souvent avec des résultats décevants. Ainsi, en 1976 avec la Libye, mais le dialogue avait glissé vers le terrain politique. Dans les années 1980, d’autres rendez-vous, organisés par la Tunisie, furent relativement intéressants. Ensuite, ce fut le tour de l’Iran, mais c’était pour sortir de son isolement politique. Plus récemment, la Jordanie, avec la fondation « Âl al-Bayt », semblait la plus dynamique. Mais cette fois, il ne s’agit pas seulement d’un pays, mais de représentants de nombreux pays musulmans et, qui plus est, de différentes tendances de l’islam. Ainsi, le chiisme se trouve représenté. On peut dire qu’il s’agit là d’une sorte de consensus – en arabe, on appelle cela ijmâ’ –, ce qui dans la pensée musulmane a une connotation particulière. Côté catholique, on semble très prudent sur la possibilité d’accéder à la demande des signataires de la lettre pour une discussion sur des thèmes théologiques. Un dialogue théologique frontal ne peut pas aller bien loin entre islam et christianisme. Il mène vite à une impasse. On a en effet d’un côté un monothéisme unitaire, de l’autre un monothéisme trinitaire. Certes, les musulmans reconnaissent Jésus – appelé Issa – comme un prophète, mais le Coran contient une négation officielle, non seulement de la divinité du Christ, mais aussi de sa mort sur la croix. Donc, les trois grands mystères chrétiens – Trinité, incarnation, rédemption – sont clairement niés et, qui plus est, cette négation a tout le poids de l’autorité de la Parole de Dieu. Pourtant, on entend souvent dire : « Nous reconnaissons Jésus, pourquoi ne reconnaissez-vous pas Mohammed comme un prophète ? » Seuls les musulmans bien au fait des mystères chrétiens – heureusement, ils sont de plus en plus nombreux – identifient la difficulté. J’aime résumer la différence de fond entre musulmans et chrétiens par une formule un peu lapidaire : chez les premiers, Dieu donne ; chez les seconds, Dieu « se » donne. Donc, pas de théologie ? Si, à condition de ne pas chercher à concilier l’inconciliable, ce que l’on veut trop souvent faire lors de telles rencontres. En revanche, il y a beaucoup de sujets qui restent d’ordre théologique et dont on peut avec fruit parler ensemble. Non pas le « noyau dur », mais des questions importantes : la notion de foi pour l’une et l’autre religion, la création, la place de l’homme, le fondement de la morale… Ou bien, si on veut vraiment aller au cœur de la foi, il faudrait accepter de renoncer à la discussion à base d’arguments ressassés, pour s’appliquer à écouter avec toute son attention le témoignage de l’autre, à tour de rôle, dans une attitude de respectueux accueil. Le monde musulman a-t-il la même conception de la théologie que les catholiques ? Ce que nous catholiques appelons théologie est recouvert en islam par le terme de Kalam. Il s’agit d’une science qui n’est pas très développée dans les universités religieuses et qui se rapprocherait plus de ce que nous appelons l’apologétique : elle s’intéresse à Dieu, à ses attributs, à l’acte humain. Mais, dans l’enseignement des facultés de théologie, on met en revanche l’accent sur le commentaire coranique (Tafsir), la Tradition (Hadith) et l’étude de la loi, c’est-à-dire la fameuse Charia. Au début, l’islam a connu des débats théologiques, mais ensuite, il s’est stabilisé autour de quatre grandes écoles de droit, et est devenu plus attaché à la pratique. Que peut apporter aux chrétiens ce dialogue, s’il ne porte pas sur le noyau de la foi ? Chez certains auteurs, il y a des développements d’une grande finesse dans l’analyse de la réflexion sur la foi. De même, il est intéressant de connaître les grandes catégories des attributs de Dieu en islam. Enfin, comme chrétiens, nous avons à beaucoup à apprendre du sens profond de la foi, et de l’obéissance à Dieu, du grand respect pour la Parole de Dieu. Mais pour moi, le vrai dialogue, c’est ce que l’on a coutume d’appeler dialogue spirituel, lorsque chacun peut rendre compte, dans une grande liberté mutuelle, de son expérience de Dieu. Alors, on ne se trouve plus face à face, mais on regarde ensemble vers Dieu. En d’autres termes, on ne reste pas prisonnier dans la forteresse de sa doctrine, mais on se retrouve ensemble, tous deux désarmés, devant le mystère de Dieu. Ce sont là des situations qui arrivent très rarement, et au terme d’une longue amitié. Mais elles consolent de beaucoup de frustrations. Des frustrations ? Dans le dialogue islamo-chrétien, on ressent parfois une assez grande fatigue. Trop souvent, on ressasse des généralités. La difficulté, pour nous, est de trouver des partenaires connaissant bien le christianisme. C’est pour cela que la « lettre des 138 », qui dénote une profonde connaissance de la Bible et de l’Évangile, est particulièrement intéressante, sans compter l’esprit d’ouverture qu’elle manifeste. Nous devons, par honnêteté, reconnaître le partenaire dans la prise de conscience de sa vérité comprise comme un ensemble, sans se livrer à une chirurgie qui consisterait à prendre dans la religion de l’autre uniquement ce qui nous convient. De plus, ce dialogue demande de part et d’autre une grande humilité de fond. J’avais été frappé par ce mot d’Abraham Lincoln : « Ne soyons pas pressés de dire que Dieu est de notre côté. Prions pour être du côté de Dieu. » Recueilli par Isabelle DE GAULMYN, à Rome Source La Croix |