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OBSEQUES du Père René Le Clerc de la Société des Missionnaires d’Afrique (Pères Blancs) le Mercredi 27 janvier 2010 en l’église Saint Pierre de Montrouge à Paris paléontologue, chercheur, ... longtemps - près de 50 années - "curé" d' El Goléa- El Meneaa , oasis saharienne où se trouve la tombe du Bienheureux Charles de Foucauld |
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![]() HOMELIE de Mgr Claude RAULT ![]() Bien chers amis, C’est avec un peu de confusion que je me trouve ici, je vous le confie. Ce voyage en France était programmé depuis longtemps, et j’étais loin de penser que je conduirai avec vous notre cher Père René à sa dernière demeure. Serait-ce un petit signe de lui, comme s’il m’avait attendu ? En tout cas, permettez-moi d’accueillir le fait que je sois ici comme un sourire venant de lui. René n’était pas un homme banal. Je l’ai connu il a déjà assez longtemps et nous avons vite appris à nous apprivoiser. C’était un homme rempli de bonté, de douceur et de délicatesse. S’il était resté seul à El Meniaa, ce n’est pas parce qu’il était impossible en communauté, mais par obéissance. Ses compagnons de communauté en effet avaient dû quitter El Meniaa à cause de la nationalisation du Centre de Formation Professionnelle dont il était le directeur. Il est donc resté pour animer la petite communauté chrétienne locale, composée essentiellement des Sœurs Blanches. Mais il s’était déjà donné une passion : la paléontologie, la préhistoire, la géologie… qui de passion sont devenus pour lui « vocation ». Une vocation qui ne venait certes pas doubler sa vocation sacerdotale. Au contraire. Le fait d’être prêtre donnait un surcroît de sens à ses recherches et à ses travaux. Cela marquait ses homélies qui ne traînaient pas en longueur, mais étaient profondes et simples. Un soir, après avoir pris le repas sommaire qu’il avait lui-même préparé dans ce qu’il appelait sa « salle de communauté » où n’avaient le droit d’entrer que les initiés… je lui demandai comment il voyait l’évolution de l’homme en lien avec sa foi. C’était peu de temps après la découverte de « Lucy », l’une de nos « ancêtres », au Kenya… « Vois-tu, me dit-il, il y a dans le continent africain une grande faille géologique qui part de l’extrémité de l’Afrique à l’autre, de l’Afrique du Sud à l’Egypte, et qui se prolonge jusqu’en Asie en passant par la Palestine. Et c’est dans cette faille géologique qu’a été plantée la Croix de Jésus. C’est là que s’est joué le destin de l’humanité. C’est là que nous trouvons le sens de la Vie. ». Je trahis un peu la conversation en la condensant en quelques mots, mais je garde de cette soirée un souvenir inoubliable et le lien entre sa vocation de prêtre et de chercheur. En préparant ce petit mot pour lui, me revient ce beau texte de Teilhard de Chardin dans sa « Messe sur le Monde » Il lui convient très bien aujourd’hui : « Celui qui aura aimé passionnément Jésus dans les forces qui font mourir la Terre, la Terre, en défaillant, le serrera dans ses bras géants, et avec elle, il se réveillera dans le sein de Dieu ». Le Père René assurait aussi le service eucharistique de la communauté des Religieuses d’El Meniaa. Elles appréciaient beaucoup sa tranquille présence. Et aussi ses petites homélies, presque toujours en phase avec l’actualité ou avec ses propres découvertes. Il lisait beaucoup, même si ses lectures se sont espacées les dernières années. Les nombreuses revues auxquelles il était abonné en témoignent, et de nombreux livres aussi. Que dire de son environnement humain ? Pendant plus de cinquante ans, sa silhouette massive a arpenté les rues d’El Meniaa. Il y connaissait beaucoup de monde, de plusieurs générations. Il était devenu presque inséparable de cette population, en était devenu une figure connue et reconnue. S’il a pu demeurer longtemps, c’est grâce à des amis proches qui l’avaient pris en affection et qui prenaient soin de lui. Ils ne sont pas là, mais je tiens à les remercier ici. Ils auraient aimé être parmi nous. Enfin, je voudrais encore vous dire une raison qui a poussé sans doute poussé le Père René à rester à El Meniaa. C’est la présence du tombeau du Père de Foucauld dont il est devenu le gardien fidèle. Il y faisait des visites régulières, parfois y accueillait des groupes de pèlerins. Et bien sûr cette visite était souvent précédée ou suivie d’une visite au Musée. Les pèlerins n’en étaient pas les seuls visiteurs. Il y avait mis tout son cœur, tout son savoir, avec la même foi qui l’animait lorsqu’il célébrait la messe ! Voilà le sens de cette vie qui vient de s’éteindre à nos yeux mais qui s’est mystérieusement ouverte à son plein accomplissement. Mais pour finir, je voudrais vous laisser quelques paroles de lui, tout à fait dans le sens de ce que nous célébrons aujourd’hui. Nous avons retrouvé ce qu’il avait griffonné sur une feuille ce qu’il avait dit lors de la célébration du mercredi des Cendres 1978 : « Tu es poussière. En prenant de la cendre mélangée de sable sur un site préhistorique, nous exprimons notre solidarité avec tous ceux qui sont passés avant nous. Nous communions au mystère de l’homme et du Cosmos. Nous sommes partie intégrante du monde matériel, et notre corps retournera à ce monde dont nous sommes solidaires, et qui nous a donné cette partie de nous-mêmes. Nous faisons un acte de foi dans le Mystère de la Transfiguration, au-delà de notre mort. Transfiguration de l’humanité. Transfiguration du Cosmos. Réalisme devant la mort et la perte de notre signe visible Réalisme devant notre destinée, le Royaume. Semence d’Eternité. » C’est dans cette Eternité qu’est entré notre frère René. Il a rejoint tous ces chercheurs de sens, tous ces assoiffés d’infini, mais aussi toutes ces petites gens qui l’ont précédé dans le Royaume, qui l’attendaient et dont il partage aujourd’hui la joie. Amen. St Pierre de Montrouge. 27 janvier 2010. |