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Ce que j'ai vu et entendu de notre Eglise diocésaine au cœur du monde saharien par  Mgr RAULT
3 - (et fin) - Notre Eglise diocésaine au coeur de ce monde saharien:
 vie des personnes, engagements, valeurs et défis
   par Mgr Claude Rault

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OFFICIEL

avril
  2006

page3/4
 Assemblée Diocésaine


N° spécial  * ASSEMBLÉE DIOCÉSAINE de Mars 2006  *

Ce que j'ai vu et entendu de notre Eglise diocésaine au cœur du monde saharien
 par Mgr Claude RAULT


3- Notre Eglise diocésaine au coeur de ce monde saharien:
vie des personnes, engagements, valeurs et défis


      - la vie des personnes : notre enracinement humain, unenécessaire et continuelle adaptation

      - de nos engagements présents ......                
                                                                                          ..... aux défis de l'avenir



1- Regard sur ce monde où nous vivons: le Sahara d'aujourd'hui

2- Notre Eglise diocésaine au coeur de ce monde saharien: vie des secteurs et liens en Eglise

4- Homélie d'Edouard au cours de l'Eucharistie cloturant l'Assemblée diocésaine ,  et  le dimanche,& en guise de conclusion et d'envoi. puis  Nouvelles..... pour rester proches
                               






La vie des personnes

Plusieurs points caractérisent notre visage d’Eglise, et cela se vit à travers la vie et le parcours des personnes. Une certaine façon d’assumer évangéliquement la solitude m’amène à m’arrêter à la vie des personnes, comme cellules vivantes de nos communautés. Car chacune apporte ce qu’elle est pour le bien de tous.

Le premier point que je retiens est celui de l’enracinement

Parlons d’abord de notre enracinement humain, tout simplement.

Il a commencé par de difficiles exercices de langue, par un apprentissage à vivre au quotidien, une certaine façon d’accueillir la différence de l’autre tout en restant soi. Je ne crois pas que notre Eglise soit perdue ou " enfouie dans l’océan de l’Islam ", comme on nous le dit quelque fois.
Je suis plutôt enclin à penser que notre rayonnement et personnel et communautaire est sans commune mesure avec notre nombre, et que nous n’avons pas prise sur ce rayonnement. Il n’est pas de l’ordre de la tactique. Dieu en fait ce que bon lui semble. Je crois qu’il vient tout simplement de notre choix à " être " plutôt qu’à chercher quelque influence.
L’enracinement dans ce peuple, et son amour jaloux pour tout ce qui le touche est bien l’un de ses traits les plus  marquants de notre existence évangélique.. Je vois parmi vous des hommes et des femmes qui totalisent souvent plusieurs dizaines d’années sur place.
Cela veut dire que vous portez en vous l’expérience du temps. Et l’on dit souvent que pour vivre ici il vous a fallu " durer ", vous enraciner sur place, faire votre trou avant d’être accepté, repéré, reconnu. Un certain nombre ont exercé un ou plusieurs métiers, pris divers engagements, mais " sur place ".
Plusieurs familles de notre environnement connaissent " les Pères et les Sœurs ", la communauté chrétienne dans ses composantes, depuis plusieurs générations, et nous héritons de ces liens créés avant nous. Nous récoltons là où nous n’avons pas semé. C’est peut-être cet enracinement là qui nous  vaut (à tort ou à raison) les qualificatifs d’une Eglise " enfouie ", d’une Eglise silencieuse, plus proche de Nazareth que de Capharnaüm.
L’expérience de la vie des Fraternités s’inspirant de la spiritualité du P. de Foucauld y est pour quelque chose. Elles sont nées dans le Diocèse.
Nous avons vu se dessiner deux vocations " croisées " qui marquent la vie de notre communauté chrétienne. J’y ajoute aussi nos quelques Laïcs qui se font nommer ou " Père, ou Frère, ou Sœur… ". Ce n’est pas un atavisme, mais souvent nos braves amis musulmans y perdent leur latin ! Ceux de l’extérieur qui nous visitent aussi parfois.

Une note que je veux ajouter, et que j’aurais sans doute dû mettre en premier, c’est notre enracinement évangélique. C’est lui qui donne consistance et force à notre enracinement humain. On me demandait dans l’un des forums du Synode diocésain de Vendée, en France, qu’est-ce qui nous aidait à tenir. Et j’ai appuyé sur ce point de solidité. Si nous n’avons pas Jésus comme colonne vertébrale, et au niveau personnel et au niveau communautaire, je crois que nous ne tiendrions pas. Et j’admets que sur ce point nous pouvons nous référer à Jésus Christ de façon diverse, mais c’est bien Lui que je vois comme votre premier point de référence.

Mais il nous faut nourrir cet enracinement, sans cesse le confronter avec un monde qui évolue, un questionnement qui nous est fait et qui ne se posait pas ou peu par le passé. Ajoutons qu’au regard de l’Eglise Universelle, nous faisons parfois piètre figure, contestés dans notre théologie, qui pourtant s’inspire en ligne directe de Vatican II.

Une nécessaire et continuelle adaptation

L’Eglise d’Algérie est passée par des étapes, des passages historiques, moins accentués que dans le Nord, où les personnes ont faire preuve de créativité. Il y a eu le " passage à l’indépendance ", bien vécu par l’ensemble. Celui-ci a amené un certain nombre à choisir la nationalité algérienne. Les autres sont de toute façon  entrés dans cette nouvelle phase au gré de leur engagement qui, à cette occasion, n’a guère changé.

Les nationalisations des écoles, des centres de formation professionnelle, des centres de santé, ont provoqué plus de remous et amené à plus de créativité pour trouver un nouveau pôle d’engagement. Mais globalement, le milieu aidant, chacun a trouvé, un nouveau créneau, un nouvel élan. Ce changement a davantage ouvert nos maisons, qui sont devenues plus fréquentées que par le passé, sans doute à cause d’une plus grande disponibilité qui nous était offerte.

La montée du terrorisme a davantage épargné notre région, du moins le grand Sud, mais elle a provoqué aussi des questions sérieuses d’adaptation. Il n’a pas été évident de vivre sa vocation de chrétien dans cette tourmente qui a soulevé tout le pays.
Une autre étape que nous vivons, et qui touche aussi notre capacité d’adaptation, nous oblige à lâcher nos certitudes acquises sur ce point, c’est l’arrivée d’une nouvelle génération. Elle n’est pas massive, mais elle est là. Nous en avons débattu lors de l’Assemblée Interdiocésaine. Elle touche notre capacité à accueillir de nouveaux membres sans faire peser sur elles tout le poids de notre passé.
Je dirais que c’est d’autant plus difficile que pendant presque une génération nous n’avons pas malheureusement eu à accueillir de nouvelles vocations. Nous sommes globalement passés de la génération des "  fils et des filles " à la génération des " grand pères et des grand-mères " ! Cet écart ne rend pas facile la transmission, même si la nouvelle génération est loin d’être majoritaire, et pas nécessairement de la première jeunesse. 

Cette " nouvelle génération " a-t-elle assez d’espace pour mettre en œuvre la capacité de créer, d’inventer, d’oser, qui n’est pas celle de la génération des anciens et des anciennes ? Laissons-nous assez de champ dans l’avenir pour cela ? Laissons-nous aussi assez de droit à l’erreur et à vivre " autrement " ?
La question reste ouverte, et est d’une grande importance, d’autant plus que d’autres familles spirituelles, et aussi des Laïcs nous rejoignent et viennent nous " voir " pour un engagement possible.
Ils vont trouver une " Eglise atypique " et ont besoin de faire leur place tout en étant accompagnés. Un bel exercice d’accompagnement et de lâcher prise à la fois nous est donc requis.
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Je voudrais continuer en étant plus sur le terrain réel de nos différents engagements, dans cette phase de notre Eglise que nous vivons. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors du temps consacré aux différents ateliers
De nos engagements présents aux défis de l’avenir

Nos terrains  d’engagement.
   
Le reproche qui nous est souvent fait par certains regards extérieurs c’est que nous " donnons dans l’humanitaire " pour délaisser le terrain d’une véritable évangélisation.
Si nous nous situons sur le terrain de l’humanitaire, c’est à dire au niveau du souci concret et réel de la personne humaine, de toute personne humaine, c’est bien à cause de l’Evangile.

Nous ne sommes pas une sorte de super ONG évangélique. Et je salue comme stimulant pour nos engagements quels qu’ils soient la dernière encyclique de Benoît XVI, notamment dans la seconde partie intitulée :

" CARITAS. L’exercice de l’Amour de la part de l’Eglise en tant que communauté d’Amour ".

Pour moi, deux événements récents viennent en quelque sorte nous fortifier dans nos engagements :

- C’est la béatification de Charles de Foucauld comme Frère Universel. En même temps est " béatifié " notre choix fondamental de faire éclater nos étroites frontières pour aller vivre cet Amour aux mains nues avec l’autre quel qu’il soit.

- C’est aussi cette première lettre de notre Pape Benoît qui nous aide à trouver notre place dans l’exercice de la Charité du Christ, à l’égard de toute personne.

Je le cite (N°25) :
" La nature profonde de l’Eglise s’exprime dans une triple tâche :
annonce de la Parole de Dieu (kerygma-martyria… je traduis annonce et témoignage),
célébration des Sacrements (Leitourgia … Liturgie), service de la charité (diakonia… diaconie). Ce sont trois tâches qui s’appellent l’une et l’autre et qui ne peuvent être séparées l’une de l’autre. La charité n’est pas pour l’Eglise une sorte d’activité d’assistance sociale qu’on pourrait laisser à d’autres, mais elle appartient à sa nature, elle est une expression de son essence elle-même, à laquelle elle ne peut renoncer ".


Et il rattache à cet exercice de la Charité, celui de la Justice, déjà défini comme constitutive de la vocation évangélique de
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Notre projet diocésain, je le vois s’articuler autour de trois pôles majeurs, qui se diversifient selon les personnes et les vocations.
- L'accueil -

Nous sentons combien est prenante cette disponibilité à toute personne qui s’adresse à nous et à nos communautés. Nous sommes parfois amenés à dégager du temps ou des personnes pour que cette disponibilité soit assurée. C’est une chance qui nous est donnée, un don qui nous est fait, et qui exige discernement et disponibilité. Nous devons veiller à ce que cet accueil ne devienne pas sélectif, et se sclérose autour des seuls amis proches. Il y là un danger réel.


- Les pauvretés -

J’emploie le pluriel parce que la pauvreté a plusieurs visages : celui du non savoir, celui de l’handicap, celui de la solitude, de la migration, de la situation de réfugié.


- La culture -

C’est aussi un terrain où il nous faut continuer à travailler parce qu’il est une passerelle entre le monde chrétien et le monde musulman, entre l’orient et l’occident, entre l’Afrique du nord et l’Afrique subsaharienne, et aussi dans les relations Sud-Sud, étant donné que des vocations nous viennent d’autres continents que l’Europe et l’Afrique.

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Et devant cet éventail où déjà nous sommes engagés, je pose quelques questions :
Comment aller plus loin ?
Quels champs nouveaux, quelles possibilités nouvelles s’offrent à nous ?
Quelle créativité allons-nous mettre en œuvre due aux signes des temps que nous percevons ?
Quel réalisme aussi adopter face à la pauvreté de nos propres moyens ?
Mais je ne vais pas faire le travail à votre place, je donne des références, des pistes pour aller plus loin que mon regard limité
.

Les défis de l’avenir.

Je note d’abord celui de notre renouvellement, celui de la trans-mission.
De nouvelles vocations, de nouvelles personnes, animées de la même flamme que nous, désirent venir travailler à nos côtés, et faire caravane avec nous. Je l’ai déjà noté plus loin, quelle sera notre capacité d’accueil et d’audace ?
Nous allons sans doute encore connaître l’épreuve de la diminution numérique. Il va falloir accueillir cette réalité sans gémissement, et sans retour sur le passé. Ce qui a été semé germera.
L’essentiel n’est pas de faire nombre, mais de faire signe, disait en substance Jean Paul II aux évêques venus à Rome pour une visite " Ad Limina ".

Comment allons-nous continuer à être une Eglise vivante, rayonnante de la Charité du Christ au cœur de ce monde ?
Comment allons-nous accueillir ces nouvelles vocations dans leur désir de créativité ?
Comment cette nouvelle génération va aussi assumer l’héritage sans se laisser écraser par lui ?
Des Laïcs sont venus nous rejoindre, et le champ reste ouvert pour l’avenir. Quels projets allons-nous leur offrir tout en leur donnant la possibilité de mettre en œuvre cette créativité si nécessaire à notre renouvellement ?


Enzo et Franca sont ici pour se mettre à nos côtés et continuer cette ouverture à l’autre. Benoît vient aussi de nous arriver. Nous avons fait la demande d’un nouveau couple pour Tamanrasset.
Nous avons déjà accueilli les Sœurs Franciscaines à Ain Sefra. Elles sont porteuses d’une différence marquée de par leur origine et leur culture. Elles vont écrire une nouvelle page de notre vie d’Eglise dans cette ville où François Cominardi a tant donné de lui, et aussi tant reçu de cette population.
Bientôt nous allons accueillir les PIME, une communauté de Pères Italiens qui prépare sa venue à Touggourt.
Trois autres Congrégations ont manifesté un réel intérêt pour nous rejoindre, et au moins " venir voir "…
Nous accueillons presque chaque année un ou deux stagiaires pendant leur temps de probation.
Nous espérons un prêtre Fidei Donum pour Tamanrasset.
Reste préoccupant l’avenir plus lointain d’El Abiodh, d’El Goléa. Des appels sont lancés, mais… espérons envers et contre tout!
Notre avenir est petit… mais il frappe à notre porte.

Je voudrais, en conclusion, jeter un regard vers trois grands défis, trois zones de souffrance et de pauvreté qui nous talonnent, sans que nous puissions vraiment y prendre un engagement effectif, tant ces défis sont démesurés par rapport à nos forces. J’en ai déjà parlé à plusieurs reprises.

- L’avenir des jeunes. Ils viennent souvent grossir les rangs des chômeurs, des sans avenir, et c’est vrai que justice ne leur est pas faite tant le travail est source de dignité.

- Les migrants venant d’Afrique subsaharienne. Ils continuent de venir, malgré les peurs, les barrages, les mises en garde de toute sorte.

- Les camps de réfugiés sahraouis présents sur notre Diocèse. Les pluies torrentielles qui se sont abattues sur leurs camps ont réveillé les Organisations humanitaires, mais ces réfugiés connaissaient déjà des conditions de précarité.


Peut-être ne pouvons-nous pas grand chose devant ces plaies et ces défis. Peut-être pouvons-nous être plus inventifs, oser davantage, aller un peu plus loin dans l’exercice de notre Charité, dans notre éveil à plus de justice ?
La moisson est abondante, dit Jésus, et les ouvriers peu nombreux… Priez le Maître de la Moisson d’envoyer des ouvriers à la moisson. Il dit cela à ses disciples avant même de les envoyer.


Cette compassion de Jésus commence par un regard vers son Père. Prions. Nous avons la chance, la grâce d’avoir parmi nous des personnes dont la prière est le cœur de l’engagement.

Je n’en ai pas parlé. Mais c’est à ces personnes que je m’adresse d’abord. Elles nous rappellent le sens profond de notre Présence et sont au milieu de nous comme des veilleuses, des rappels incessant à revenir à la Source. Prions.
Notre prière ne changera pas les choses, comme par enchantement.

Mais si nous prions, notre prière nous changera.
Et si nous changeons, c’est sûr, alors nous pourrons changer quelque chose sur la face de cette terre parce que nous aurons puisé à la vraie Source.
Et fortifiés par l’eau qui donne la Vie, nous pourrons continuer à faire caravane ensemble, chargés d’une énergie nouvelle, et renouvelés dans cette Espérance qui ne trompe pas parce qu’elle est le don de l’Esprit Saint.

CR9bprt.jpg +Claude , évêque du Diocèse de Laghouat-Ghardaïa  boutonhaut.jpg


3 - (et fin) - Notre Eglise diocésaine au coeur de ce monde saharien:vie des personnes, engagements, valeurs et défis
 par Mgr Claude Rault



boutonhaut.jpg   propos introductif  de Mgr Claude Rault lors de l'assemblée diocésaine
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