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Ce que j'ai vu et entendu de notre Eglise diocésaine au cœur du monde saharien par  Mgr RAULT
1 - Un regard sur ce monde où nous vivons :  le Sahara d'  aujourd'hui    par Mgr Claude Rault

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OFFICIEL
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avril  2006
page 2/4
 Assemblée Diocésaine


N° spécial  * ASSEMBLÉE DIOCÉSAINE de Mars 2006  *

Ce que j'ai vu et entendu de notre Eglise diocésaine au cœur du monde saharien
 par Mgr Claude RAULT

1- Regard sur ce monde où nous vivons: le Sahara d'aujourd'hui

* La vie économique et sociale de notre monde saharien:

      -  une population qui s'est diversifiée,

      -   une économie "tiraillée" entre bondance de richesses et manque de travail

* La vie vie culturelle et religieuse

2- Notre Eglise diocésaine au coeur de ce monde saharien: vie des secteurs et liens en Eglise

3- Notre Eglise diocésaine au coeur de ce monde saharien: vie des personnes, engagements, valeurs et défis

4- Homélie d'Edouard au cours de l'Eucharistie cloturant l'Assemblée diocésaine ,  et  le dimanche,& en guise de conclusion et d'envoi. puis  Nouvelles..... pour rester proches




La vie économique et sociale de notre monde saharien

Je ne veux me situer ni en sociologue ni en économiste, mais avec le regard d’un pasteur, d’un disciple de Jésus qui ne peut être étranger à tout  ce qui est de l’humanité concrète où nous sommes plongés. J’aimerais que mon regard ne soit pas dénué d’objectivité, mais qu’il soit le plus évangélique possible.
Comment Jésus, comment l’Eglise naissante regardaient-ils leur monde ? Quel enracinement humain avaient-ils opéré au cœur de ce monde où ils vivaient ? C’est bien à partir de ce regard qu’ils ont initié et fait grandir le Royaume de Dieu.
Comment je vois donc ce monde, cette Société où nous sommes engagés


Une population qui s’est diversifiée
   
Cette population peut s’évaluer à environ 3.500.000 habitants. La plus grande partie se situe au nord Sahara, spécialement en son centre (axe Djelfa, Laghouat et Ghardaia, à l’ouest (El Bayadh et ses environs), à l’est (El Oued, Touggourt, Ouargla). 
Les villes du grand sud se développent aussi : Tamanrasset (100.000 ha), Adrar, Béchar.
La zone de pauvreté la plus criante est la région Nord Ouest du Diocèse. C’est sans doute là que nous sommes les plus fragiles et les moins présents.
Cette population s’est diversifiée depuis ces dernières années : les années 90 avec les violences que l’on connaît ont vu affluer du Nord une population qui a cherché refuge dans cette vaste région jugée un peu plus calme.
Nos Oasis sont donc constituées de populations plus " mêlées ", les habitants d’origine ne voyant pas toujours d’un bon œil ces nouveaux venus affluer, prendre souvent des postes de travail dont ils sont privés, et venant grossir les villes déjà en mal de croissance.
Il s’en suit que le caractère spécifique de ces oasis a subi un sérieux coup. Que dire d’une ville comme Tamanrasset, réputée pour être ville de refuge ou d’accueil de populations venues de Kabylie, des Hauts Plateaux, et aussi ville de transit pour les Subsahariens dans leur transhumance vers les pays d’Europe ?

Globalement,  la population d’origine ne s’est pas encore effritée dans ses structures traditionnelles, la famille n’a pas trop éclaté, comparativement aux villes du Nord. La famille élargie reste un pôle de référence et de solidarité. Il n’en est pas de même pour la population récemment arrivée, elle a perdu ces points de référence et subit une évolution plus brutale, et est plus fragilisée, voire même " paupérisée ", manquant de cette solidarité qui constitue, comme l’on dit, la sécurité sociale des pauvres.

Nous assistons donc à un désenclavement du Sahara, et par le Nord, et un peu par le Sud, à une diversification de la population de plus en plus grande. Le mélange s’est fait sous la poussée des années " noires " et sur les contraintes économiques qui amènent les jeunes et les moins jeunes à chercher du travail là où il y a plus de chance à en trouver.

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Une économie " tiraillée " entre abondance de richesses et manque de travail
   
N’oublions pas que les plus grandes richesses du pays se trouvent au Sahara. Le pétrole et le gaz représentent plus de 90% des revenus du pays. La rente pétrolière de l’année passée est évaluée, selon des chiffres glanés dans la presse,  à plus de 50 milliards de dollars, avec le prix du baril qui navigue autour de 60 $. L’Algérie rembourse sa dette. Elle fait aussi bénéficier le pays de cette manne en bien d’équipement : projet de 1.000.000 de logements d’ici 2010, entretien des routes, assainissement hydraulique des villes, soin apporté à l’équipement urbain, etc.

Mais l’apport financier n’est pas ou peu créateur d’emplois. Le chômage continue de drainer une population assez jeune et peu préparée à intervenir sur les champs de pétrole et dans l’industrie pétrolière. Les responsables économiques sont tiraillés par les lois du marché, et préfèrent souvent une main d’œuvre étrangère plus facile à canaliser, et parfois plus rentable et mieux formée. Ceci entraîne la protestation de la population locale, et nous avons déjà assisté à des soulèvements locaux occasionnés par des emplois revenus soit à des expatriés, soit à des gens venus du nord, là où sont les décideurs économiques. La presse en a fait état.
Plusieurs grands projets sont en voie de réalisation dans le Sahara :
- l’assainissement des eaux usées (qui représente parfois des projets énormes, pensons à Ouargla),
- l’acheminement de l’eau potable à Tamanrasset à partir d’In Salah,
- le chemin de fer de l’ouest, qui pourra relier Oran à Béchar, 
- l’entretien du réseau routier, qui représente plusieurs milliers de km de routes.
- le soutien au développement agricole, grâce à des subventions accordées à de nouveaux projets.
- des projets de construction de logements, comme dans l’ensemble du pays. Et tout récemment signalons un plan de développement de la région des Hauts Plateaux, dont a fait écho la radio et les journaux.

Une autre source de revenus, mais plus intérieure à l’économie de la région, c’est la relance de l’agriculture. Nous constatons de beaux projets, de belles réalisations, mais aussi des échecs faute d’un suivi assidu. L’Etat intervient généreusement pour une aide à de nouveaux projets agricoles, mais dont la supervision est difficile à suivre.
Par contre, l’évolution du pastoralisme va dans un autre sens. Il est vrai que les pluies ces dernières années ont été assez généreuses pour le nord Sahara et les Hauts Plateaux, mais l’avance du désert continue. Les années sombres de la dernière décennie ont vu la diminution, voire même la disparition du pastoralisme familial, au profit du grand pastoralisme. De moins en moins de tentes apparaissent dans l’espace saharien. Les gros troupeaux sont de plus en plus fréquents, transportés par des camions qui servent aussi à les alimenter en eau. Ils ne sont plus gardés par des familles, mais par des bergers à gage, et appartiennent à  de gros propriétaires.
Cette évolution est due aussi au désir des familles de se rapprocher des centres urbains afin de permettre aux enfants d’être scolarisés. Ceci entraîne bien sûr un éclatement urbain, et ne donne pas pour autant la possibilité aux familles de vivre de façon décente.

Parlons du commerce. Sans doute n’avons-nous jamais vu autant de commerces se développer dans nos cités sahariennes. Des magasins s’ouvrent, proposant des marchandises qui vont de l’ordinateur dernier cri (venant souvent de Chine) aux fripes, qui font le bonheur des familles souvent nombreuses qui ont la possibilité de s’habiller à moindre frais. Mais cela va sans doute obliger de remettre à jour les petits centres de " coupe - couture ", et à revoir de nouveaux champs pour la promotion féminine.

Le tourisme reste marginal. Il y a une nette reprise, notamment au Hoggar, qui n’est pas seulement due à la béatification de Charles de Foucauld, mais au retour de la sécurité. Il profite essentiellement aux compagnies aériennes, et aussi aux multiples agences de tourisme de Djanet et de Tamanrasset. C’est un tourisme de grandes randonnées et de proximité, un peu coûteux, mais ne nécessitant de pas beaucoup de moyens d’accueil. Il est surtout présent dans le grand sud.

Il nous faut dire un mot de la santé. Le temps de la gratuité absolue est pratiquement passé. Il est de plus en plus difficile de se faire soigner ou opérer dans les structures médicales d’état sans couverture sociale et sans appui dû à des connaissances œuvrant dans les hôpitaux. Ceux-ce auraient besoin d’une rénovation, de matériel, d’entretien, de médicaments. Le personnel a beau y être souvent dévoué, cela ne suffit pas à assurer des soins pour tous. Cela reste un point sombre dans la vie économique du pays. Se faire soigner dans des cliniques privées devient possible, mais à quel prix ? Pourtant, la région ne manque pas de médecins. Une ville comme Timimoun compte un médecin pour 100  habitants, ce qui n’est pas mal. La carence de gynécologues est une réalité. Les médicaments restent chers, et souvent les clients ne prennent de leur ordonnance médicale que ce qu’ils peuvent payer au pharmacien. Le recours à des médecines locales est inévitable, y compris aux talebs et aux guérisseurs, dont l’efficacité reste très aléatoire.
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La vie culturelle et religieuse

Voici une dizaine d’années, nous avons vu se multiplier les " paraboles " sur les toits et les terrasses, et nous avons emboîté le pas. La différence est sans doute que de notre côté, avons gardé une préférence pour les chaînes européennes, et délaissé quelque peu les chaînes arabes, car ce sont elles qui sont surtout visitées et zappées par notre population du sud.
La " globalisation " est entrée dans la plupart des familles. La référence aux chaînes arabes a développé l’écart entre le monde occidental facilement assimilé au monde chrétien et le monde oriental, assimilé au monde musulman. Ceci est sans doute plus vrai pour le Sahara algérien plus axé sur les chaînes de télé arabes.
Les radios locales se sont multipliées, étant donné le coût assez bas pour investir dans ce domaine. Cela permet à la population urbaine de suivre de plus près les événements qui se passent dans la cité.   
Mais deux autres instruments de communication et d’information viennent s’infiltrer dans nos sociétés, c’est " l’internet " et " le portable ". Ce dernier tend à supplanter les cabines téléphoniques, obligés de se reconvertir à cause de la concurrence.
Le portable est maintenant accessible à toute la population. Son développement désenclave les oasis, et rend possible la communication tous azimuts.  Ce n’est pas sans importance pour l’évolution de la façon de communiquer. J’ai vu, il y a peu de temps, un touareg dans la région de Tam téléphoner au rythme du balancement de son chameau… alors qu’il est interdit de téléphoner au volant !
Avec le téléphone portable, vient l’internet et le cybercafé. Ce dernier est en pleine expansion. La communication se multiplie, et c’est une fenêtre de plus ouverte sur le monde. Petit à petit, les ordinateurs entrent dans les maisons… personne n’y échappe, même si la progression reste assez lente. De toute façon, nombre de la nouvelle génération ont leur e.mail, et consultent, ainsi que les différents sites accessibles. Cela n’est pas sans conséquences sur l’évolution de la société.

Dans ce même champ culturel, je mettrais l’école et l’enseignement en général. L’expérience montre que son évolution est lente, et que l’un et l’autre (plus particulièrement l’école) sont marqués par les dix années passées. On ne peut faire faire à un pétrolier un demi-tour en quelques minutes. Il lui faut du temps. Il en est de même pour l’enseignement. Le fait que le français soit au programme de la seconde année primaire ne va pas tout de suite avoir une influence sur l’accès au savoir dans cette langue si les enseignants ne sont pas préparés à former leurs élèves. Il y a là  une demande qui nous interpelle et nous sommes sollicités dans ce domaine.

Pour ce qui est des universités, elles se multiplient dans le Sud. Les facultés ne sont pas toujours très adaptées aux besoins du lieu. Là encore  nous sommes sollicités pour une aide d’appoint en soutien linguistique et méthodologique, et aussi en matière d’apport de livres par le biais de bibliothèques que nous sommes amenés à spécialiser. Cela reste modeste au vu des besoins.

Le plus dramatique, c’est que l’école et l’université continuent à former de jeunes chômeurs qui ont de plus en plus de mal à s’intégrer dans la société, faute de travail. Leur dignité même est amputée, et ils peuvent devenir la proie d’une désespérance et d’un mal vivre qui peuvent se prêter à des manipulations, comme c’est le cas dans de nombreux pays. Quoi qu’il en soit, beaucoup sont embauchés pour de petits boulots qui permettent de survivre, mais pas de construire un avenir.
Pouvons-nous, à notre niveau, élargir notre champ d’engagement ? Comment le faire ? La question est posée.

Il est difficile de bien cerner le champ religieux. Mais il s’est considérablement diversifié au gré des quartiers, des lieux, des mosquées. Nous ne pouvons pas dire que nous évoluons vers un monde qui se modèlerait sur une société de type laïque. Plusieurs courants traversent la société musulmane.
Ce que nous remarquons, et la presse locale en fait mention, c’est la persistance d’un certain " islamisme ", qui a certes perdu de sa violence, mais qui garde le rêve d’une société bâtie sur la "Charia".
Cela ne signifie pas un durcissement de la société. Il y a plusieurs façons de pratiquer l’Islam, peut-être davantage que voici quelques années. Il reste bien présent dans le champ social, mais il se diversifie. Il reste porteur de sens, ou, plus encore de recherche de sens, et cette recherche de sens est sans doute le lieu où nos chemins se croisent le plus profondément.
Une autre constatation faite, c’est la " renaissance " du mouvement confrérique. Je ne dispose pas de statistiques, mais il est un fait que les Confréries réoccupent le champ religieux. Ce développement donne à l’Islam une base populaire, issue de son histoire et de son développement dans la région.
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Un regard sur ce monde où nous vivons :  le Sahara d'  aujourd'hui    par Mgr Claude Rault
boutonhaut.jpg  suite du propos de Mgr Claude Rault lors de l'assemblée diocésaine
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