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Eté 2009
(maj du 25 août 2009)

Pardon des 7 Saints Dormants d'Ephèse 2009

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55ème pélerinage islamo-chrétien
présidé par Mgr Rault
les 25- 26 juillet 2009
 

22420 Vieux Marché  - Cotes d'Armor -
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" Pour connaitre l'autre,
il ne faut pas l'annexer

mais devenir son hôte"
(Louis Massignon)

Islam et Christianisme au Pardon des Sept Saints

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Autour de l'autel 
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Mgr Rault avec Mohamed Loueslati,
Imam de la prison de Rennes
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Autour de la fontaine, après la lecture de la Sourate 18, par l'Imam Mohamed Loueslati


       

HOMELIE de Mgr Claude Rault

VIEUX MARCHE -  Samedi 25 juillet 2009


Chers Frères et Sœurs en humanité.

    Puisque notre rencontre au Vieux Marché, sous le patronage de nos «Sept Dormants », se déroule sur le thème « Pour une Paix sereine entre les deux rives », c’est dans cet esprit que je voudrais orienter notre réflexion de ce soir.
Ma vocation au sein de la famille spirituelle des Pères Blancs, m’a amené sur l’autre rive de la Méditerranée, en Algérie, depuis 1970. Très vite, je me suis senti accueilli et conquis par de nombreux liens d’amitié noués au fil d’engagements successifs avec de nombreux musulmans et musulmanes. Depuis cinq ans, je suis donc devenu évêque du Diocèse de Laghouat, qui représente l’ensemble du Sahara algérien.
Cela pour vous dire que je me sens, avec les membres de mon diocèse, mais aussi avec toute l’Eglise présente au Maghreb, profondément engagé pour cette « Paix sereine entre les deux rives ».
Je voudrais tout simplement devant vous saisir au vol les textes de l’Ecriture qui viennent d’être lus, et vous partager quelques réflexions susceptibles de nous aider à faire un pas de plus sur ces passerelles édifiées entre nos deux rives.

« Pour une paix sereine entre les deux rives… » Il n’y a pas que la Méditerranée qui nous sépare. Il y a la mer de nos incompréhensions respectives, de nos ignorances mutuelles, de nos préjugés séculaires.  En fait une histoire lourde de beaucoup de souffrances, de guerres, de conflits, de blessures qui demeurent encore ouvertes. Traverser ces eaux tumultueuses peut paraître impossible.
Et pourtant beaucoup de personnes ont fait la traversée de ces apparentes impossibilités et nous ont montré par leur audace et leur ténacité que rien n’est impossible à Dieu. Parmi ces nombreuses figures, je veux ici évoquer celle de Louis Massignon, cet audacieux « passeur » sans lequel nous ne serions pas ici aujourd’hui ! Sa vie et son message demeurent pour nous une lumière qui n’a rien perdu de son éclat !

« Pour une paix sereine entre les deux rives… » Pour une paix entre nous, chrétiens, pour une paix entre chrétiens et musulmans, entre tous les croyants du monde, mais aussi entre tous les membres de notre commune humanité… Pour tracer un chemin, j’aime reprendre devant vous les mots de l’apôtre Paul dont nous avons entendu le message tout à l’heure :
« Ayez beaucoup d’humilité, douceur et patience, supportez-vous les uns les autres avec amour. Ayez à cœur de garder l’unité dans l’Esprit par le lien de la Paix » Certes, l’apôtre s’adresse à des chrétiens en recherche d’unité, mais cette attitude ne peut-elle pas être développée envers toute personne ? L’amour de l’autre ne peut pas être limité par des frontières.

Je développerai devant vous ces « vertus universelles » de l’humilité, de la douceur et de la patience. Elles trouvent leur achèvement dans l’amour et le respect de l’autre. Elles peuvent alimenter la source de la paix dans nos communautés de foi mais aussi dans nos communautés humaines. Je crois me souvenir que l’instituteur de mon enfance les développait lui aussi dans ses leçons matinales de morale.
   
St Paul recommande tout d’abord aux chrétiens d’Ephèse l’humilité. Ce n’est pas une vertu exaltée par nos médias, ce n’est pas une valeur actuellement très cotée en bourse ! Et pourtant, croyez-moi, il est urgent d’y investir ! Nous vivons dans des civilisations qui glissent vers le « paraître », ce que nous appelons « le look », la concurrence (il faut être les meilleurs en tout, en foot  comme en industrie). Nous vivons dans  sociétés où il faut se mettre en avant, au risque de marcher sur les pieds de l’autre, apparaître dans les médias, faire monter son audit, avoir du pouvoir. Mais le pouvoir ne montre pas toujours le chemin le meilleur et le plus autorisé, celui qui fait grandir en sagesse, en justice et en vérité.

Mais il peut y avoir une humilité mal comprise. Il ne s’agit pas de s’écraser devant l’autre, de faire le profil bas par tactique. Nous avons le devoir d’être nous-mêmes, sans renier nos valeurs fondamentales parce que c’est cela que nous avons de meilleur à proposer à l’autre. S’écraser devant l’autre, ce n’est pas le respecter. Simplement soyons en profondeur et humblement ce que nous sommes. Le nom « humilité » vient de la racine latine « humus », la terre. Et il est bon de nous rappeler que nous sommes tous pétris de la même terre ! Cela rend «humble » de nous le rappeler ! Tous et toutes, que nous nous soyons chrétiens, musulmans, bouddhistes, agnostiques… Tous et toutes nous avons la même origine : la terre ! N’oublions pas que cette terre est noble et belle : nous en sommes pétris de la main  même de Dieu.

L’humilité est dans la vérité de ce que nous sommes : des frères et des sœurs en humanité ! Nous n’emporterons rien avec nous que le poids d’amour que nous aurons pu offrir à l’autre, quel qu’il soit ! Et c’est avec cet Amour que déjà nous construisons l’impérissable cité du Ciel.
   
Une autre vertu que l’apôtre recommande, c’est la douceur. Souvent, elle est confondue avec la faiblesse. « Bienheureux les doux, nous dit Jésus, ils recevront la terre en héritage » Là encore, nous sommes à contrecourant de certaines images qui peuvent nous fasciner à tous les niveaux : politique, commercial, économique… voire même religieux. Comment se fait-il que le Christ propose à ceux qui le suivent le chemin de la douceur ? La douceur nous apprend à nos désarmer nous-mêmes, et la meilleure façon de désarmer l’autre, c’est d’être nous-mêmes désarmés ! Nous connaissons tous de grandes figures contemporaines dont la force de la douceur a changé la face de notre monde : Gandhi (que Louis Massignon a d’ailleurs rencontré), Martin Luther King, Nelson Mandela. Nous connaissons aussi la force tranquille de l’abbé Pierre et de Mère Theresa, le Testament bouleversant du Frère Christian de Chergé.  Mais combien d’hommes et de femmes inconnus mettent la douceur à la base de leur existence et de leurs relations ! Qui dans une conversation, qui dans un affrontement social est le plus fort ? Celui qui perd ses moyens ou celui qui sait garder son calme et sa sérénité ? Nous savons tous l’échec dramatique de la violence ! L’écrasement de l’autre ne peut qu’engendrer d’autres violences cachées qui un jour ou l’autre se réveilleront, même après plusieurs générations. Les relations difficiles que nous connaissons aujourd’hui entre chrétiens et musulmans, entre croyants de différentes religions "s’originent" toujours dans des violences séculaires qui se sont enkystées au sein de nos sociétés.
Près de Ghardaia, la ville où je réside, se trouvent deux petites villes, Malika et Metlili. Jadis, elles étaient composées de deux ethnies opposées, l’une sédentaire et l’autre nomade, et elles se trouvaient sans cesse en guerre. Las de ces combats répétés, les sages des deux villes se sont réunis sur une petite montagne qui a gardé son nom « la montagne du couscous ». Là, ils ont décidé d’un commun accord que vingt familles de Metlili iraient habiter à Melika et que vingt familles de Melika iraient habiter à Metlili. Ils ont compris que la violence ne pouvait qu’engendrer la violence, et ils ont préféré devenir hôtes les uns des autre pour arrêter cette spirale incessante de violence. La sagesse de la douceur l’a emportée sur la guerre !

    Parlons maintenant de la patience. Nous nous sentons là encore une fois aller un peu à contre-courant de nos sociétés. Il faut faire vite, aller vite, ne pas arriver en retard… même à la messe ! Tout cela est normal si nous voulons vivre ensemble de façon harmonieuse, mais où placer la patience ?
Parlant un jour avec un vieil ami musulman sur la patience, il me rapporta une tradition attribuée au Prophète de l’Islam. Un croyant lui demanda quelles étaient les trois grandes vertus que devaient pratiquer un vrai musulman. Et le Prophète de lui répondre : « la première, c’est la patience, la seconde, c’est la patience, la troisième, c’est la patience » ! Vivre au milieu des croyants musulmans a été pour moi une belle école de patience. Nous sommes trop attachés à l’immédiat, alors que la patience de Dieu est géologique. Il nous faut beaucoup de temps pour comprendre l’autre, entrer dans sa culture, sa langue, ses différences, ses comportements. Cela est vrai pour tout le monde. L’école de l’autre différent est une école de patience. Elle nous fait apprendre de l’autre, accepter que nous ne savons pas tout de lui ! J’ai travaillé chez un artisan dinandier, fabriquant de plateaux de cuivre. C’est peut-être là que j’ai le plus appris à vivre au rythme de l’autre. Je suis descendu de mon estrade d’enseignant pour apprendre un métier dont j’ignorais tout. La patience de mes compagnons de travail m’a toujours impressionné. Ce fut pour moi une belle école d’humanité. Vivre au rythme du calendrier musulman, surtout pendant le Ramadan, au rythme des temps de prière… J’admets que mon impatience aussi a été mise à l’épreuve. Je voulais apprendre tout de suite. Me mettre au rythme de l’autre, je le crois, m’a fait grandir en humanité. Cela me faisait penser souvent à l’expérience de Jésus. Trente années de vie obscure pour apprendre à être homme parmi les hommes, lui qui venait de Dieu. Il s’est glissé avec patience dans notre vie, et c’est cela qui l’a rendu vraiment universel !
Et il a ainsi construit une passerelle entre eux. Il est devenu lui-même passage d’une rive à l’autre. Sommes-nous prêts à le suivre sur ce frêle chemin, lui qui de disait « doux et humble de cœur » ?

    Faisons un bouquet final de ces trois belles fleurs que propose St Paul aux Chrétiens d’Ephèse : l’humilité, la douceur et la patience. Le fruit commun, c’est l’amour.
« Supportez-vous les uns les autres avec amour ».
L’amour dont Paul parle ici, c’est tout ce qui touche l’amitié, la fraternité, la convivialité, le respect de l’autre. Et comme lien pour nouer ce beau bouquet, c’est la paix !
« Ayez à cœur de garder l’unité dans l’Esprit par le lien de la Paix »
    La Paix trouve sa source dans la l’humilité, dans la douceur, dans la patience.
Frères et sœurs en humanité, en quelques mots nous avons tout entre les mains « Pour une paix sereine entre les deux rives » !

C’est le chemin que nous dicte notre foi. Sommes-nous prêts à le suivre ?

+Mgr Claude Rault 
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HOMELIE de Mgr Claude Rault
VIEUX MARCHE - Dimanche 26 juillet 2009

Frères et sœurs en humanité,
   
Hier nous sommes arrêtés à la lettre de Paul aux chrétiens d’Ephèse, et nous avons essayé de poser, au nom de notre foi, les bases d’une « Paix sereine entre les deux rives »,
Nous avons porté notre regard au-delà de la Méditerranée, dans cet espace qui est nôtre, celui de notre conscience humaine.
Nous avons  élargi cet espace à cet autre que nous sommes appelés à rencontrer dans sa différence même.
Nous allons aujourd’hui continuer de nous mettre à l’écoute de la Parole de Dieu, nous arrêtant au récit de la multiplication des pains.
   
Nous avons entendu un récit qui est assez surprenant. Jésus est avec ses disciples, suivi par une foule nombreuse, cinq mille personnes, nous dit l’évangéliste, et voici qu’il décide de leur donner à manger. On ne nourrit pas de telles foules sans avoir prévu. Les organisateurs de cette rencontre du Vieux Marché en savent quelque chose ! Nous pourrions nous arrêter au caractère « miraculeux » de l’événement. Et repartir comme si nous venions d’entendre une belle histoire, émerveillés comme nos jeunes ravis d’avoir vu le dernier épisode de Harry Potter.

Mais la Parole de Dieu devient provocante si derrière la belle histoire nous essayons de chercher ce que cela peut vouloir dire pour nous aujourd’hui ! Et cet aujourd’hui est de nous éclairer sur ce que nous pouvons faire « Pour une Paix sereine entre les deux rives », cet espace qui nous sépare de l’autre et sur lequel nous voudrions voir s’établir des passerelles de fraternité, de partage et de convivialité.
Hier nous nous sommes arrêtés sur les attitudes de base où peut s’ancrer une paix solide : l’humilité, la douceur, la patience. Allons plus loin aujourd’hui à l’écoute des paroles, et des gestes de Jésus.
   
Avant de nourrir les foules, Jésus guérit des malades. Il commence par les plus atteints de ces gens qui le suivent. Cela veut dire qu’il s’intéresse à leur corps. Il ne fait pas que rassasier de belles paroles réconfortantes. Il guérit ! Et puis après, il se fait un regard plus large, comme s’il ne l’avait pas déjà fait, et il se rend compte qu’il est suivi par une foule nombreuse. Et probablement, c’est l’heure de manger. Une fois encore il s’intéresse aux corps, à la faim qui commence à se faire sentir. Et il va responsabiliser ses disciples :
« Où pourrions-nous acheter du pain pour qu’ils aient à manger ? »
Question qui embarrasse : cinq mille personnes ! Philippe fait le compte cela peut s’évaluer à 200 journées de travail, et encore ce serait insuffisant ; et il n’y a rien dans la caisse ! C’est l’impasse. Rien à faire.
Mais il n’y a pas rien… Cinq pains et deux poissons, dit André. Ridicule, pourrions-nous penser. Oseriez-vous proposer à la foule qui est ici et qui veut manger (cela va bientôt être l’heure du repas…) cinq pains et deux poissons ? Moi, je n’oserais pas par peur d’être ridicule. Peu importe, André s’est risqué. Jésus le prend au sérieux, et en même temps il prend la situation en main.
Il fait mettre de l’ordre dans cette foule en pagaille : « faites-les asseoir ». Sur l’herbe : Jésus devient le Pasteur de ce troupeau. Il lève les yeux au Ciel, dit merci à Dieu avant même d’avoir reçu. Il nourrit la foule, et il en reste, et on emporte ce qui reste pour le distribuer aux autres, car la nourriture qui reste doit être respectée et distribuée.
Vous savez comment se termine l’événement. La foule voit en Jésus un boulanger à bon marché. On veut le faire roi, au risque d’une récupération politique. Il ne tombe pas dans le piège, et il s’enfuit seul dans la montagne.
Il s’efface, à nous maintenant de tirer le sens de cet événement. S’il s’efface, c’est parce qu’il veut maintenant nous laisser la place et l’espace pour que nous agissions à notre tour.
   
     «Pour une Paix sereine entre les deux rives ». Comment devenir acteur de cette paix ? N’avons-nous pas ensemble quelque chose à faire, en plus de développer ces attitudes dont je vous parlais hier soir ?
Je crois que le premier geste que nous ayons à faire, c’est de regarder ce qui se passe sur nos deux rives et entre nos deux rives. Non pas d’un regard de voyeur, de curieux, mais d’un regard de « voyant », à la façon du Christ. Ce regard va d’abord vers les malades, les plus faibles, et il les guérit.

Il va ensuite vers la foule, et il la nourrit. Que nous soyons sur une rive ou sur une autre, regardons vers les plus démunis, et apportons leur cette nourriture essentielle qui est celle de l’amour mutuel, du partage et de la solidarité.
Vivant sur l’autre rive, au sein d’un Diocèse qui ne dépasse pas la centaine de chrétiens, nous sommes ensemble amenés à regarder aussi autour de nous, dans un partenariat étroit avec les musulmans qui nous accueillent. Notre regard voudrait toujours se situer dans la ligne de l’Evangile, de ce regard de Jésus sur l’autre. Nous vivons au sein d’une société qui ne partage pas notre foi. Mais nous sommes accueillis, reconnus, et nous avons créé depuis des décennies des liens de reconnaissance commune et de fraternité. Chaque jour nous côtoyons des musulmans et des musulmanes avec lesquels nous collaborons, en partenaires, pour une terre plus fraternelle. 
    Ce regard est une invitation continuelle à mieux nous connaître les uns et les autres. Une invitation à accueillir la différence de l’autre dans le plus grand respect de sa foi, des valeurs universelles qu’il porte en lui. Croyez-moi, cela ne va pas toujours de soi ! Il ne s’agit pas de nier nos différences mais de les mettre au service de l’autre. La convivialité, le climat dans lequel nous vivons nous permet de mieux nous apprécier les uns les autres. Nous avons besoin de la différence de l’autre pour exister, et elle nous enracine davantage dans la profondeur de notre foi.
Notre existence au milieu de ces peuples musulmans de l’autre rive est une école de convivialité, de fraternité. Notre monde en a besoin : trop de barrières raciales, trop d’exclusions peuvent empoisonner nos relations. Nous sommes pétris de la même terre. Même si notre foi n’est pas partagée, notre humanité est la même ! Et ce sont des liens d’humanité qui nous rattachent les uns aux autres. Il nous faut par notre regard et nos engagements les multiplier, les approfondir pour vraiment nous percevoir comme des frères et des sœurs en humanité. Les échanges sur la religion, sur ce qui nous sépare et nous rapproche ne peuvent être vrais que s’ils s’enracinent dans le désir de vivre ensemble et de travailler à une terre plus humaine, donc plus à l’image de celle que Dieu veut pour nous tous ! 
Et alors ensemble nous pouvons faire comme Jésus : guérir. Guérir signifie,  remettre debout les être les plus blessés, les plus atteints dans leur chair. Nous ne faisons en cela que mêler nos efforts à tous ces musulmans et ces musulmanes qui se dévouent au service des plus démunis de leur société. Même si notre engagement est parfois suspect de prosélytisme aux yeux de certaines autorités, je puis le dire avec force, jamais nous n’utilisons nos activités pour convertir l’autre à notre foi chrétienne. La conversion est l’affaire de Dieu qui agit dans les consciences, elle n’est pas notre affaire. Faire de la « charité chrétienne » un moyen de circonvenir l’autre, c’est dévoyer le message du Christ.

Notre grande joie est de pouvoir nous engager aux côtés de musulmans et de musulmanes. Cet engagement n’est pas toujours compris. Vous savez, il n’est facile nulle part de vivre sa foi. Elle provoque toujours une certaine contradiction. Ce peut être parfois parce que nous nous y prenons mal. Nous n’avons pas à nous faire une mentalité de persécutés. Ce peut être aussi parce que tout engagement pour la promotion de la personne humaine, pour la justice, pour la paix provoque l’adversité. C’est comme cela ! Et beaucoup de croyants de l’Islam le savent aussi.

« Pour une paix sereine entre les deux rives »… Nous revenons à ce défi souvent cité ces jours-ci. Je voudrais en guise non pas de conclusion mais d’ouverture plus large vous confier un souci que je ne suis pas le seul à partager. Depuis quelques années déjà, des migrants venus d’Afrique subsaharienne franchissent le désert, au risque de leur vie. Beaucoup ne vont pas jusqu’au bout et meurent de soif et de faim pendant leur traversée. Ils viennent se joindre aussi à de nombreux Maghrébins qui tentent la traversée de la Méditerranée. Devant ce flot migratoire, nous sommes en tant qu’Eglise absolument démunis, aussi démunis que devant la provocation de Jésus à ses disciples.
« Où pourrions-nous acheter du pain pour qu’ils aient à manger ? » Notre réponse est celle de l’apôtre André qui disait ne disposer que de cinq pains et deux poissons. Nous n’avons pas plus à leur offrir. Il en est dans cette église qui savent de quoi je parle. Nous sommes là devant un drame douloureux. Pourquoi tant d’hommes et de femmes d’Afrique tentent-ils la double traversée du désert et de la mer pour rejoindre l’autre rive au risque de leur vie ? Il faut que la raison soit forte et profonde !

Au début des années 60, j’étais allé écouter l’Abbé Pierre venu dans le sud de la Manche avec ses Compagnons chiffonniers. Et il a eu ces paroles prophétiques qui ne me quittent plus. « Nous voici dans l’ère des indépendances, dit-il en substance. Des pays désormais libres vont prendre ou ont déjà pris en main leur destin. Si nous ne leur donnons pas le pouvoir d’accéder au mode de vie auquel ils ont droit, ils viendront eux-mêmes chercher chez nous ce qu’ils n’ont pas chez eux, et nous n’aurons pas le droit de leur refuser ! » La question des migrations est délicate, et je n’ai pas l’intention de donner des leçons à qui que ce soit. Mais elle est un fait de notre temps. Quel est notre regard ? Ne pourrions-nous pas écouter la question de Jésus :
« Où pourrions-nous acheter du pain pour qu’ils aient à manger ? »
Je me sens aussi démuni que l’apôtre André avec ses cinq pains et deux poissons :
« Qu’est-ce cela pour tant de monde ? ».
    C’est dans le partage de nos pauvretés que sûrement  nous pourrons trouver une juste réponse à la question de Jésus. Mais une chose est sûre, il n’y aura pas de paix sereine entre les deux rives tant que ce drame ne trouvera pas son issue.
Il ne peut être éradiqué que par un regard qui suit celui de Jésus regardant la foule, et par un geste qui, comme le sien, rassemble, responsabilise, et rassasie.

A nous d’être inventifs comme il a su le faire.

  +Mgr Claude Rault
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Autres photos et commentaire

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Le Pardon des Sept-Saints d’Ephèse 2009
par P. Christian Le Meur
Date : dimanche 2 août 2009.

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Prison de Rennes : un aumônier musulman consolateur de toutes les détresses
(La Croix, 4 avril 2003)


           A la maison d'arrêt de Rennes, Mohamed Loueslati,53 ans, est attendu par les détenus musulmans chaque vendredi après-midi, jour de prière, pour l'office religieux mais, plus largement, comme éducateur, conseiller et consolateur de toutes leurs détresses.
          Diplômé d'études supérieures de droit, ce Tunisien père de trois enfants, belle carrure, cheveux grisonnants et regard plein de bienveillance, est aumônier bénévole depuis un an et demi. Il l'est devenu sur la recommandation de la hiérarchie catholique qui le connaît bien puisqu'il a travaillé dix années au centre culturel islamique, créé en 1983 à Rennes.

La maison d'arrêt compte quelque 400 détenus, dont une cinquantaine sont musulmans, nés en France et très jeunes, âgés de 16 à 30 ans.
          "Tous les vendredis, de 14 à 17 heures je me rends à la prison, raconte M.Loueslati, qui en est le premier aumônier vraiment régulier. On fait la prière en commun, j'assure un prêche d'une heure, et ensuite, c'est très important, je réponds à toutes les questions, en gardant présent à l'esprit de les aider au mieux à passer cette douloureuse période".

          "Mon but, ajoute-t-il, c'est de chercher à réconcilier la culture arabo-musulmane avec la culture laïque républicaine, et cela passe par un travail portant sur la violence, le sexe, le rapport aux femmes, à l'argent, au travail, à la famille".
          Sur la famille, l'une des priorités est de tenter de "renouer les liens, le plus souvent distendus, quand ils ne sont pas inexistants". L'une des réussites dont il est le plus fier est d'avoir retrouvé en Tunisie le père d'un détenu de 14 ans, que cet adolescent n'avait jamais connu. "Je ne vous dis pas sa joie quand je lui ai remis à mon retour des lettres et des photos de son père". Dans la foulée, "il a fallu lutter pour persuader l'adolescent, qui s'en croyait incapable, de suivre une scolarité en prison".

          Détruire les idées reçues entre chrétiens et musulmans

          "Certains me demandent d'être en quelque sorte un père adoptif, mais je m'y refuse, dit-il, car ce n'est pas mon rôle. En revanche, je veille à tout ce qui peut améliorer leur situation, tant au physique qu'au moral et au spirituel, et je veille en particulier à la santé des jeunes détenus, en relation avec le médecin, quand je vois un danger se profiler, un jeune par exemple qui refuse de s'alimenter ou d'aller en promenade".
          En ces temps de guerre où certains voient le spectre d'un affrontement inter-religieux, l'aumônier veille aussi à « détruire les idées reçues entre judéo-christianisme et islam ».
          "Je leur explique que chrétiens, juifs et musulmans sont tous monothéistes, je fais un gros effort pour expliquer le christianisme. Je leur dis que le Coran honore Jésus comme un prophète et que Marie jouit dans notre livre saint d'un grand respect. Je leur explique aussi, ajoute-t-il, que le Jihad doit être compris non comme un recours à la violence externe mais comme une « guerre » contre l'ennemi à l'intérieur de soi".
          Pour Mohamed Loueslati, "le bilan est très positif et les rapports des détenus entre eux et avec les gardiens se sont beaucoup améliorés".
         
Une ombre au tableau pourtant, l'aumônier bénévole jouit d'un statut et d'une convention précaire et pourrait du jour au lendemain disparaître par la seule décision de l'administration pénitentiaire.

Autres photos sur
Islam et Christianisme au Pardon des Sept-Saints
voir aussi
Ouest France ( 27  & 26  juillet 2009)


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Quelques échos...

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