Amis
du Diocèse du Sahara
(ADS)
NOTRE
EGLISE D’ALGERIE AU SYNODE AFRICAIN.
« L’Eglise en
Afrique au service
de la réconciliation, de la justice et de la
paix.
Vous êtes le sel de
la terre… Vous
êtes la lumière
du monde (Mt 5,13-14)
A
TOUS LES MEMBRES DE NOTRE EGLISE D’ALGERIE.
De Rome. Le 16
octobre 2009
Bien chers Amis,
Un jour, on demanda au Pape Jean
XXIII combien de
personnes travaillaient au Vatican, et il
répondit d’un air
malin : « Oh ! A peu près
la
moitié ! ». Je puis vous
assurer que tous les
membres du Synode font partie de cette moitié
là !
Nous presque à la fin de la
seconde semaine
de notre parcours, et il nous reste un difficile
chemin à faire.
Le flot des
différentes
interventions s’est poursuivi le vendredi 9 et le samedi
matin 10.
Le
dimanche 11, a eu lieu la
canonisation de Jeanne Jugan, fondatrice des
Petites Sœurs des
Pauvres et de quatre autres Bienheureux, dont le P.
Damien, qui a
consacré sa vie aux lépreux.
Le travail
d’audition s’est poursuivi le lundi
12. Cette écoute nous a permis de
continuer à
identifier certaines questions émergentes dont
je vous avais
parlé lors de la précédente
chronique. Nous avons
eu une conférence assez appréciée
du Mr Diouf,
Président de la FAO qui a élargi nos
vues sur le
développement et aussi les défis du
continent africain en
matière d’alimentation et d’eau.
J’espère pouvoir vous
faire parvenir son intervention. A moins qu’elle ne
soit sur le net.
Puis le mardi 13,
nous avons commencé les travaux
par ateliers. Nous sommes répartis en
différents
groupes linguistiques : un lusophone, 5
anglophones, 5
francophones, et un franco-anglophone. Notre premier
travail a
été de dégager déjà
des points qui
nous paraissaient essentiels en vue des propositions
à faire
dans les rapports de clôture.
L’après-midi, un premier rapport de
synthèse a
été fait en séance
plénière.
Déjà apparaissaient les sujets les plus
saillants sur les
quels nous pourrions faire des propositions, et
élaborer
déjà quelques réponses.
Ce travail assez ardu car nous
sommes dans des
groupes d’une bonne vingtaine de personnes par
carrefour. L’ambiance
est plus « familiale »… mais le
modérateur
doit veiller à ce que nous soyons bien
centrés sur le
travail demandé, et sur le sujet du Synode. Il
ne s’agit pas en
effet de recommencer un Concile !
Ces travaux de
groupe, après cette première
présentation
du travail ont repris de façon continue le mercredi 14, le jeudi 15,
et le vendredi 16.
Voilà pour ce
qui est de la procédure dans laquelle nous
sommes engagés.
Avec la permission de Mgr Maroun
Laham,
évêque de Tunis, je vous livre ici
les sujets qui
apparaissent comme les plus importants de notre
Assemblée.
Au moment où je
commençais ce travail, il m’a livré ce
qu’il avait
déjà fait pour les membres de son
Diocèse.
Ils ne sont pas formulés en proposition (c’est
un travail
qui est engagé), mais ils résument bien
les
préoccupations actuelles de ce Synode pour
l’Eglise d’Afrique.
Je lui laisse donc la parole et je le remercie de
m’avoir transmis son
travail !
« Beaucoup
de points ont été abordés dans
la salle du
synode; certains touchent la vie de l’Église
partout (les
laïcs, les jeunes, les mass media, la formation des
séminaristes, la formation permanente des
prêtres, la vie
consacrée, les catéchistes, les diacres
permanents, la
collaboration entre les conférences
épiscopales…),
d’autres touchent plus particulièrement
l’Afrique, dont (et
ce sont les points les plus importants):
-
l’ethnicité et le tribalisme
- la femme
- la famille
- les enfants
- la mauvaise
gérance politique (corruption et
complicité avec les
multinationales)
- les rites
traditionnels de réconciliation
- l ’Islam
- le paradoxe de
la pauvreté et la grande richesse
matérielles de
l’Afrique.
- la sorcellerie
On aura noté que ces points
sont plutôt des préoccupations, cela
n’empêche qu’il
y a aussi des points positifs dont on a parlé au
synode. Mais
les évêques ont surtout exposé les
problèmes
auxquels l’Église d’Afrique doit faire
face :
1.Ethnicité
et tribalisme. On dit souvent dans la salle du
synode que le
sang de la tribu ou de l’ethnie était encore plus
fort que le
sang du Christ. Cela joue dans les relations sociales,
dans la vie de
l’Église, dans la nomination des curés et
des
évêques, dans la réconciliation
entre individus et
communautés. L’ethnicité est un abus de la
culture, on
arrive à cacher la mauvaise conduite sous le
voile des
« pratiques traditionnelles ».
L’identité
ethnique et l’identité chrétienne peuvent
être
concurrentes. Il s’agit d’arriver à une symbiose
entre les
valeurs positives de l’ethnie et
l’Évangile : « Que l’Évangile
pénètre les cultures africaines et que
les cultures
africaines pénètrent
l’Évangile »
(Benoît XVI).
2.La
femme. On en a parlé tous les jours. Ses
charismes de
tendresse, de réconciliation, d’amour, de paix ne
sont pas assez
mis en relief dans la vie sociale ni dans la vie de
l’Église,
alors qu’elles constituent la majorité des
personnes qui
fréquent les Églises. Elles souffrent
encore de quelques
traditions tribales injustes, de la polygamie et de
mauvais
traitements.
3.La
famille. Elle est encore assez traditionnelle
en Afrique
(père, mère et enfants). Elle est
menacée par la
théorie du « genre » qui
arrive de
l’Europe, sans parler de l’AIDS et de la sorcellerie qui
détruisent des familles entières. Les
enfants sont
désirés dans les familles africaines,
même si les
nouvelles générations commencent à
le sentir
moins. Il faut réhabiliter l’enseignement de
l’Église sur
la famille et la sexualité (préparation au
mariage,
accompagnement des couples…) La famille est
appelée à
être un lieu de réconciliation dans la
société africaine.
4.Les
enfants. Il y a d’abord la question de la
scolarisation des
enfants. Le budget de l’éducation
représente le 1 ou le
2% dans certains pays. Dans ce domaine, les
écoles
chrétiennes font un effort remarquable. Il y a
aussi la plaie
des enfants soldats, des enfants au travail, sans parler
des abus
sexuels sur les mineurs et de l’éducation des
enfants nés
de viol ni des enfants de la rue.
5.La
mauvaise gérance politique. Tous les
évêques
en ont parlé. Mis à part deux ou trois
pays, les
responsables politiques sont loin de chercher le bien
commun. Ils sont
souvent complices des multinationales qui exploitent les
richesses
naturelle du Continent. On a proposé des
aumôniers pour la
classe dirigeante politique, dont beaucoup sont
catholiques, et
certains pratiquants. Cette mauvaise gérance
politique est la
cause principale qui empêche les pays africains de
se
développer.
6.Les
rites traditionnels de réconciliation.
Il y a des points
positifs dans les rites traditionnels de
réconciliation et qui
peuvent être repris dans le Sacrement de
pénitence (l’eau,
la dimension communautaire, la solidarité
clanique, l’aveu de la
faute, la demande de pardon, les rites, le rôle
des
« anciens » dans la
réconciliation, la
sanction et la réparation, l’engagement à
ne plus faire
la même faute, le repas de
réconciliation...). Mais il y a
aussi des points négatifs (la haine transmise de
génération en génération,
des fautes sans
pardon, la fierté de la vengeance, l’accusation
de sorcellerie,
la négation de la dimension personnelle de la
faute,
l’idée des classes sociales qui empêche
qu’une classe
supérieure demande pardon à une classe
inférieure
ou à une personne âgée de demander
pardon à
une personne plus jeune ou au mari de demander pardon
à sa
femme…)
7.L’islam.
Comme partout, il n’y a pas un islam
monolithique. L’islam nord
africain n’est pas l’islam subsaharien ni l’Islam de
l’Afrique du Sud
ou de l’est. L’islam dominant n’est pas l’islam
majoritaire ni l’islam
minoritaire. Il y a un dialogue comme il y a une peur
croissante de
l’islam. Il y a certainement une poussée d’un
islam
prosélyte appuyé par les pays du
pétrole. Chaque
fois qu’on parlait de l’islam dans la salle du synode ou
dans les
carrefours, il y avait des points de vue divergents.
8.Pauvreté
et richesse. C’est un véritable
paradoxe. Les richesses
du Continent sont inépuisables (or, diamant,
pétrole,
eau, terres fertiles, population jeune, minéraux,
…). En
même temps, les pays d’Afrique figurent parmi les
pays les plus
pauvres du monde. Ils
produisent ce
qu’ils ne mangent pas, et ils mangent ce qu’ils ne
produisent pas. Il
y a certes l’ingérence des grands et les
intérêts
des multinationales (surtout le trafic des armes et de
la drogue), mais
– et ce sont les paroles du président de la FAO
qui est un
sénégalais –
« Les
pays d’Afrique sont des pays indépendants, ils
sont
supposés être maîtres de leurs
décisions.
Mais ils n’arrivent pas à se relever ; au
contraire, la
situation devient de plus en plus grave. Le nombre des
personnes
affamées au monde a dépassé le
milliard pour la
première fois dans l’histoire (dont la plupart
sont en Afrique).
Il y a certains pays qui arrivent à se suffire
en termes
de provisions normales, mais la plupart des pays non.
C’est surtout la
mauvaise gouvernance politique qui est à
l’origine de ce drame.
Le Vietnam, l’Inde, certains pays d’Afrique du nord
sont
arrivés... pourquoi pas les autres ?
L’Église a son
mot à dire… Le développement doit avoir
des bases
éthiques, et il doit mettre la personne humaine
au centre du
développement (Caritas in
Veritate) ».
9.La
sorcellerie. C’est une véritable plaie.
Elle est partout
et elle touche tous les aspects de la vie. La famille en
souffre, les
personnes aussi, sans parler de l’Église.
Même des hommes
politiques y ont recours dans le besoin. Certaines
pratiques
religieuses (chrétiennes et musulmanes) frisent
la sorcellerie,
et quelques prêtres et marabouts s’y laissent
aller. Elle est
dangereuse parce qu’elle arrive souvent à tuer
des personnes
supposées avoir des
« esprits » qui sont
à l’origine de leur réussite, et en les
tuant on
espère récupérer ces
« esprits ». Un autre abus est
l’accusation de
sorcellerie, ce qui discrédite facilement des
personnes. Le
synode est appelé à affronter cette plaie
avec des
paroles fortes.
Cependant :
Il est vrai que l’Afrique a connu des
blessures profondes qui ont marqué lourdement son
histoire, et
qui peuvent encore être des sources de
déstabilisation
personnelle et collective. Mais la
nécessité s’impose
d’une démarche d’une guérison de la
mémoire, de
réflexion, de volonté de
dépassement, pour
éviter le risque de l’enfermement dans un
passé
stérile.
Les africains doivent prendre en main leur destin.
L’Église de
l’Afrique doit assurer le développement de
l’Afrique comme
l’Église l’a fait pour l’Europe. L’Afrique doit
rester ouverte
au monde et garder sa liberté de choix. Le
présent synode
doit aider l’Afrique à se donner un destin pour
exister, prendre
conscience de sa dignité à l’heure de la
mondialisation.
L’Afrique est apte à aborder ses grands
problèmes avec
confiance. Les complexes historiques et culturels ont
été
dépassés. Le thème du synode
(réconciliation, justice et paix) exprime bien
cette
étape de la reconstruction de l’Afrique par les
africains en
union avec la communauté
internationale. »
Cette
énumération est
loin d’être
exhaustive, mais elle vous montre à quel point
ce travail
apporté par chaque évêque a
été
révélateur d’un ensemble de questions
sur lesquelles
l’Eglise est profondément interpellée.
Nous avons donc commencé
à
rédiger les propositions à transmettre
au Saint
Père. Elles commencent à se regrouper au
Secrétariat Général à
partir des
données transmises par les 12 carrefours. Un
gros travail est
fourni par ce Secrétariat, vous le devinez.
Le communiqué
final est
rédigé, et il va nous être soumis
en
Assemblée Générale pour
amendements. Il vous sera
transmis dans la prochaine chronique. J’aurais voulu
vous faire
parvenir celle-ci plus tôt, mais vous
comprendrez que nos
journées sont bien remplies.
Merci de
continuer à prier pour nous et pour cette
Afrique que nous avons
tant à cœur ! Les maux qui la touche ne
sont pas une
fatalité.
L’Eglise d’Afrique – et nous en sommes, n’est-ce
pas ? - renferme
un trésor de capacités humaines et
spirituelles qui ne
demandent qu’à être mobilisées,
et qui
déjà se sont mises à l’œuvre pour
qu’elle soit
« Sel de la terre et lumière du
monde ».
En fraternelle
communion.
Claude Rault
Evêque de Laghouat-Ghardaia.
Délégué
de la
CERNA pour le Synode.
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